Notaires de Strasbourg au XIX° siècle
Le notariat au XIX° siècle (1791-1900)
La loi du 6 octobre 1791 supprime les anciennes dénominations, abolit la vénalité des offices notariaux et retient le seul titre de notaires publics. Elle stipule que les actes des notaires publics seront reçus suivant les anciennes formes jusqu’à la rédaction du Code Civil. Les notaires ont le droit d’exercer dans tout le département de leur résidence, les nouveaux titulaires doivent passer un concours public.
La loi du 25 ventôse an XI (16 mars 1803) répartit les notaires en trois classes qui correspondent à l’administration de la justice civile : notaires de canton, notaires d’arrondissement et notaires de cour d’appel. Cette loi institue des chambres de discipline, réglées par un arrêté gouvernemental du 2 nivôse an XIII (24 décembre 1803) dont les dispositions sont restées en vigueur jusqu’à l’ordonnance du 4 janvier 1843.
L’article 91 de la loi des finances en date du 28 avril 1816 établit le principe de l’hérédité des offices qui permet aux notaires, aux avoués ou aux greffiers de présenter des successeurs à l’agrément du roi. Il s’ensuit que les offices des notaires sont transmissibles par cession, sauf pour les notaires destitués.
L’ordonnance royale du 4 janvier 1843 règle l’organisation des chambres de notaires et la discipline du notariat.
Suite à l’annexion de 1871, la loi du 10 juin 1872 abroge le principe de cession des charges (« Est supprimé le droit dont disposent les titulaires des charges vénales au service de la justice de présenter un successeur compétent. Il leur sera alloué une indemnité dont le montant sera déterminé incessamment et qui leur sera versée lorsqu’ils quitteront leur charge », Bulletin des lois propres à l’Alsace-Lorraine, 1872, p. 171. – §. 1. Das Recht der Inhaber verkäuflicher Stellen im Justizdienste, einen geeigneten Nachfolger zu präsentiren, ist aufgehoben. Denselben wird eine Entschädigung gewähret, welche alsbald festzustellen ist und bei ihrem Ausscheiden aus den Stellen zahlbar wird. Gesetzblatt für Elsass-Lothringen, 1872, S. 171). La loi du 26 décembre 1873 supprime les trois classes de notaires qui peuvent désormais exercer leurs fonctions dans le ressort du tribunal civil où ils résident. La loi du 6 novembre 1896 stipule que les notaires peuvent instrumenter dans toute l’Alsace-Lorraine.
Le code civil français continue de s’appliquer en Alsace-Lorraine jusqu’au premier janvier 1900, date à laquelle le code civil allemand entre en vigueur.
D’après Jean-François Lobstein, Manuel du notariat en Alsace (Strasbourg, 1844) et François Lotz, Le notariat alsacien de 1800 à nos jours (Kaysersberg, 1989)
Note sur l’Enregistrement
Alors qu’ils étaient trente avant la Révolution, il n’y a plus que quinze notaires à Strasbourg suite à la loi du 25 ventôse an XI qui régit leurs fonctions. La liste ci-dessous donne les titulaires successifs de ces études jusqu’en 1900. Le premier titulaire a souvent recueilli des actes de notaires qui figurent ci-dessous sous la rubrique « actes recueillis, postérieurs à 1792 », du moment qu’ils ont rédigé des actes postérieurement à 1792, (1). Pour savoir quels notaires détenaient des actes anciens avant leur récent reclassement, on se reportera à l’état des fonds en 1844 qui seul représente la réalité historique. On rappelle que sous l’Ancien Régime les notaires étaient nommés individuellement par le Magistrat de Strasbourg sans que leur étude soit transmissible, voir à ce sujet les Notaires de 1704 à 1789. Le Catalogue des notaires au XVIII° siècle donne une liste qui correspond à celle-ci-dessous.
La numérotation des études, due au reclassement des Archives dans les années 1970, ne reprend ni celle de Jean-François Lobstein (Manuel du notariat en Alsace, 1844) ni celle du Manuel pour les notaires de l’arrondissement de Strasbourg (1851).
Etude I
- François Antoine Lacombe (1770-1808), cesse son activité en 1808 et transmet ses actes à son fils, voir Etude XV
- Marie Guillaume François Rencker (1817-1858)
- Alfred Ritleng (1858-1905), dit Ritleng fils puis (1868) Ritleng aîné
- titulaires ultérieurs
Etude II
- (actes recueillis, postérieurs à 1792) Jean Sébastien Mayer (1783-1802)
- Jean Louis Knobloch (1784-1819)
- Jean Jacques Weigel (1819-1836)
- Joseph Alphonse Tinchant, (1836-1843), auparavant à Saverne (1829-1836)
- Chrétien Charles Auguste Rœssel (1843-1862), dit Rœssel aîné (1850 sqq.)
