Notaires de 1704 à 1789


Une version abrégée a fait l’objet d’une communication le samedi 17 mars 2018 lors du colloque organisé par l’association Le siècle des Rohan à l’auditorium du Musée d’Art Moderne de Strasbourg.
La page intitulée Notaires, greffiers, secrétaires reproduit différents catalogues d’époque et le règlement des rédacteurs d’inventaires. Le Catalogue des notaires au XVIII° siècle donne accès à une notice biographique des notaires qui ont exercé entre 1704 et 1789.

Résumé

Les notaires de Strasbourg, créés par les comtes palatins avant 1704 puis par le Magistrat, détenaient une étude liée à leur personne. Leur fonds était ensuite cédé à un notaire en fonction. Les seules études transmissibles sont celles des deux notaires royaux que Louis XIV a créés en 1682.

Les ventes et les obligations sont réservées à la Chancellerie municipale. Les testaments, les contrats de mariage et les inventaires après décès sont établis par un notaire public dont le nombre maximal est fixé à trente en 1718. La plupart des 30 notaires sont secrétaires d’une des 22 tribus. Après que le roi a supprimé en 1704 la charge des comtes palatins, seul le Magistrat est habilité à nommer les notaires de la Ville.
Les inventaires après décès, contrôlés par le bureau de la Taille à des fins fiscales, sont dressés par des notaires spécialement habilités par la ville, appelés rédacteurs d’inventaires (Inventierschreiber). Leur nombre est fixé à 24 en 1636. Le notaire peut compléter ses revenus en exerçant d’autres fonctions, au service soit de la Ville soit du Directoire de la Noblesse immédiate de Basse Alsace.
Le jeune garçon qui se destine au notariat entre en apprentissage chez un notaire. Le Magistrat fait passer un examen au candidat qu’il est ensuite libre de nommer si un poste est vacant. Un notaire peut ensuite demander à passer un nouvel examen pour devenir rédacteur d’inventaires.
L’alternative, c’est-à-dire l’alternance des charges entre catholiques et luthériens imposée par Louis XIV à la Ville protestante en 1687, est appliquée in concreto (en considérant l’ensemble des titulaires) chez les notaires mais in abstracto (individuellement) chez les secrétaires de tribu. Quand un notaire cesse d’exercer, ses actes sont cédés à un autre notaire en exercice, par legs, par vente ou par enchère.
Les bourgeois et les manants sont libres de s’adresser au notaire de leur choix. Ils choisissent cependant le plus souvent un notaire de leur voisinage ou le secrétaire de la tribu dont ils relèvent.
Suite à la Capitulation de 1681, le Roi établit à Strasbourg en décembre 1682 deux notaires, appelés notaires royaux, qui ne dressent pas d’inventaire de bourgeois et dont les ventes d’immeubles sis à Strasbourg sont enregistrées à la Chambre des Contrats.
Sur les 122 notaires nommés par la ville au XVIII° siècle, les catholiques sont au nombre de 36 mais beaucoup d’entre eux trouvent d’autres postes et n’exercent pas de fonctions notariales.
La Révolution qui supprime les tribus ôte aussi aux notaires les revenus liés au poste de secrétaires de tribu. Il y a en 1789 trente notaires agréés par le Magistrat, il subsiste quinze études en 1803.

Notaires, secrétaires de tribu, rédacteurs d’inventaires à Strasbourg de 1704 à 1789 : 148 officiers au service des bourgeois et des manants de Strasbourg,

  • 123 notaires nommés ou confirmés par le Magistrat,
  • 15 notaires nommés par un comte palatin,
  • 10 notaires royaux nommés par le roi.

Albert (Jean Georges, 1787, 6 E 41, 849, n° 89) Becker (André, 1776, ADBR cote 6 E 41, 1396) Brackenhoffer (Jean, 1740, St. Nicolas S. 1708-1748 f° 110)

Signatures de Jean Georges Albert, Jean Baptiste Anrich, Christophe Evrard Bæhr, Jean André Becker, Jean Brackenhoffer et Jean Martin Brieff
Sceau et papier découpé, Jean Brackenhoffer (ADBR cote 6 E 41, 1268 n° 2), Jean Marbach (AMS, cote 34 Not 6)

