Maîtres d’armes à Strasbourg au XVIII° siècle
Une version abrégée a fait l’objet d’une communication le samedi 23 mars 2019 lors du colloque organisé par l’association Le siècle des Rohan à l’auditorium du Musée d’Art Moderne de Strasbourg.
La page intitulée Maîtres d’armes – Répertoire et documents reproduit différents documents à l’appui de l’exposé.
♣
Résumé
Dans son manuel de conversation publié en 1637, Daniel Martin consacre un chapitre à l’escrimeur (Fechter) qui va s’exercer chez un maître d’armes (Fechtmeister). Le XVII° siècle connaît de nombreux jeux d’armes (Fechtschulen) publics, plus rares au siècle suivant. La domination française renouvelle les maîtres d’armes qui sont tous d’origine française et donnent des leçons dans des académies (Fechtschulen).
Au XVIII° siècle, le Magistrat (Conseillers et Vingt-et-Un) nomme les maîtres d’armes, après immatriculation à l’université au titre d’enseignant. Depuis le début des années 1730, les maîtres d’armes agréés doivent être bourgeois. Le Conseil d’Etat rend le 6 mai 1756 un arrêt par lequel il confirme le Magistrat dans son droit d’autoriser les maîtres d’armes à exercer à Strasbourg.
Le Magistrat autorise par trois fois au cours du siècle deux maîtres d’armes à exercer plutôt qu’un seul. Dans les faits, le maître d’armes agréé tient à enseigner exclusivement, en acceptant parfois tacitement qu’un autre donne des leçons. Ce n’est qu’en 1785 que deux maîtres d’armes agréés exercent, à une époque où l’escrime fait partie de l’éducation courante des jeunes gens.
Illustration extraite du livre Le Maistre d’Armes ou L’Abrégé de l’exercice de l’épée,
du maître d’armes strasbourgeois Michel Martin (Bibl. nationale)
I – Maîtres d’armes et jeux d’armes avant 1681
Jeux d’armes et académies (Fechtschulen)
Daniel Martin, maître de langue française qui devient bourgeois de Strasbourg en 1623, écrit un manuel de conversation dont le texte en français est en regard du texte en allemand, Parlement nouveau, ou discours familier sur chaque profession. Le chapitre 94 décrit la visite d’escrimeurs (Fechter) à la salle d’armes (Fechtboden) de leur maître d’armes (Fechtmeister) où ils pourront être accueillis par le prévôt de salle (Vorfechter). On y trouve aussi les mots d’escrime (Fechtkunst) ou fleuret (Fechtdegen).
Pages de titre, en allemand et en français, manuel de Daniel Martin
(exemplaire de la Bibliothèque nationale de Bavière, Bayerische Staatsbibliothek)
Il n’y est pas question de Fechtschule, mot qui apparaît souvent dans les registres des Conseillers et des Vingt-et-Un. Le dictionnaire de Grimm glose Fechtschule en palæstra, c’est-à-dire palestre, académie, lieu où se pratiquent les exercices du corps (fechtschule halten, in die fechtschule gehen) ; il signale que le mot est aussi synonyme du combat (Gefecht) lui-même en renvoyant au mot Fechtspiel (auch von einzelnem gefecht, siehe fechterspiel) qui équivaut à un jeu d’armes. Le dictionnaire précise que ces jeux étaient courants au XVI° siècle dans les grandes villes d’Allemagne et qu’ils se déroulaient sous l’autorité du Magistrat ou pendant les noces princières. Ces jeux sont peu à peu tombés en désuétude les siècles suivants.
Fechterspiel, ludus gladiatorius. solche spiele wurden im 16 jh. durch die fechtschulen fast aller groszen städte Deutschlands, unter aufsicht des raths, veranstaltet, oft auch bei fürstlichen vermählungen und bei feierlichen schmäusen gehalten. in den folgenden jahrhunderten nahmen sie ab und kamen allmälich auszer gebrauch.
Parlement nouveau, début du chapitre 94
Ces jeux d’armes se tenaient régulièrement à Strasbourg, notamment pendant les foires de la Saint-Jean d’été et de la Saint-Jean d‘hiver. A titre d’exemple, les Conseillers et les Vingt-et-Un accordent plusieurs autorisations de tenir jeux d’armes en 1632 : au compagnon Jean Wigand Kürschner, originaire d’Erfurt (le 30 juin puis le 14 juillet) et à Christophe Greiner, cordonnier bourgeois de Strasbourg (le 7 juillet puis le 21 juillet). Olivier Dupuis a montré que ces jeux d’armes ont été particulièrement nombreux entre 1580 et 1628 et qu’ils disparaissent après 1673.
