Livres de bourgeoisie (Bürgerbücher)


Parmi les personnes qui relèvent de la juridiction du Magistrat de Strasbourg, Schoepflin en 1750 distingue

  • les bourgeois, inscrits à une tribu (ou corporation),
  • les manants, « inquilini non cives » (habitants non bourgeois), qui ne font pas partie d’une tribu et
  • de simples domiciliés, les « capite censi » ou « ceux qui n’ont à déclarer que leur nom ».

Les bourgeois (Burger) étaient des citoyens actifs qui participaient au gouvernement de la Ville. Ils formaient une classe privilégiée, avaient des droits et remplissaient en contrepartie certains devoirs. Les manants (Schirmer ou Schirmsverwandte) étaient sous la protection de la Ville mais ne jouissaient pas de droits civiques ; ils ne faisaient pas partie d’une tribu et ne pouvaient donc pas exercer un métier de leur propre chef. Quant aux simples domiciliés, ils n’ont pas d’existence juridique. La bourgeoisie est la catégorie la plus nombreuse. Les simples domiciliés constituent une petite minorité. Suzanne Dreyer-Roos donne une présentation détaillée du sujet dans La Population strasbourgeoise sous l’Ancien Régime (Librairie Istra, 1969) aux pages 31 et suivantes.

La bourgeoisie est héréditaire : tout enfant de bourgeois est bourgeois de fait. On peut aussi l’acquérir, soit par achat soit par mariage avec un bourgeois. Le postulant acquittait une taxe, le Bürgerschilling (denier de bourgeoisie), prêtait serment et était rattaché à une des tribus de la Ville. On pouvait être déchu du droit de bourgeoisie en se mariant sans autorisation avec un non bourgeois (verheurathetes Burgerrecht). Pour redevenir bourgeois, il fallait alors acquérir la bourgeoisie et pour soi et pour son conjoint.

L’accession à la bourgeoisie était consignée dans des registres, les Livres de bourgeoisie (Bürgerbücher). Les premiers conservés datent de 1440. On a tenu jusqu’à la fin des années 1730 deux sortes de registres : l’accession par mariage et l’accession par achat. Les registres d’accession par mariage contiennent aussi des inscriptions à titre gratuit.

A titre d’exemple, transcription des bourgeois reçus en 1690 (Quatrième livre de bourgeoisie).

Livres de bourgeoisie conservés (Archives municipales)
1440-1530 : Premier Livre de bourgeoisie (cote 4 R 103)
1543-1618 : Deuxième Livre de bourgeoisie (cote 4 R 104)
1559-1639 : Troisième Livre de bourgeoisie (cote 4 R 105) sur parchemin
1640-1730 : suite du précédent (cote 4 R 106)
1618-1691 : Quatrième Livre de bourgeoisie (cote 4 R 107)
1691-1737 : suite du précédent (cote 4 R 108)
1740-1745 : Livre de bourgeoisie et nomination de tuteurs (cote VI 284)
1762-1769 : suite du précédent (cote VI 285)
1769-1777 : suite du précédent (cote VI 286) et registre de demandes
1783-1787 : Livre de bourgeoisie (cote VII 1559)

On a de longue date remarqué que nombre de ces registres ont été tenus en copiant des feuillets originaux. Cela explique d’une part certaines interpolations (par exemple un article d’août 1721 parmi les actes d’avril 1722 à la page 1 320 du Troisième Livre de bourgeoisie) et d’autre part certaines formes inexactes. Sur la double page transcrite ci-dessous, Georges Pommer est inscrit sous le nom de Benner. La page 781 du Quatrième Livre de bourgeoisie porte une erreur manifeste de lecture : on y lit Von Hoÿet alors que l’intéressé se nomme Von Höxter, le scribe a confondu les lettres « x » et « y » et a déplacé l’inflexion du « o » sur la lettre qu’il a prise pour un « y ».

Il arrive que plusieurs indications soient fausses dans une même notice. Le maçon Jacques Sichemann se nomme en réalité Jacques Seemann, sa femme non pas Anne Marie Mack mais Anne Marie Matz, le lieu d’origine, Bettberg, est faux, il a été repris de la notice suivante relative à Reine Félicité Lutz. Seules des informations complémentaires (protocoles des maçons, contrats et actes de mariage) permettent d’apporter les corrections sans risque d’erreur.