Notaires publics, greffiers municipaux : attributions respectives


Le Marché aux Herbes vers 1600, de gauche à droite le Nouveau Bâtiment (Neubau), la Chancellerie, l’Hôtel de ville (Pfaltz), la Monnaie (dessin de Rühl, publié par Jean-Pierre Klein)

Les notaires publics qui exercent à Strasbourg n’ont pas les mêmes attributions que les greffiers municipaux au service de la Chancellerie.
Les ventes et les obligations sont réservées à la Chancellerie municipale, établie le 4 janvier 1587, qui devient le 2 février 1625 la Chambre des Contrats d’après la salle dévolue à cet effet à l’hôtel de Ville. Ses officiers sont des notaires municipaux qui portent par la suite le titre de greffier (actuarius).
Les autres actes, soit les testaments, les contrats de mariage et les inventaires après décès, sont établis par un notaire public (notarius publicus), c’est-à-dire un officier qui n’est pas fonctionnaire municipal. Les notaires sont nommés jusqu’en 1704 par des comtes palatins, investis par l’Empereur du pouvoir de créer des notaires. Après la Capitulation (septembre 1681), les nominations ont lieu non plus au nom de l’empereur mais au nom du roi, de sorte que le notaire impérial (notarius cæsareus) est désormais appelé notaire royal. Le Magistrat (les Conseillers et les Vingt-et-Un) nomme les notaires de la Ville à partir de 1704. Leur nombre maximal est fixé à trente le 9 mai 1718, c’est-à-dire les 21 secrétaires de tribu, le secrétaire de la communauté de la Robertsau et huit autres notaires : il y a alors treize notaires qui ne sont pas secrétaires de tribu et qui n’exercent pas tous de fonctions notariales. La plupart d’entre eux préfèrent cependant conserver leur titre de notaire comme ils le déclarent le 7 mars 1718.
L’usage est de préférer les candidats natifs de la Ville à ceux natifs de la campagne, et ceux natifs de la campagne à ceux originaires de l’étranger qui doivent d’abord se faire naturaliser (déclaration du préteur royal, 21 février 1722. Selon la procédure coutumière, le candidat passe l’examen, les examinateurs (les préposés en chef de la Chancellerie) font leur compte rendu, le meilleur des candidats est élu (voir le protocole des Conseillers et des Vingt-et-Un, 18 avril 1722). Un candidat peut être renvoyé à la commission d’examen même si aucun poste de notaire n’est vacant (voir le compte rendu du 23 novembre 1757).

Secrétaires de tribu


Jean Richard Hæring, notaire et secrétaire de la tribu des Drapiers (AMS, cote V 125-2)

La plupart des 30 notaires sont secrétaires d’une des 22 tribus auxquelles s’ajoute la communauté de la Robertsau.
Les bourgeois de la Ville font tous partie d’une tribu d’après leur métier. La tribu de l’Ancre qui porte traditionnellement le numéro 1 rassemble les bateliers, la tribu du Miroir qui porte le numéro 2 rassemble notamment les marchands, les chapeliers, les passementiers, les peigniers. Chaque tribu et chaque corps de métier à l’intérieur d’une tribu tient des réunions dont les comptes rendus sont dressés par un secrétaire (Zunfftschreiber) choisi parmi les notaires. Les Conseillers et les Vingt-et-Un rappellent le 20 avril 1739 que tout secrétaire de tribu doit être habilité à dresser des inventaires (être rédacteur d’inventaires). Suite à cette décision, les secrétaires de tribu Adam Claus (Tonneliers) et François Antoine Rumpler (Lanterne) deviennent rédacteurs d’inventaires.

Nomination par les comtes palatins (délégués impériaux)


Titres du comte palatin Jean Philippe Bœckler dans le brevet remis au notaire Jean Wolfgang Courtz (1703, AMS cote VIII 190)
Exemplaire imprimé de l’arrêt qui supprime la charge des comtes palatins, 1704 (ADBR, cote 32 J 25)

Le droit du Magistrat à établir des notaires qui remonte à l’Empire a été confirmé sans ambiguïté après la Capitulation par un arrêt du Conseil d’Etat en date du 24 mai 1684 (voir en particulier l’exposé de l’avocat Hold le 22 janvier 1746). Dans les faits, ce sont les comtes palatins (délégués impériaux) qui nomment les notaires. Le dernier des comtes palatins à nommer des notaires à Strasbourg est Jean Philippe Bœckler. L’empereur Léopold l’a investi à Vienne le 3 avril 1663 du pouvoir de créer des notaires, des tabellions et des juges par un brevet rédigé en latin. Cette investiture est cessible à ses fils. Elle est reproduite dans le brevet de nomination de Jean Wolffgang Courtz aux fonctions de notaire le mercredi 21 novembre 1703.