- Charles Victor Holtzapfel (1862-1885)
- Antoine Keller (1885-1919), auparavant à Eguisheim (1873-1876) puis à Wintzenheim (1876-1885)
- titulaires ultérieurs
Etude III
- (actes recueillis, postérieurs à 1792) Jean Daniel Schweigheusser (1751-1799)
- (actes recueillis, postérieurs à 1792) Jean Daniel Ensfelder (1765-1796)
- (actes recueillis, postérieurs à 1792) Jean Philippe Rith (1797-1798)
- Philippe Louis Übersaal (1776-1818)
- Frédéric Schreider (1818-1831)
- Jean Louis Edouard Kratz (1831-1841)
- Marie Napoléon Théodore Burtz (1841-1861)
- Emile Weiss (1861-1872), auparavant à Phalsbourg (1849-1860)
- (actes cédés à Metz, étude XV)
Etude IV
- (actes recueillis, postérieurs à 1792) Jean Georges Albert (1755-1794)
- (actes recueillis, postérieurs à 1792) Jean Daniel Schaaff (1783-1794)
- (actes recueillis, postérieurs à 1792) Jean Frédéric Greis (1774-1798)
- (actes recueillis, postérieurs à 1792) Jean Frédéric Schæff (1764-1800)
- Jean Georges Rœssel (1774-1803)
- Daniel Ehrenfried Stœber (1804-1821)
- Jean Georges Hatt (1821-1842)
- Auguste Frédéric Lauth (1842-1867), auparavant à Colmar (1835-1842)
- Auguste Weiss (1867-1872), auparavant à Bischwiller (1856-1867) puis à Nancy
- Charles Lauterbach (1872-1921), auparavant à Wissembourg (1864-1872)
- titulaires ultérieurs
Etude V
- (actes recueillis, postérieurs à 1792) François Mathias Faller (1792-1799)
- Jean Frédéric Grimmer (1784-1819)
- (Georges Louis) Frédéric Grimmer (1819-1866)
- Laurent Hoffherr (1866-1872), auparavant à Embrun (Hautes-Alpes, 1863-1866), puis à Orsay (Essonne), 1875-1883
- Joseph Allonas (1872-1906), auparavant à Rhinau (1869-1872) – remarque, les actes Allonas sont cotés sous l’étude fictive XXIV
- titulaires ultérieurs
Etude VI
- Nicolas Thomas d’Aquin Laquiante (1780-1807)
- Paul Louis Meyer (1808-1818)
- David Charles Henri Cunier (1818-1819), ensuite à Bischwiller (1819-1826)
- Emile Triponé (1819-1838), auparavant à Bischwiller (1819)
- Joseph Charles Théodore Striffler (1838-1850), auparavant à Ingwiller (1837-1838)
- Henri Eugène Rœssel (1850-1872), dit Rœssel jeune
- (actes cédés à Metz, étude XV, suivant ordonnance du 10 mai 1873)
Etude VII
- Jean Daniel Stœber (1776-1811)
- Chrétien Théophile Stœber (1813-1837)
- Adolphe Bœrsch (1837-1845)
- Georges Reiss (1845-1850)
- Edouard Stromeyer (1854-1874), auparavant à Fegersheim (1840-1853)
- (actes cédés à Allonas, étude V, suivant ordonnance du 7 octobre 1875)
Etude VIII
- Jean Georges Rœssel (1810-1823)
- Louis Léopold Guillaume Grimmer (1824-1839), auparavant à Schiltigheim (1821-1824, résidant à Eckbolsheim)
- Louis Charles Zeyssolff (1839-1862), auparavant à Drulingen (1830-1839)
- Gustave Edouard Lœw (1862-1905) (notice)
- titulaires ultérieurs
Etude IX
- (actes recueillis, postérieurs à 1792) Jean Raoul Dinckel (1795-1800)
- (actes recueillis, postérieurs à 1792) Henri Grimm (1798-1799)
- Chrétien Geoffroi Bossenius (1789-1818)
- Philippe Frédéric Hickel (1818-1838)
- Geoffroi Becker (1838-1875)
- Jean Mossler (1875-1921)
- titulaires ultérieurs
Etude X
- (actes recueillis, postérieurs à 1792) Jean Frédéric Kiechel (1779-1792)
- (actes recueillis, postérieurs à 1792) Philippe Frédéric Heus (1760-1800)
- Georges Frédéric Zimmer (1789-1827)
- Louis Frédéric Zimmer (1827-1867)
- Jean Théodore Kœrttgé (1867-1875)
- Frédéric Antoine François Pierron (1876-1889) , auparavant à Pfaffenhoffen (1853-1875)
- Charles Gachot (1889-1893), auparavant à Sarre-Union (1863-1889)
- Jean Hammann (1893-1918), auparavant à Westhoffen (1870-1872), à Bischwiller (1872-1881) et à Schiltigheim (1881-1893)
- titulaires ultérieurs
Etude XI
- Jean Baptiste Anrich (1760-1807)
- Dagobert Thurmann (1808-1824)
- Jean Philippe L’Ange (1824-1837)
- Charles Keller (1837-1873), auparavant à Belfort (1825-1837)