1714, 4° Livre de bourgeoisie p. 806
Jacob Sichemann, der Maurer Von Bettberg, Weÿl. Joh: Sichemann gew: ackersmanns daselbst sohn, emp. das burgerrecht von seiner Fr: Anna Maria Mackin p. 2. goldR. 16. ß wird beÿ E. E. Zunfft der Maurer dienen. Jur. d. 13. Dito [Augusti] 1714.
Regina Felicitas Lutzin, Von Bettberg, Weÿl. H: Martin Lutz, gew: Pfarrers daselbst tochter, emp: das burgerrecht gratis, wird beÿ den Becken dienen. P. d. 17. Dito [Augusti] 1714.

Ci-dessous, double page extraite du registre d’accession par mariage (Quatrième livre de bourgeoisie, pages 923 et 924, soit 17 articles, cliquer une ou deux fois pour agrandir l’image et lire le texte), accompagnée d’une transcription et d’une traduction. Le lien de chacun des dix-sept articles mène à un exposé sur la destinée de chacun des nouveaux bourgeois à partir des actes notariés, complétés par des informations issues des registres paroissiaux.

4° Livre de bourgeoisie, pages 923-924

Registre comptable et registre de demande

Le registre comptable de bourgeoisie intitulé Rapiarium der Einnahm des Burgerschillings und Feur: eimer de Quartal Ostern 1770 bis – (Registre des recettes pour le droit de bourgeoisie et le seau, du trimestre de Pâques 1770 jusque -) note non seulement les serments des nouveaux bourgeois mais aussi ceux que prêtent les nouveaux tuteurs entre les années 1769 et 1777. Deux autres registres notent l’instruction des demandes d’accession à la bourgeoisie (cotes VI 286 pour le registre comptable, VI 286 bis et ter pour l’instruction des demandes).
Ci-dessous, les doubles pages 12 et 13 d’une part, 14 et 15 d’autre part du registre d’instruction et l’extrait correspondant du registre comptable.

1) Jean Jacques Drechsel

362 (VI 286 bis) p. 12 Möhrin, N° 12 d. 31. Julÿ 1769
Johann Jacob drechsel der tabackbereiter von hier geb. Verlobt mit Jgf. Maria Margar. Johann Georg Schütterle des b. u. Karchelziehers allhier Ehelige tochter
Ist Ehelig geboren A. C. Zugethan, des Zunfftrechts der Möhrin Vertröstet word. hat die gebührende Stall Caution geleistet und die richtigkeit seiner Sponsæ stallgebühren erwiesen.
das erforderliche Vermögen hat Imp. baar Vorgelegt und deßen wahren Eÿgenthum C. Eÿd bestätiget.
Bittet à sponsa um d. Abß des burgerrechts Vertröstet zu werd.
Vertröstet um d. Ab ß

p. 12 Mauresse, n° 12 le 31 juillet 1769
Jean Jacques Drechsel, apprêteur de tabac natif de cette ville, fiancé à Dlle Marie Marguerite, fille légitime de Jean Georges Schütterle, bourgeois et charretier d’ici.
Est issu de légitime mariage, professe la confession d’Augsbourg, a été reçu à la tribu de la Mauresse, a donné suffisante caution à la Chambre des tailles et a montré que sa fiancée était à jour avec la Chambre des tailles.
Le requérant a présenté les biens nécessaires en argent comptant et a affirmé sous la foi du serment qu’ils lui appartiennent.
Demande à être reçu au nom de sa fiancée d’après l’ancienne taxe.
Reçu d’après l’ancienne taxe

Livre de bourgeoisie 1769-1777 (VI 286) f° 4
Joh: Jacob Drachsel, tabackbereiter von hier geb. erhalt das burgerrecht von seiner Ehefrauen Margaretha Georg Schütterlin, Groß Kärchel Ziehers und burgers allhier ehel. tochter, umb den alten burger schilling, will dienen beÿ EE. Zunfft Zur Mörin, Jur. eod. [31. Jan. 1770]

Jean Jacques Drechsel, apprêteur de tabac natif de cette ville, obtient le droit de bourgeoisie d’après l’ancienne taxe par sa femme Marguerite fille de Georges Schütterlin, charretier et bourgeois de cette ville, servira à la Tribu de la Mauresse, Prête serment le même jour [31 janvier 1770]