Par son arrêt rendu à Versailles le 31 mars 1704. le roi supprime la charge des comtes palatins. Les notaires créés par les comtes palatins doivent s’adresser au Magistrat s’ils souhaitent continuer à exercer. Philippe Jacques Mader, Christophe Evrard Bær, Jean Henri Lang et Sébastien Goldbach sont ainsi nommés par les Conseillers et les Vingt-et-Un le 6 décembre 1704. D’autres notaires qui occupent par ailleurs d’autres postes gardent leur titre sans exercer – ils sont encore huit en 1716 (Breu, Naundorf, Rauch, Schneuber, Steinmetz, Thorwart, Tromer, Winterlin, voir les déclarations de 1718). L’ancien notaire nommé par le comte palatin Jean Joseph Humbourg est nommé notaire royal par lettres patentes de Louis XIV le 30 mars 1708. C’est le seul notaire à avoir été notaire royal du fait qu’il a été nommé par le comte palatin et ensuite notaire royal parce qu’il est titulaire d’une charge créée par le roi de France.



Jean Wolfgang Courtz – Armes, page de titre du brevet de notaire remis par le comte palatin (AMS, cote VIII 190)
Vignette à la devise
Altiora peto (J’aspire à m’élever – AMS, cote 23 not 73)
Signature au bas d’un acte de 1708 et de 1736

Rédacteurs d’inventaires

Haering (Richard, 1761, acte 256, cote 6 E 41, 1360)
Jean Richard Hæring, notaire et rédacteur d’inventaires, au bas d’un inventaire de 1761 (ADBR, cote 6 E 41, 1360)

Les inventaires après décès sont contrôlés par le bureau de la Taille à des fins fiscales. Ils sont dressés par des notaires spécialement habilités par la ville, appelés rédacteurs d’inventaires (Inventierschreiber). Leur nombre est fixé à 24 par les Conseillers et les Vingt-et-Un le 8 juin 1636.

L’avocat général Hold rappelle le 11 avril 1739 aux Conseillers et aux Vingt-et-Un que le Magistrat a créé la fonction de rédacteur d’inventaires parce que les comtes palatins nommaient des notaires qui n’avaient pas les compétences de dresser les inventaires transmis au bureau de la Taille, ce qu’on n’a plus à craindre depuis que le Roi a supprimé la fonction de comte palatin et que la Ville examine elle-même les candidats.

La coutume veut que les secrétaires de tribu soient rédacteurs d’inventaires comme le rappelle l’avocat Scheffmacher le 30 septembre 1709 ou le préteur royal le 4 avril 1716. Le préteur royal propose le 11 avril 1739 que les Conseillers et les Vingt-et-Un habilitent les notaires à dresser des inventaires avant qu’ils soient nommés secrétaires de tribu pour rester pleinement maîtres de choisir les candidats.

Autres fonctions d’un notaire

Outre ses fonctions d’officier public et de secrétaire de tribu, le notaire peut compléter ses revenus en étant

  • secrétaire au service de la Ville (François Henri Dautel est secrétaire à la Chambre des subhastations, Georges Frédéric Fettich est secrétaire à la recette de l’hôpital bourgeois),
  • receveur de familles nobles (Jean Martin Brieff est receveur de la familles de Birckenfeld),
  • receveur ecclésiastique (Jean Nicolas Sommervogel est receveur de l’abbaye de Schwarzach, Jean Daniel Stœber est receveur de la fabrique Sainte-Aurélie, Jean Frédéric Zimmer qui n’est pas secrétaire de tribu est receveur du Chapitre Saint-Thomas),
  • receveur d’une fondation (Jean Martin Brieff est receveur du collège Saint-Guillaume, Jean Baptiste Anrich est secrétaire de la maison des Orphelins),
  • secrétaire à l’université (le notaire porte alors le titre de notaire universitaire, notarius academicus, Philippe Jacques Mader, Jean Daniel Lang l’aîné, Jean Jacques Griesbach),
  • secrétaire d’un corps provincial de métier (Jean Georges Ellès est secrétaire au corps des chaudronniers d’Alsace).
  • Le notaire peut par ailleurs être habilité par le Directoire de la Noblesse immédiate de Basse Alsace pour
    dresser les inventaires de ses membres, que ce soit à Strasbourg ou à la campagne (comme Jean Daniel Ensfelder, Mathias Koch, Jean Richard Hæring, Jean Frédéric Lichtenberger, Tobie Schumacher),
  • être avocat (Jean Georges Albert, Jean Daniel Lang le jeune),
  • être bailli (Jean Wolfgang Courtz est bailli de Schönberg et Schmieheim en Brisgau).