- (actes cédés à Allonas, étude V)
Etude XII
- Henri Joseph Wengler (1784-1827)
- Charles Nœtinger (1827-1859)
- Marie François Victor Nœtinger (1859-1868)
- Marie Louis Edgar Nœtinger (1868-1872)
- Jean Louis Wolffhügel (déc. 1872-juin 1873)
- (actes cédés à Metz, étude XV puis étude II)
Etude XIII
- André Bremsinger (1786-1811)
- (remplacé par Jean Georges Vix, 1797-1800)
- François Louis Bremsinger (1826-1840)
- Joseph Théophile Arbogast (1840-1848)
- Jean Georges Flach (1848-1874)
- (actes cédés à Mossler, étude IX, suivant ordonnance du 23 juin 1875)
Etude XIV
- Félix Gaspard Lex (1791-1818), auparavant greffier du bailliage de Dorlisheim (1790)
- Félix Joseph Lex (1818-1826)
- Antoine Ritleng (1826-1868), dit Ritleng père à partir de 1858
- Emile Ritleng (1868-1916), dit Ritleng jeune
- titulaires ultérieurs
Etude XV
- Jean Jacques Lung (1776-1803)
- François Antoine Lacombe (1804-1835)
- Charles Lacombe (1835-1852)
- Hippolyte Momy (1853-1872), auparavant à Molsheim (1841-1843) (notice)
- Jean Philippe Metz (1872-1876)
- Constant Schmitz (1876-1885), auparavant notaire à Thann (1872-1876)
- (actes cédés à Mossler, étude IX, suivant ordonnance du 13 novembre 1885, partie à l’étude II)
Les notaires vérifient périodiquement les actes enregistrés. Leurs visas sont consignés dans un tableau porté au registre de l’enregistrement. Celui-ci date du 13 janvier 1873. Les notaires y sont classés par ordre alphabétique avec le nombre d’actes enregistrés. Le nom de Metz est accompagné de celui de son prédécesseur Momy, Wolffhügel de son prédécesseur Nœtinger. Le tableau se termine par les administrations (maire, préfet, sous-préfet, commissaire de police et Eaux-et-Forêts) – ADBR, acp 612 f° 28
Actes conservés par les notaires en 1844
Jean François Lobstein rapporte dans son Manuel du notariat en Alsace ou Notices sur la composition de toutes les études de cette ancienne province (Strasbourg, Treuttel et Wurtz, 1844, XVI et 369 p.) que les notaires suivants détenaient en dépôt des actes antérieurs à 1792.
- Chrétien Charles Auguste Rœssel (ci-dessus étude II) avait en dépôt les actes de la Chancellerie et de la Chambre des Contrats, des notaires Sébastien Goldbach, François Henri Dautel, Jean Frédéric Lichtenberger, Jean Raoul Dinckel, Jean Baptiste Reiffsteck, Jean Sébastien Mayer
- Marie Napoléon Théodore Burtz (ci-dessus étude III) avait en dépôt les actes des notaires Wolffgang Courtz, Jean Daniel Ensfelder, Jean Euth, Jean Frédéric Goll, Jean Michel Grauel, Philippe Jacques Greis, Mathias Koch, Jean Daniel Lauth, Pierre François René
- Auguste Frédéric Lauth (ci-dessus étude IV) avait en dépôt les actes des notaires Philippe Jacques Mader, André Schmitt, Joseph Revoire (père et fils), Jean Henri Thenn, Jean Charles Hüttel, Jean Daniel Langheinrich, Jean Charles Fické, Jean Frédéric Lobstein, Jean Georges Albert, Frédéric Jacques Rœderer, Jean Daniel Schmitt, Jean Lederlin, Jean Frédéric Schæff, Jean Frédéric Greiss, Jean Daniel Stœber père et fils (titulaire de l’étude VII)
- Georges Louis Frédéric Grimmer (ci-dessus étude V) avait en dépôt les actes des notaires Georges Frédéric Nenter, Georges Philippe Rith, François Xavier Thiébaut Carlier
- Joseph Charles Théodore Striffler (ci-dessus étude VI) avait en dépôt les actes des notaires Jean Baptiste Lhanneur de Chantelou, Jean Thomas d’Aquin Laquiante
- Louis Charles Zeyssolff (ci-dessus étude VIII) avait en dépôt les actes des notaires Jean Jacques Hess, François Xavier Hess, Georges Frédéric Fettich, Jean Frédéric Schatz, Jean Georges Roessel (titulaire de l’étude IV), Jean Baptiste Anrich (titulaire de l’étude XI)
