Mémoire du Magistrat
Résumé
Mémoire ou Requête du Magistrat présentée à la chambre des depeches contenant trois chefs
1° pour répondre au mémoire qui a été imprimé à la Requête de Klinglin fils
2° pour former la demande en restitution contre la succession de Klinglin Pere
3° à demander l’exclusion du Sr Klinglin fils d’assister ou d’être réintégré dans la magistrature
Par lettre de cachet du 8 Janvier 1752, le roi commet Courchetet d’Esnans, conseiller à la Cour du Parlement à Besançon, pour enquêter sur le dérangement des finances de la Ville de Strasbourg. Le préteur royal de Klinglin et son fils pourvu de sa charge en survivance ont été emprisonnés à la Citadelle pour avoir abusé de l’autorité qu’ils tenaient du roi. Par lettres patentes en date du 28 Juin 1752, le roi charge le Parlement de Grenoble du procès contre Klinglin père et fils. Bailly de Clerivaux, conseiller au Parlement de Grenoble, vient à Strasbourg prendre des informations.
L’enquête a montré que Klinglin père a reçu des fermiers une Somme de 60.000 livres lors de la ferme génerale des revenus de la Ville de Strasbourg établie en 1748. Quand les fermiers ont réclamé cette somme, il leur a fait dire par son secrétaire Daudet qu’elle a été remise à une personne de distinction.
Quant à Klinglin fils, il a extorqué des sommes d’argent au juif Raphaël Levy sous prétexte d’avoir un ordre du Ministre pour le faire arrêter.
Klinglin père meurt à la Citadelle de Strasbourg le 6 février 1753 alors que l’instruction touchait à sa fin.
I. Réponse au mémoire imprimé de Klinglin fils
Klinglin fils publie un mémoire imprimé peu avant le jugement (3-v). Le ministre autorise le 22 novembre 1753 le Magistrat à répondre à ce mémoire. Klinglin fils accuse la Magistrat (a) d’esprit républicain, (b) d’avoir été guidé par une cabale et des factieux et (c) d’autoriser les présents dans toutes sortes d’affaires (f° 6).
(a) Le Magistrat répond au premier chef par les preuves de sa soumission depuis la Capitulation. (6-v à 9-v).
(b) Deuxième chef, la cabale et les factieux (9-v). Ceux qui ont élevé leur voix contre le préteur royal ont été l’objet de mauvais traitements. La destitution de Friderici, premier secrétaire de la Chambre des XV, a eu lieu bien avant qu’on suspecte le préteur royal (10-v). Nomination de Hermanni au Grand Senat (11), de Dietrich comme co-directeur à la Tour aux deniers. Défraiement de Moog et Cappaun lors de leur emprisonnement (11-v). Extraits demandés par Klinglin fils (12). Ceux qu’il nomme conjurés sont les collaborateurs de Courchetet d’Esnans et les officiers de la Chambre d’économie (12-v). Les membres du Magistrat que Klinglin fils met en cause (13)
La chasse dans les Iles du Rhin (14 à 16-v). Le préteur royal s’oppose à ce que le conseiller ayant agi dans l’affaire de la chasse soit élu dans une direction de bailliage (17)
La chambre des Quinze relève que les nouveaux offices créés par le préteur royal à partir de 1736 sont des dépenses superflues (18). L’élection du consul en 1741 (18-v). Les collaborateurs de Courchetet d’Esnans sopçonnés d’être des factieux (19).
Comment le préteur royal essaie de contrer les mesures que propose la Chambre d’économie (19-v) en proposant (a) de modifier la rédaction des comptes, (b) d’annuler les augmentations de traitement et (c) de limiter la compétence de la Chambre d’Economie.
Le préteur royal lors de la résiliation de la ferme générale de 1748 (21).
Le préteur royal tente d’entretenir la division au Magistrat en proposant l’alternative à l’Université (24)
(c) Troisième chef, les présents (25). Le magistrat déclare que les présents ne sont pas autorisés, que les affaires soient gracieuses ou contentieuses, en le prouvant par les règlements. Les consuls, les préteurs, les assesseurs des Treize, des Quinze et des Vingt-et-Un sont perpétuels et ne peuvent accepter de présents. Les sénateurs qui siègent deux ans ne peuvent en accepter pendant leur mandat (27-v). Les présents dans les tribus (30). Exemples de règlements qui interdisent aux administrateurs d’acheter ou de prendre à bail ce qu’ils administrent (32). Le fermier Ducré n’est plus sénateur lors de son bail (33).
II. Demandes en restitutions contre la succession Klinglin.
Le roi ayant pris possession de Strasbourg en 1681, il y établit en 1681 un syndic qui a voix consultative puis en 1685 un préteur qui a aussi voix délibérative (35-v). Le pouvoir de l’un est équilibré par celui de l’autre. Le syndic Jean Baptiste Klinglin devient préteur royal en 1707. Hatzel devient syndic mais n’en exerce pas les fonctions, il n’est pas remplacé après sa mort (36-v). Le préteur royal acquiert ainsi « une autorité presque absolue dans le Magistrat » (37). François Joseph de Klinglin succède à son père en 1725 « mais son ambition démesurée et sa cupidité de bien pour soutenir un penchant insurmontable pour le faste et le luxe ne lui permirent pas de se tenir dans les bornes du pouvoir que sa Majesté lui avoit confié » (37-v).