Greffier à l’audience du consul régent, Philippe Jacques Greis reste notaire mais ne devient pas rédacteur d’inventaires. Son successeur à la charge de greffier, Frédéric Jacques Rœderer, devra renoncer à ses fonctions de notaire pour incompatibilité de fonctions.
Comme il est parfois peu commode de détenir plusieurs fonctions, certains notaires renoncent à leurs fonctions de notaire, Jean Frédéric Goll quand il devient employé au greffe de Wasselonne, Georges Philippe Rith greffier du bailliage d’Illkirch ou André Schmitt greffier du bailliage de Barr.

Inventaires de bourgeois et de manants

Le notaire rédacteur d’inventaires dresse des inventaires de bourgeois qui résident soit dans le ban de la ville soit à l’extérieur comme les pasteurs ainsi que des inventaires de manants. Certains inventaires de manants sont traités par le greffier du Petit Sénat qui charge alors un notaire de dresser l’inventaire puis le vérifie et le signe. Les actes complémentaires (partage, liquidation) sont dressés et signés par le notaire et non par le greffier du Petit Sénat.

Formation et nomination

Sanglier 10 (juin 2016)


Langheinrich (J. Daniel, 1748, 6 E 41, 706 n° 22)
Contrat d’apprentissage passé entre le notaire Mathias Koch et la mère de Jean Daniel Langheinrich (1737, ABDR cote 6 E 41, 512)
Signatures de Mathias Koch (1745, ADBR cote 6 E 41, 499, n° 127)
et de Jean Daniel Langheinrich (1748, ADBR cote 6 E 41, 706, n° 22)
Maison de Mathias Koch, rue du Sanglier à l’angle de la rue du Chaudron

Le jeune garçon qui se destine au notariat entre en apprentissage chez un notaire, comme cela se pratique chez les artisans. Quelques contrats d’apprentissage ont été conservés, comme celui passé entre le notaire Jean Adam Œsinger et Jean Euth (1725) ou ceux passés entre le notaire Mathias Koch et Jean Daniel Langheinrich (1733), Jean Georges Ellès (1741) et Jean Michel Grauel (1748).

Le candidat notaire adresse une supplique aux Conseillers et aux Vingt-et-Un (Herren Räth und Ein und Zwantziger) qui le renvoient à la commission d’examen, les préposés en chef de la Chancellerie (Obere Cantzleÿ Herren). Ceux-ci lui font passer l’examen du notariat qui consiste à vérifier que les candidats ont « les connaissances nécessaires pour rédiger des inventaires, des contrats de mariage, des testaments, des codicilles, des fidéicommis, des legs et autres actes qu’un notaire et un rédacteur d’inventaires peuvent avoir à expédier » (die Zu Verfertigung und auffrichtung der Inventarien, Eheberedungen, Testamenten, Codicilllen, fidei commiss Erbschafften, Legaten und übrige einem Notarii und Inventir: Schreiber Zu expediren Vorkommender acten erforderliche Wissenschafft). La commission d’examen en rend compte aux Conseillers et aux Vingt-et-Un qui sont libres de choisir de nommer au moment voulu un des candidats reçus si un poste est vacant et en respectant autant que faire se peut le principe de l’alternative. Une fois nommé, le notaire ou le rédacteur d’inventaires jure d’observer le règlement (voir le règlement des rédacteurs d’inventaires).
À mesure que le XVIII° siècle avance, certains d’entre eux complètent leur apprentissage en fréquentant le palais de justice ou l’université. Jean Daniel Lang (1745), Jean Bernard Cappès (1751), Jean Georges Albert (1754), Jean Michel Grauel (1755), Jacques Batteincourt (1768), Jean Frédéric Kiechel (1772), François Mathias Faller (1780) s’inscrivent à la faculté de droit de Strasbourg..
La connaissance du français et de la pratique française ont conduit à nommer des notaires surnuméraires, comme Joseph Revoire en 1739. Ce sont par la suite des critères pour choisir un notaire comme dans le cas de Jean Frédéric Zimmer le 1 février 1760. A partir des années 1780, le double examen (notariat et rédacteur d’inventaires) tombe en désuétude, les candidats sont nommés en une seule fois notaires et rédacteurs d’inventaires.