Olivier Dupuis, Fencing contests in Strasbourg during the Renaissance and Modern times (1543-1673), actes du colloque de Münster en 2016
Jean Wolffgang von Molsheim, maître d’armes
Le maître d’armes Jean Wolffgang von Molsheim exerce à Strasbourg des années 1640 à sa mort en 1689. La tribu des maçons lui loue en 1668 son poêle ainsi qu’au maître de danse François de la Marche. Abigaïl von Molsheim, fille de Jean Wolffgang, épouse le maître d’armes Jean Régnard Widt qui mourra quelques années plus tard.
Poêle des Maçons, rue des Juifs, au milieu de l’image
Plan-relief de 1727 (© Musée historique, cliché Thierry Hatt)
Les Conseillers et les Vingt-et-Un refusent en 1679 d’accorder à Georges Schlæger de Waldenhoffen et à Marc Specker l’autorisation de tenir jeux d’armes. Ils autorisent en 1680 le boucher et gladiateur Guillaume Lang (Metzger vnd Federfechter) à en organiser. C’est la dernière demande du siècle à figurer dans les registres.
Illustration extraite du livre Le Maistre d’Armes ou L’Abrégé de l’exercice de l’épée,
du maître d’armes strasbourgeois Michel Martin (Bibl. nationale)
II – Maîtres d’armes de 1681 à 1789
Jacques François Morisset, maître d’armes (1692)
Suite à la Capitulation (1681), les maîtres d’armes seront exclusivement français. Balthasar Frédéric Dinckel, maître d’armes fils d’un docteur en médecine, célibataire en 1698, est en 1704 au service des princes de Wurtemberg à Tübingen.
Le maître d’armes Jacques François Morisset est originaire de Coutances en Normandie. Il épouse en 1692 Marguerite Pelet de Brisach. Il demande le 4 février 1696 aux Quinze le droit de servir du vin et des repas dans la maison rue des Pucelles où le sieur Pétin tient des billards. L’autorisation lui est refusée après enquête pour des raisons de moralité. Maître d’armes et de billard, il prend à bail partie du poêle des Tailleurs de 1698 à 1707 puis ne fait plus parler de lui à Strasbourg.
Gaspard Denizeau, agréé par le Magistrat (1696)
Fils de Gilbert Denizeau, receveur de l’abbaye de Saint-Menoux en Bourbonnais, Gaspard Denizeau demande le 17 mars 1696 aux Conseillers et aux Vingt-et-Un la permission de devenir bourgeois et le droit exclusif d’exercer le métier de maître d’armes. Comme il a été recommandé par M. de Louvois et qu’il a fait preuve de ses capacités, le Sénat accède à sa demande en convenant qu’il donnera des leçons gratuites aux fils de parents modestes. Il devient bourgeois avec sa femme Marie Morainville le 21 mars 1696 et tributaire chez les Cordonniers. Il est le premier maître d’armes français à s’inscrire à l’Université le premier mars 1698 à titre d’enseignant. Il meurt le 3 septembre 1704.
Immatriculation à l’université (1698, AMS, cote 1 AST 443)
Jeux d’armes, 1699-1700
Pierre Vallier est soldat au régiment de Normandie. Les Conseillers et les Vingt-et-Un lui refusent le 19 septembre 1699 l’autorisation de donner des leçons d’armes au champ des Arquebusiers qu’il a loué.
Le gladiateur (Federfechter) Jean Michel Müntzdœrffer est autorisé le 19 octobre 1699 à tenir des jeux d’armes pendant quinze jours, prorogés de quinze autres jours.
Le gladiateur Jean Jacques Lædel invite le 9 novembre 1699 le Magistrat à assister aux jeux qu’il donne avec des pairs au poêle des Drapiers. Il est autorisé à tenir des jeux d’armes pendant la foire.
Jean Jacques Christeiner d’Augsbourg est autorisé en 1700 à tenir jeux d’armes ainsi que le gladiateur François Charles Klimmer pendant quinze jours au poêle des Drapiers.