2) Catherine Zimmer née Hartwag

362 (VI 286 bis) p. 13 Gartner, N° 13 d. 31. Julÿ 1769
Catharina Zimmerin geb. Hartwagin von Baldenheim gebürtig Phil. Jacob Zimmers des Gartenmanns und biß herigen Schirmers Ehefrau
Ist Ehelig geboren A. C. Zugethan und hat die Richtigkeit Ihres Mariti Schirmgebühren erwiesen
Nach einer Von H. Not. Stoeber Verfertigten Designation besitzet die Implorantin und deren Maritus die Summ von 535 lb 3 ß 3 d und hat dieselbe das Eÿgenthum der einen helffte mit Eÿd bestätiget
der Maritus alß eines hiesig. burgers sohn bittet ihme den fehler im heurathen zu condoniren so fort bittet die Impl. welche 7 ½ Jahr beÿ den Verstorbenen H. Liedvogel dem b. u. handelsmann in diensten gestanden, wie solches dessen hinterl. tochter frau Rathh. Bruderin attestiret, Wohlverhaltens weg. gratis gnädigst auffgenommen zu werd.
Recepta gratis

p. 13 Jardiniers, n° 13 le 31 juillet 1769
Catherine Zimmer née Hartwag native de Baldenheim, femme de Philippe Jacques Zimmer, jardinier cultivateur et jusqu’à présent manant.
Est issue de légitime mariage, professe la confession d’Augsbourg et a montré que son mari était à jour avec la Chambre de manance.
La requérante et son mari possèdent la somme de 535 livres 3 schillings et 3 deniers et elle a affirmé sous la foi du serment que la moitié lui appartient.
Le mari, fils d’un bourgeois de cette ville, demande qu’on lui pardonne la faute du mariage et la requérante demande aussitôt à être reçue à titre gratuit pour avoir servi fidèlement pendant 7 ans et ½ chez feu le Sieur Liedvogel, bourgeois et marchand d’ici, ce dont atteste sa fille la conseillère Bruder.
Reçue à titre gratuit

Livre de bourgeoisie 1762-1769 (VI 285) f° 175
Anna Catharina geb. Hartwigin von Baldenheim verheurathet ane Philipp Jacob Zimmer, den gartenmann u. burger allhier erhalt das burgerrecht wohl verhaltens gratis, will dienen beÿ E.E. Zunfft der gartner U. W., prom. eod. [31. Julÿ 1769]

Anne Catherine née Hartwig, de Baldenheim, mariée à Philippe Jacques Zimmer, jardinier cultivateur et bourgeois de cette ville, obtient le droit de bourgeoisie à titre gratuit pour avoir fidèlement servi, servira à la Tribu des Jardiniers au Quartier des charrons, Prête serment le même jour [31 juillet 1769]

3) Marie Salomé Brennemann

363 (VI 286 bis) p. 14 Becker, N° 14 d. 7 Aug. 1769
Jfr. Maria Salome, Joh: Christian Brennemann des b. Von Dinglingen Nassau Usingischer herrschafft Ehel. tochter Verlobt an Johann Siegfrid Mosser den Meelmann u. b. allhier
Ist Ehelig geboren A. C. Zugethan und hat die Richtigkeit Ihres Sponsi Stallgebühren erwiesen
Nach einem Von dem herrschafftlichen Schultheiß zu Dinglingen außgestelltem Vermögens schein so durch die hochfürstl. Nassau Saarbrück Usingisch. Oberammts Cantzleÿ Ordnungsmäßig legalisiret worden, besitzet die Implorantin ane lieged. Gütern die Summ von 437 R 3 ß 4 d das annoch ermangelnde Vermögen hat dieselbe baar Vorgeweisen u. über beÿde den Eÿd des wahren Eÿgenthums abgelegt.
bittet à sponsi um d. Abß des burgerrechts Vertröstet zu werd.
Vertröstet um d Abß

p. 14 Boulangers, n° 14 le 7 août 1769
Dlle Marie Salomé, fille de Jean Chrétien Brennemann, bourgeois à Dinglingen dans la juridiction de Nassau-Usingen, fiancée à Jean Sigefroi Moser, farinier et bourgeois de cette ville.
Est issue de légitime mariage, professe la confession d’Augsbourg, et a montré que son fiancé était à jour avec la Chambre des tailles.
D’après un état dressé par le prévôt de Dinglingen et dûment légalisé par la Chancellerie du Grand bailliage de Nassau-Sarrebruck-Usingen, la requérante possède la somme de 437 florins 3 schillings 4 deniers, elle a présenté en argent comptant la fortune manquante et a affirmé sous la foi du serment que les deux lui appartiennent.
Demande à être reçue au nom de son fiancé d’après l’ancienne taxe.
Reçue d’après l’ancienne taxe