Alternative (alternance religieuse)


(…) beÿ dergleichen Wie beÿ allen anderen officÿs die alternativa nach derer Allergnädigsten Königlichen Intention Wie bißhero allzeit strictissimé geschehen, müße observirt Werden (pour ces postes comme pour tous les autres, l’alternative doit être observée de façon stricte comme jusqu’à présent pour satisfaire à l’intention de Sa Majesté le Roi)
Registre des Conseillers et des Vingt-et-Un, 1718, p. 2 (AMS cote 1 R 201)

Comme toutes les fonctions officielles, la nomination des notaires doit suivre le principe de l’alternative, c’est-à-dire l’alternance religieuse, imposée par Louis XIV à la Ville protestante le 5 avril 1687 : un luthérien succède à un catholique et inversement. L’alternative chez les notaires est évoquée pour la première fois dans les registres des Conseillers et des Vingt-et-Un le 30 avril 1718. L’alternative est appliquée in concreto et non in abstracto chez les notaires, c’est-à-dire que les notaires sont considérés dans leur ensemble (in concreto) et non individuellement (in abstracto) : si le dernier notaire nommé est catholique, le suivant sera luthérien, quelle que soit la religion du notaire dont le poste est devenu vacant.
L’alternative est par contre appliquée individuellement (in abstracto) pour les secrétaires de tribu d’après le décret du 2 décembre 1726 confirmé le 2 septembre 1771.
Le principe de l’alternative est cependant difficile à appliquer par manque de candidats catholiques – voir par exemple la nomination de Jean Daniel Stœber le 10 décembre 1736. Le préteur royal approuve la nomination de quatre notaires dont un seul est catholique le 25 septembre 1747. Les candidats notaires sont pour la plupart luthériens, les catholiques nommés trouvent souvent d’autres postes qu’ils préfèrent au notariat. Sur les 30 notaires du catalogue ouvert en 1753, 23 sont luthériens et 7 catholiques.


Catalogue des notaires (1753 à 1774, AMS cote V 151, 4)

Les tribus tentent parfois de contourner le principe de l’alternative en nommant des secrétaires provisoires comme le relève le préteur royal le 24 janvier 1723. Cette pratique interdite continue cependant. Les échevins de la tribu des Pêcheurs nomment Jean Elie Goll secrétaire provisoire le 19 décembre 1724. Il devient titulaire le 29 janvier 1729 en observant ainsi le principe de l’alternative puisque la tribu des tonneliers vient de nommer un secrétaire catholique. Secrétaire adjoint depuis plusieurs années, Jean Daniel Ensfelder est nommé secrétaire en titre le 10 décembre 1772 en remplacement de Jean Bernard Cappes, catholique démissionnaire après avoir été en fonction un an.

Cession des fonds


Extrait de l’adjudication des actes de Jean Michel Grauel, jointe à son inventaire après décès. Philippe Louis Übersaal se porte acquéreur pour 170 florins le 12 juin 1789 (acte n° 416 de Jean Frédéric Greis, ADBR cote 6 E 41, 890 n° 416)

Quand un notaire cesse d’exercer, généralement suite à sa mort, ses actes sont cédés à un autre notaire en exercice, soit par legs soit par vente ou par enchère. Le dépositaire du fonds peut alors délivrer des expéditions, c’est-à-dire remettre aux parties une copie de la minute qu’il conserve. Les Conseillers et les Vingt-et-Un fixent le 20 avril 1739 à un an le délai entre la mort du notaire et la vente du fonds. Les Conseillers et les Vingt-et-Un autorisent par exemple le 4 novembre 1739 Jean Daniel Stœber à acquérir le fonds du notaire Philippe Jacques Mader. Le fonds de Jean Daniel Lang est vendu aux enchères à Jean Michel Grauel en 1757, celui de Jean Michel Grauel à Philippe Louis Übersaal en 1789.