Alexandre Ridejoye dit Langlois (1695), agréé par le Magistrat (1699)
Alexandre Ridejoye dit Langlois est originaire de Vienne d’après le livre de bourgeoisie. Il sollicite en 1696 le droit d’exercer son métier de maître d’armes. Il l’obtient effectivement en 1699 et s’immatricule à l’université. Il pratique son métier au poêle des Maçons à partir de 1703. Il est autorisé à y débiter du vin et il y tient billard. Il devient bourgeois avec sa deuxième femme en 1722 en se faisant tributaire chez les Fribourgeois avant d’acheter une maison où il transporte sa salle d’armes.
Signature d’Alexandre Ridejoy Langlois en 1699 au registre matricule de l’Université (AMS, cote 1 AST 443)
Jeux d’armes, 1717
Jean Rollo, le canonnier Beauregard et ses pairs demandent le 6 février 1717 l’autorisation de tenir salle d’armes. Le préteur royal propose de solliciter l’avis des deux maîtres d’armes établis à Strasbourg. Langlois déclare que le magistrat lui a promis d’être le seul maître d’armes habilité jusqu’à ce que Duval s’établisse. Alors que Duval a appris son métier, Rollot ne peut produire de certificat d’apprentissage. Langlois demande à être maintenu dans ses privilèges mais ne voit pas d’inconvénient à ce que Rollo enseigne dans les casernes.
Les gladiateurs Christophe Martin de Breslau et Frédéric Neubaur de Langenschwand obtiennent le 18 octobre 1717 l’autorisation de tenir des jeux d’armes dans le poêle d’une tribu pendant quatre semaines. Le préteur royal déclare que, même si ces jeux sont d’habitude permis pendant les foires, ils pourraient être autorisés puisqu’il n’y en a plus eu depuis longtemps et que ces réjouissances ne nuisent à personne.
Claude Bucheron Duval (1716), agréé par le Magistrat (1728)
Claude Bucheron Duval est originaire de Cravant-les-Côteaux près de Chinon en Touraine. Il a été reçu maître d’armes à Paris, Il est autorisé le 14 mars 1716 à tenir salle d’armes à Strasbourg avec l’appui du préteur royal. Il s’inscrit le même jour au matricule de l’université. Les Conseillers et les Vingt-et-Un éconduisent le 16 mai 1718 le maître d’armes Alexandre Langlois quand il demande d’interdire à Claude Boucheron Duval de continuer à exercer. Claude Bucheron Duval tient sa salle au poêle des Tonneliers. Il est autorisé en 1724 à servir du vin à ses écoliers.
Le Magistrat lui attribue en 1728 ainsi qu’à Antoine Efantin qui enseigne aux cadets de la Citadelle le poste de maître d’armes, vacant après la mort de Langlois.
Immatriculation à l’université (1716, AMS, cote 1 AST 443)
Le maître d’armes Jean Jacques Van der Veken, originaire de Diest en Brabant flamand, demande le 22 août 1733 la permission de tenir salle d’armes. Le maître d’armes Michel Martin établi à Strasbourg est invité à donner son avis. L’affaire n’a pas de suite.
Michel Martin (1732), agréé par le Magistrat (1734)
Natif de Toulouse (paroisse Notre-Dame de la Dalbade) Michel Martin est fils du marchand Nicolas Martin. Il s’inscrit à l’Université de Strasbourg le 28 mai 1732. Il épouse en octobre 1732 Marie Ursule Roy, veuve du cantinier puis maître d’armes René Guenadel. Michel Martin acquiert le droit de bourgeoisie le 20 décembre 1732 et devient tributaire à la Mauresse le 20 janvier 1733.
Les Conseillers et les Vingt-et-Un l’autorisent le 22 mai 1734 en même temps qu’Etienne Daniel Servin à enseigner l’escrime et à tenir salle d‘armes. Seul Michel Martin exercera effectivement.
Inscription au matricule de l’Université (AMS, 1 AST 443)
Michel Martin publie à ses frais en 1737 l’ouvrage intitulé Le Maistre d’Armes ou L’Abrégé de l’exercice de l’épée, dédicacé au préteur royal Klinglin, et illustré de planches de Lavreau.
Page de titre (Bibl. nationale)
Dédicace et préface
Le maître d’armes italien Dominique la Place dit la Grenade, premier caporal au régiment Royal Artillerie, demande le 29 avril 1737 l’autorisation d’enseigner l’escrime et de tenir salle d‘armes. Michel Martin intervient pour s’y opposer.