- Geoffroi Becker (ci-dessus étude IX) avait en dépôt les actes des notaires Jean Georges Elles, Jean Jacques Griesbach, Jean Richard Hæring, Tobie Schumacher, Jean Raoul Dinckel (ancien greffier à la Chambre des Contrats), Jean Jacques Lung (titulaire de l’étude XV)
- Louis Frédéric Zimmer (ci-dessus étude X) avait en dépôt les actes des notaires Jean Régnard Lang, Jean Daniel Lang l’aîné, Philippe Frédéric Heus, Jean Frédéric Kiechel
- François Antoine Lacombe (ci-dessus étude XV) avait en dépôt les actes des notaires Pierre Bidier Dutil, Jean Humbourg, François Bruno Humbourg, François Antoine Lacombe (1770-1808)
Les autres notaires ne conservaient pas d’actes anciens.
On constate qu’avant 1816 tous les fonds ne sont pas transmis avec l’étude, le successeur n’étant pas nécessairement dépositaire des actes de son prédécesseur.
Tous les fonds cités sont aujourd’hui conservés aux Archives départementales, sauf les actes de Jean Régnard Lang et Jean Daniel Lang l’aîné ainsi que ceux de la Chancellerie et de la Chambre des Contrats, conservés aux Archives municipales.
Les « études d’Ancien régime » qui figurent au répertoire des Archives départementales sont une création des années 1970. Elles ne correspondent ni aux observations de Lobstein ni aux faits (voir les Notaires de 1704 à 1789).
Note
(1) « Avant la loi du 25 ventôse an XI, et même jusqu’à celle de 1816, les notaires de Strasbourg ne se succédaient pas régulièrement, et la première de ces lois en a réduit le nombre qui avait varié à différentes époques. Au décès d’un titulaire, ou après sa démission, ses minutes étaient remises de gré à gré ou par suite de vente par licitation à l’un de ses collègues ; chaque nomination nouvelle était en quelque sorte une création, et de là vient que des études actuelles toutes n’ont pas de dépôts d’anciennes minutes. » Manuel pour les notaires de l’arrondissement de Strasbourg (1851), voir à ce propos la cession de fonds de l’exposé sur les Notaires de 1704 à 1789.
Enregistrement
Pour assurer sa validité, tout acte doit être enregistré. Ouvert le 3 février 1791, l’Enregistrement porte dans une série de registres les actes civils publics (actes authentiques, dressés par les notaires ou autres officiers comme les maires) et les actes sous signature privée dans l’ordre chronologique de leur arrivée à l’administration. L’enregistrement d’un acte en donne un résumé et mentionne les droits perçus par l’administration.
L’Enregistrement ouvre à partir du premier germinal VII une série particulière pour les actes sous signature privée.
À partir de novembre 1866, les actes civils publics sont répartis dans deux séries de registres d’après la nature des actes qui y sont portés. Sauf quelques erreurs, la nouvelle série se limite aux consentements de mariage, dépôts (testaments olographes, etc.), pouvoirs, mainlevées d’hypothèque, certificats, cahier des charges, délivrances de legs, acceptations, renonciations, notoriété, ratification, décharges et autres qui ne donnent lieu à aucun report dans le Répertoire général des actes, créé en 1866 (registres n° 551, 558, 565, 571, 578, 584, 590, 596, 601 à deux cents folios puis 607, 611, 614, 618, etc. à cent folios).
À partir de 1881, les actes se répartissent différemment dans les deux séries de registres. Les actes annexés sont enregistrés à la suite de l’acte notarié ; il s’ensuit que certaines procurations, actes de notoriété, polices d’assurance ou plans sont enregistrés dans la série principale et non plus dans la deuxième série. Les dépots de testaments (deuxième série) sont suivis de la transcription du testament qui ne se trouve plus parmi les actes sous seing privé.
Les registres de l’enregistrement permettent de pallier les lacunes des fonds notariaux ou de connaître les actes non conservés par les notaires, comme il arrive souvent pour les consentements à mariage.