S’il n’y a plus d’expéditions à délivrer, les fonds anciens ne trouvent pas preneur. Le notaire Mathias Koch transmet le 9 septembre 1743 aux préposés en chef de la Chancellerie un état des archives que détenait feu le notaire Jean Martin Brieff, à savoir les actes d’André Kauffmann (1612-1634), Euchaire Schübler (1601-1627), Daniel Strintz (1600-1650), Christophe Schübler (1637-1685) et Jean Philippe Schübler (1673-1703). Les héritières souhaitent vendre ces documents comme vieux papiers. Le préteur Müllenheim charge le secrétaire de consulter les pièces dont certaines pourraient être d’un grand intérêt pour des familles nobles ou bourgeoises. La Ville finit par acquérir les documents au prix du vieux papier pour pouvoir les trier. Ces actes qui n’ont jamais été triés constituent aujourd’hui les fonds notariaux de Strasbourg les plus anciens qui soient conservés.

Clientèle

Les bourgeois et les manants sont libres de s’adresser au notaire de leur choix quand ils souhaitent faire dresser un acte. Ils choisissent cependant le plus souvent un notaire de leur voisinage ou le secrétaire de la tribu dont ils relèvent. La plupart des boulangers s’adresse à Jean Daniel Lauth, secrétaire de la tribu des boulangers, pour dresser un acte.
Il arrive cependant qu’un notaire ait peu de clients de la tribu dont il est secrétaire, comme Jean Euth qui dresse de nombreux d’inventaires de marchands alors qu’il est secrétaire à la tribu des jardiniers aux Charrons.

Notaires royaux


Maison de Jean Joseph Humbourg († 1717), actuel 10, rue des Juifs
Signature au bas d’ un acte de 1709 (ABDR, cote 6 E 41, 35)

Suite à la Capitulation de 1681, le Roi établit à Strasbourg en décembre 1682 deux études de notaires, appelés notaires royaux, comme ceux nommés par le comte palatin jusqu’en 1704. Ces notaires sont habilités à instrumenter dans toute la province, donc aussi à Strasbourg. Les nouveaux venus de langue française sont dans les premiers temps leur principale clientèle, notamment celle de Pierre Bidier Dutil. Les actes de vente d’immeubles sis à Strasbourg sont en principe enregistrés à la Chambre des Contrats. Les notaires royaux ne dressent pas d’inventaire de bourgeois, soumis à la vérification du bureau de la Taille. Ces notaires nommés par lettres patentes se succèdent dans leur charge en se transmettant les archives comme pour une étude du notariat moderne.

Le notaire : sa famille, ses fonctions


Sceau et papier découpé de Jean Lobstein (1741, AMS cote 31 not 55)

La plupart des rédacteurs d’inventaires sont luthériens. Ils font souvent partie d’une famille de notaires comme Jean Régnard Lang dont le fils devient notaire et deux filles épousent des notaires. Son gendre Jean Lobstein a un fils notaire et deux filles qui épousent des notaires.
Sur les 87 notaires de la Ville qui exercent régulièrement, 52 (soit 60 %) sont propriétaires d’une maison, 35 (soit 40 %) locataires. D’après leur inventaire après décès, leur fortune est comparable à celle d’un artisan.


Maisons qui appartiennent aux notaires publics de la Ville : la plupart se trouvent sur la Grande île dans des rues secondaires (en rouge) – Notaires royaux (en vert)

Sur les 122 notaires nommés par la ville, 36 sont catholiques mais beaucoup trouvent d’autres postes et n’exercent pas de fonctions notariales. Le premier notaire catholique à dresser des inventaires après décès est Georges Philippe Rith en 1722 puis le luthérien converti Jean Christophe Fingado en 1724 et André Schmitt en 1728. Adam Claus est le premier notaire catholique à exercer toute sa vie (de 1729 à 1763).
La plupart des notaires exercent jusqu’à leur mort : Jean Jacques Œlinger pendant 53 ans de 1715 à 1768, François Henri Dautel pendant 54 ans de 1727 à 1781, Jean Raoul Dinckel pendant 45 ans de 1736 à 1781. François Henri Dautel est aidé à la fin de sa vie par Jean Lederlin, nommé notaire en 1774 pour être son assistant.
Certains seront relevés de leurs fonctions comme Jean Nicolas Sommervogel ou Jean Georges Rœssel, D’autres se démettent de leurs fonctions comme Christophe Bilger qui s’associe à une troupe de comédiens ou François Joseph Fernig, Jean Georges Ellès et Jean Frédéric Dinckel qui sont en état de faillite.