Le maître d’armes Jean Laigle dit Leblanc, originaire de Mondeville en basse Normandie, demande le 30 juillet 1740 le droit de tenir salle d’armes. La commission constate ses compétences et cherche à savoir si deux maîtres d’armes pourraient vivre de leur métier à Strasbourg. Elle constate que Michel Martin a une vingtaine d’écoliers qui lui donnent à peine de quoi entretenir sa famille et un prévôt d’armes.
François Doncieux, prévôt d’armes chez Michel Martin, s’inscrit à l’Université en 1743.
Michel Martin obtient en 1747 que la Tour aux Deniers lui verse chaque année 60 florins en échange de leçons gratuites à sept ou huit élèves.
Intermède : Joseph Sicard
Natif d’Antibes en Provence, Joseph Sicard qui est depuis peu prévôt de salle chez le maître d’armes Michel Martin obtient en 1745 le droit de manance puis y renonce. Michel Martin lui remet un certificat quand il déclare vouloir s’établir dans une autre ville. Le préteur royal Klinglin lui permet 18 juin 1750 de tenir salle d’armes. Il est porté au matricule de l’université le 29 juillet 1750. La tribu du Miroir refuse le 20 août 1750 de lui louer le grand poêle pour y donner ses leçons. Il loue le 4 septembre 1750, avec le maître à danser Jacques Le Comte, le premier étage d’une maison place Saint-Thomas.
Immatriculation à l’université (1750, AMS, cote 1 AST 443)
Le maître d’armes Michel Martin s’adresse le 20 avril 1752 à la Chambre de police pour obtenir que Joseph Sicard ne soit plus autorisé à donner des leçons d’armes. Le Magistrat prononce l’interdiction le 10 juin 1752. Joseph Sicard fait appel de la sentence le 17 août au Conseil souverain d’Alsace qui juge l’appel recevable le 6 septembre 1752. Le Magistrat se pourvoit contre cet arrêt en 1753 en arguant que la matière ne peut faire l’objet d’un appel puisque le Magistrat est juge en dernier ressort sur les affaires de police.
Le Conseil d’Etat rend le 6 mai 1756 un arrêt par lequel il appartient au Magistrat d’autoriser les maîtres d’armes à exercer à Strasbourg.
Extraits de l’arrêt du Conseil d’Etat
Sur la requete présentée au Roy etant en son Conseil par Michel Martin Maitre en fait d’armes à Strasbourg contenant qu’en cette qualité il a été autorisé par un Decret du Magistrat de Strasbourg rendu par la Chambre des Vingt un (…) à y tenir salle publique et enseigner les armes et que depuis ce tems jusqu’en 1751, jl y a exercé seul la profession de Maistre en fait d’armes sans qu’jl ait eté permis a d’autres de la faire,
attendu que la pluspart des bourgeois de la ville etant adonnés au Commerce, un seul Maitre est suffisant, que Joseph Siccard ayant pretendu en 1751 y tenir une nouvelle salle d’armes en vertu d’un acte qu’jl surpris le 18 juin de la même année du feu Sieur de Klinglin Preteur royal, et d’une matricule de L’université de Strasbourg du 29 juillet Suivant le suppliant se pourvût à la meme Chambre des Vingt et un et demanda qu’jl fut fait defenses a Siccard de tenir salle, et que Siccard ayant de son Coté demandé à La même Chambre qu’jl luy fut permis de continuer,
la Chambre par un décret du 10 juin debouta Siccard de sa demande,
que ce dernier ayant interjetté appel de ce Decret au Conseil souverain supérieur de Colmar et fait intimer le suppliant sur cet appel, jl fut ordonné par arret du 28 Mars 1753, que le Magistrat et L’université de Strasbourg seroient mis en cause, ce qui ayant esté fait, L’université a declaré qu’elle n’entendoit point contester au Magistrat un droit de pure police qui dependoit de sa juridiction (…)
et de sa part le Magistrat a soutenu que son decret du 10 juin 1752 n’estoit pas susceptible d’appel parce qu’en ce qui concerne la police et L’Exercice des arts et metiers de la Ville de Strasbourg le Magistrat a le droit de Juger en dernier ressort,
(…)
Ouy le Rapport, Le Roy etant en son Conseil a evoqué et évoque à soy et à sondit Conseil l’instance pendante du Conseil supérieur de Colmar sur L’appel interjetté par Sicard (…) par provision ordonne que ledit decret sera executé, en Consequence fait defenses audit Sicard et a tous autres de tenir salle d’armes a Strasbourg sans y etre autorisés par le Magistrat de ladite Ville.