Livre de bourgeoisie 1762-1769 (VI 285) f° 177-v°
Maria Salome Brennemännin, von Dinglingen gebürtig, Erhalt das burgerrecht von ihrem Ehemann Joh: Sigfrid Moser, dem Meelmann und burgern allhier umb den alten burger schilling, will dienen beÿ EE. Zunfft der becker, prom. den 9.ten 7.bris 1769

Marie Salomé Brennemann, native de Dinglingen, obtient d’après l’ancienne taxe le droit de bourgeoisie de son mari Jean Sigefroi Moser, farinier et bourgeois de cette ville, servira à la Tribu des Boulangers, Prête serment le 9 septembre 1769

4) Michel Nagel

362 (VI 286 bis) p. 15 Maurer, N° 15 d. 12. Aug. 1769
Michael Nagel der ledige Maurer und Steinhauer Mstr. Von holtzgerlingen im Würtenbergischen geb. Michael Nagels des b. u. Webers daselbst Eheliger Sohn, Verlobt an Jgf. Annam Barbaram weil. Joh: Jacob Dannewald geweßenen b. und Kupfferschmidts Ehel. tochter.
Ist Ehelig geboren A. C. Zugethan, des Zunfftrechts der Maurer vertröstet worden, hat die gebührende Stall Caution geleistet u. die Richtigkeit seiner Sponsæ stallgebühren erwiesen.
Implorant producirt seiner d 7.ten Augusti Von H. Notario Euth auffgerichtete Eheberedung in deren §° 3.tio die Sponsa ihme 500 R zu einem wahren Eigenthum verschrieben, übrigens wird durch eine anderwärtige beÿlaag beschienen, daß des Impl. Sponsa über 600 lb testaments weise ererbet habe.
Bittet demnach E. G. ihr à sponsa um d. A. b. ß gnädigst zu recipiren
Vertröstet um d. Abß.

p. 15 Maçons, n° 15, le 12 août 1769
Michel Nagel, maître maçon et tailleur de pierres célibataire, natif de Holtzgerlingen au pays de Wurtemberg, fils de Michel Nagel bourgeois et tisserand audit lieu et fiancé à Anne Barbe fille de feu Jean Jacques Dannewald, autrefois bourgeois et chaudronnier.
Est issu de légitime mariage, professe la confession d’Augsbourg, a été reçu à la tribu de la Mauresse, a donné suffisante caution à la Chambre des tailles et a montré que sa fiancée était à jour avec la Chambre des tailles.
Le requérant a présenté son contrat de mariage que le notaire Euth a dressé le 7 août et dont le troisième paragraphe stipule que la fiancée lui a donné en toute propriété 500 florins, une autre attestation montre par ailleurs que la fiancée du requérant a hérité par testament de plus de 600 livres.
Demande par conséquent à être reçu au nom de sa fiancée d’après l’ancienne taxe.
Reçu d’après l’ancienne taxe

Livre de bourgeoisie 1762-1769 (VI 285) f° 177
Michael Nagel, Maurer und Steinhauer Mstr, von Holtz gerling würtemb. Herrschafft, erhalt das burgerrecht von seiner Ehefrauen Anna Barbara, weÿl. Jacob dannewaldt gewesenen Kupfferschmidts und burgers allhier hinterl. ehel. tochter, umb den alten burger schilling, will dienen beÿ EE. Zunfft der Maurer, Jur. eod. [4. 7.bris 1769]

Michel Nagel, maître maçon et tailleur de pierres natif de Holtzgerlingen au pays de Wurtemberg, obtient le droit de bourgeoisie d’après l’ancienne taxe par sa femme Anne Barbe fille de feu Jacques Dannewaldt, autrefois bourgeois et chaudronnier d’ici, servira à la Tribu des Maçons, Prête serment le même jour [4 septembre 1769]


Les Maisons de Strasbourg sont présentées à l’aide de Word Press.