La Révolution qui supprime les tribus ôte aussi aux notaires les revenus liés au poste de secrétaires de tribu. Il y a en 1789 trente notaires agrées par le Magistrat outre la Chambre des Contrats qui devient une étude ordinaire en 1795. Il subsiste quinze études une douzaine d’années plus tard.
Certains notaires s’établissent ailleurs

  • Jean Baptiste Reiffsteck cesse ses fonctions à Strasbourg en avril 1794 pour s’établir à Weil der Stadt en Wurtemberg,
  • Jean Sébastien Mayer cesse ses fonctions à Strasbourg en mars 1802 pour s’établir dans le département du Mont-Tonnerre,
  • Jean Thomas Zæpffel continue d’exercer ses fonctions à Illwickersheim en quittant Strasbourg,
  • Jean Frédéric Schæff cesse d’exercer en 1800 et devient propriétaire terrien à Schaffhouse-sur-Zorn.

Un certain nombre de ceux qui continuent à exercer à Strasbourg participent aux activités révolutionnaires en adhérant à des sociétés comme Jean Daniel Stœber ou Jean Frédéric Grimmer.

Pantrion, vignette (Inv. Dorothée Kohlloeffel, 1711)
Vignette de Jacques Christophe Pantrion, devise Spes futuri (L’espoir en l’avenir, AMS cote 40 Not 28)
Sceau et papier découpé de Jean Daniel Papelier (1744, AMS cote 30 not 36 n° 755)

Les notaires sont au XVIII° sous le contrôle du Magistrat qui les nomme, sauf les deux notaires royaux. Malgré l’alternative, la majorité d’entre eux sont luthériens. Leurs revenus proviennent principalement des inventaires après décès et de leur fonction de secrétaire de tribu.
Le catalogue des notaires donne le lien vers le curriculum vitæ de chacun de ceux qui ont exercé au XVIII° siècle. Il existe plusieurs listes de notaires (1722, 1739, 1749, 1753, 1783).


Autres vignettes

Le notaire choisissait un motif et une devise lors de sa nomination par un comte palatin. Outre les vignettes de Jean Wolfgang Courtz et de Jacques Christophe Pantrion ci-dessus, nous sont parvenues les suivantes (notaires ayant exercé après 1704).



Christophe Evrard Bæhr, devise Dum spiro spero (J’espère tant que je respire, AMS cote 40 Not 31)
Jean Jacques Grüenwald, devise Spes non confundit (L’espoir n’égare pas, AMS cote 19 Not 72 n° 219)
Jean Kitsch, devise Fortassis tentare licebit (Peut-être pourra-t-il essayer, AMS 1 AH 6609)
Jean Pierre Kolb, devise Milito pro justitia (Je combats pour la justice, AMS cote 40 Not 10 n° 124)
Jean Henri Lang l’aîné, devise Veritas odium parit (La vérité engendre la haine, AMS cote 27 Not 28 n° 12)
Jean Régnard Lang, devise Iesu redemptor laboribus aspira (Jésus rédempteur, soutiens nos travaux, AMS, cote 39 Not 11, n° 250)
Etienne Corneille Saltzmann, devise Spes alteræ vitæ (L’espoir d’une autre vie, ADBR cote 7 J 4)
Elie Winckler, devise Virtuti nihil invium (Au mérite, rien n’est inaccessible, AMS, cote 61 not 1)
Jean Christophe Schœll, Deus Retributor Boni (Dieu récompense les gens de bien, AMS cote 29 Not 64, n° 581)
Jean Frédéric Marbach, devise Lucida notariorum stella (L’étoile lumineuse des notaires, AMS cote 40 Not 25)


Les Maisons de Strasbourg sont présentées à l’aide de Word Press.