Fait au Conseil d’Etat du Roy Sa Majesté y étant tenu a Versailles le 6° jour de May 1756.
Arrêt du Conseil d’Etat transcrit dans le régiment des Treize
(1756, AMS cote 3 R 101, p. 59)
Michel Martin quitte la tribu de la Mauresse pour s’inscrire à celle des Tanneurs en 1752 où il tient sans doute sa salle d’armes depuis le milieu des années 1740. Son ancien prévôt d’armes François Neuville est autorisé en 1756 à ouvrir une salle d’armes et à donner des leçons malgré la protestation de Michel Martin. L’enquête montre que Martin Martin a quinze élèves qui doivent lui procurer un revenu de 90 livres tournois, Neuville en a dix-neuf, ce qui justifie qu’il y ait deux enseignants. Le Magistrat juge qu’il est de l’intérêt public de disposer de deux maîtres d’armes, ce qui favorise l’émulation.
Trop âgé pour donner lui-même des leçons, Michel Martin cède ses droits en 1769 à François Neuville pour un an moyennant 100 livres, puis en 1770 à son ancien prévôt d’armes François Malté pour neuf ans moyennant 144 livres. Les Conseillers et les Vingt-et-Un attribuent cependant à François Neuville le bénéfice de ce bail, à condition qu’il offre la même somme que François Malté. Un nouveau bail de sept ans est passé en 1773 au profit de François Neuville.
François Neuville (1752), agréé par le Magistrat (1756, 1775)
Né à Angoulême, François Neuville sert dix-sept ans au régiment Montboissier. Il épouse en février 1752 Madeleine Bender, veuve du cafetier Jean François Barbusse. Il est prévôt chez le maître d’armes Michel Martin pendant un an avant de tenir sa propre salle d’armes (1753). Il devient bourgeois puis tributaire chez les Tanneurs (janvier 1757) et s’inscrit comme enseignant à l’Université (23 mars 1757).
Inscription au registre matricule de l’Université (AMS, cote 1 AST 443)
Les Conseillers et les Vingt-et-Un le confirment en 1775 en sa qualité de seul maître d’armes et prennent des mesures pour empêcher toute concurrence déloyale : Gronier, sergent du Corps royal d’artillerie au régiment de Besançon, qui n’a pas suivi son régiment sera interdit de séjour en ville, Boucher, caporal de grenadiers au régiment d’Anhalt, sera uniquement autorisé à donner des leçons dans les casernes.
François Neuville meurt le 23 mars 1784.
François Malté (1763)
Originaire de Sigean près de Narbonne, François Malté entre au service du Roi puis devient prévôt d’armes chez Michel Martin à Strasbourg. Il s’inscrit à l’Université le 29 mars 1763. Il passe en novembre 1765 un contrat de mariage qui ne sera pas célébré, il obtient en août 1765 un certificat d’admission à la tribu de la Mauresse pour pouvoir devenir bourgeois sans que l’inscription ait lieu.
En 1770, François Malté devient bourgeois, s’inscrit à la tribu de la Mauresse et demande l’autorisation de tenir salle d’armes. Les Conseillers et les Vingt-et-Un la lui refusent pour ne pas porter préjudice au maître d’armes agréé. Michel Martin lui cède en décembre 1770 pour neuf ans sa salle d’armes mais le Magistrat attribue à François Neuville le bénéfice du nouveau bail aux conditions qui y sont stipulées.
Inscription au registre matricule de l’Université (AMS, cote 1 AST 443)
Pierre Justet (1778), agréé par le Magistrat (1784)
Pierre Justet naît à Murviel près de Montpellier, fils de négociant. Ancien maître d’armes au régiment de Grenoble, il épouse en 1778 Gertrude Barbier, fille d’un inspecteur des fortifications. Il devient bourgeois et tributaire à la Mauresse la même année en promettant de ne pas tenir salle d’armes ni prendre d’élève. Il devient cependant maître d’armes avec l’assentiment de Jean François Neuville. Quand ce dernier meurt, les Conseillers et les Vingt-et-Un autorisent en avril 1784 Pierre Justet et Joseph Pierre Henriquel dit Dupont à tenir salle d’armes.
C’est avec Alexandre Ridejoye dit Langlois le seul maître d’armes à avoir été propriétaire d’une maison à Strasbourg.
Devenu négociant, Pierre Justet meurt le 16 novembre 1821.
Signature au bas du contrat de mariage (1778)
Pierre Henriquet dit Dupont (1784), agréé par le Magistrat (1784)
Originaire de Rouen, Pierre Henriquet dit Dupont est secrétaire du théâtre français et membre de l’Académie des arts à Nancy. En 1784 il devient bourgeois de Strasbourg, tributaire chez les Charpentiers, maître d’armes agréé et épouse Catherine Philippon, native d’Uzès en Languedoc.
Pierre Henriquel Dupont s’inscrit au matricule de l’Université le 8 décembre 1783
Registre matricule de l’Université (AMS, cote 1 AST 443)
MDCCLXXXIII. die 8. Decembris
Pierre Henriquel Dupont, de Roüen en Normandie, agé de 37 ans
Prévôt d’armes chez Henri Dupont, Louis Bertena est originaire de Gênes en Italie. Il épouse en 1786 Marie Catherine Schneider, fille de manants strasbourgeois.
Le maître d’armes Antoine Justet, frère de Pierre Justet, épouse en 1791 Marie Josèphe Giffard.
Illustration extraite du livre Le Maistre d’Armes ou L’Abrégé de l’exercice de l’épée,
du maître d’armes strasbourgeois Michel Martin (Bibl. nationale)
III – Le Magistrat et les maîtres d’armes
Dans le rapport que les administrateurs de l’université rendent le 10 avril 1784, ils rappelent qu’il revient au Magistrat d’autoriser les salles d’armes en vertu de l’arrêt rendu par le Conseil d’Etat le 6 mai 1756. Le Magistrat a été amené par deux fois depuis le début du siècle à autoriser deux maîtres d’armes à exercer plutôt qu’un seul.
En 1728, le Magistrat nomme non seulement Claude Bucheron Duval mais aussi Antoine Efantin puisqu’il estime qu’un seul maître d’armes ne suffit pas au grand nombre d’écoliers et que la concurrence favorise l’émulation. Depuis le début des années 1730, les maîtres d’armes doivent être bourgeois et promettre obéissance au Magistrat qui interdit en contrepartie à tout autre de tenir une salle d’armes publique ou privée.
Les mêmes considérations mènent le Magistrat à nommer en 1734 Michel Martin et Etienne Daniel Servin. On observe cependant que ni Antoine Efantin en 1728 ni Etienne Daniel Servin en 1734 n’exerceront à Strasbourg.
Michel Martin obtient à plusieurs reprises le droit exclusif d’être maître d’armes.
En 1733, c’est-à-dire avant sa nomination officielle, il s’oppose à ce que Jean Jacques Van der Veken soit autorisé à exercer,
en 1737 lors de la requête de Dominique la Place dit la Grenade,
en 1740 lors de celle de Jean Laigle dit Leblanc puis
en 1750 contre son ancien prévôt de salle Joseph Sicard qui fait appel de cette décision, ce qui en fera une affaire d’Etat, terminée par l’arrêt rendu par le Conseil d’Etat.
En 1756, son ancien prévôt de salle François Neuville est autorisé après enquête à ouvrir une salle d’armes et à donner des leçons.
François Neuville obtient en 1770 que Michel Malté soit démis du bénéfice du bail que lui a accordé Michel Martin. Il jouit à partir de 1775 du privilège exclusif d’être maître d’armes. Il ne s’oppose cependant pas à ce que Pierre Justet exerce à partir de 1778.
Le magistrat nomme en 1784 deux maîtres d’armes, Pierre Justet et Joseph Pierre Henriquel dit Dupont, en estimant que le nombre d’élèves a beaucoup augmenté et que l’escrime fait partie de l’éducation courante des jeunes gens.
Les maîtres d’armes disparaissent avec la Révolution. Pierre Justet reste à Strasbourg où il devient négociant.
♣
La Chambre de police ordonne le 20 janvier 1766 qu’aucun bourgeois ou habitant de Strasbourg n’est autorisé sous peine d’amende à prendre des leçons d’escrime si ce n’est auprès des maîtres d’armes privilégiés.
Arrêté, annoté
Kiein burger oder Einwohner der Stadt, soll sich von Soldaten im Fechten Unterricht geben laßen. 1766, N° 64
(coll. particulière)