Le préteur royal empêche que Hatzel soit réintégré dans ses fonctions (38). Il est difficile au Magistrat de se plaindre du préteur royal. L’intendant transmet cependant un mémoire au marquis de Breteuil en 1740. Une délibération des Quinze en l’absence du préteur royal en 1741 se retourne contre le Magistrat (39-v). « La suspension de la charge de syndic a facilité au S. de Klinglin les moyens de se rendre maitre absolu des affaires de la Ville et de faire un abus illégitime de Son authorité » (40). Il décide à qui reviendront les fermes et les adjudications ainsi que les emplois.
Bail pour la fourniture des lits pour les troupes en 1728 (41).
Ferme de la totalité des revenus de la Ville en 1730 (41).
Ferme des vins, émolumens dus aux directeurs de la Douane et aux deux secrétaires de la Chambre des XV (42)
Le terrain sur lequel le préteur royal bâtit sa demeure, 1730 (42-v)
Les droits Seigneuriaux d’Illkirch, 1733, puis l’échange de la seigneurie de Hœnheim contre celle d’Illkirch, 1735 (43)
Offices nouveaus, 1736 et années suivantes (43-v)
Rétablissement du magasin à suif, 1742, la ferme du suif
Le ministre approuve un mémoire du Magistrat qui rétablit les finances de la ville (44)
Le préteur royal cherche à diviser le Magistrat (44-v), il obtient que la Cour s’emploie à une réconciliation (45)
Le préteur royal propose d’augmenter l’approvisionnement en grains de la Ville, 1744 (45-v), pertes de la Ville lors de ce marché (46)
Ferme du bois de chauffage, 1745 (46-v), Klinglin en tire 75.000 livres en gratifications (48)
Ferme de la maison de force, 1746 (48-v)
Ferme des dîxmes et rentes en vins, 1747 (49), adjugée contre la décision de la Chambre supérieure, résiliation en 1751 (50-v). Les faveurs accordées rapportèrent 24.000 livres au préteur royal (51)
Vente d’une forêt à Schutterwald outre-Rhin, 48 (51-v)
Vente des quatre moulins de la Ville, 1748 (52-v), indemnisation accordée par le préteur royal (53). Le magistrat a déposé une demande en résiliation au Conseil d’Etat (53-v)
Seconde ferme de la totalité des revenus de la Ville, 1747 (54-v). Fixation des années à prendre en référence (55), Irrégularités lors de l’adjudication en 1748 (56 à 59-v). Pertes de la Ville exposées en cinq points (59-v). Le fermier demande à la Chambre d’économie de lui céder des arrérages (60). La Chambre d’économie décide en 1749 de modifier la ferme (61-v) que Ducré, adjudicataire, a cédé entre temps à Sadoul. Les députés acceptent de lui accorder un dédommagement pour éviter une plus grande perte (62). La Chambre d’Economie décide en 1751 d’annuler cet accomodement avec Daudet, cessionnaire de Sadoul.
Le préteur royal s’approprie en 1749 la dîme d’Illkirch (63-v). Pertes indirectes de la Ville (65).
Second marché d’approvisionnement en grains, 1750 (65-v). Le préteur royal fait remettre 6000 sacs à Moyse Blien, entrepreneur pour la livraison des grains en Provence (66-v)
« Tel est le détail historique des faits, qui ont contribué au dérangement des finances, et qui donnent matiere à former des demandes en restitution contre la Succession de feu le S. de Klinglin Pere, qui en a été l’autheur, et qui par là s’est procuré des avantages et profits personnels aux dépens de la Ville. » (67-v)
François Christophe Honoré de Klinglin fonde son argumentation sur la différence entre les affaires contentieuses et les affaires gracieuses (68-v). Il soutient que les statuts de Strasbourg n’interdisent les présents que pour les affaires contentieuses (69). Il établit une différence entre les présents volontaires et ceux qui résultent de conventions préalables (70-v). Or il s’agit dans tous les cas de concussion (71-v). Ce que stipule le droit romain (71-v).
Lois sur lesquelles le Magistrat fonde sa demande en restitution (74), divisée en trois points (74-v). a) Présents, gratifications, épingles et pots de vin reçus par Klinglin père, b) remplacement des pertes que la Ville a subies par les fermes, marchés et aliénations, c) restitution des sommes, denrées, matériaux et main d’œuvre que Klinglin père s’est approprié aux dépens de la caisse commune.
Première classe (procédure criminelle), ferme générale de 1748 (75-v), ferme du bois de chauffage (76-v), ferme des vins (77-v), aliénations d’immeubles (78)
Deuxième classe (procédure ordinaire), restitution des villages d’Illkirch et Graffenstaden (80), Schutterwald (80-v), marchés, sommes que Klinglin s’est appropriées sans la permission du Magistrat (81), denrées que Klinglin s’est appropriées sans la permission du Magistrat (81-v), coupes de bois (82), terrains (82-v), bois, fagots et charbons (83), mains d’œuvre et matériaux (84), avances faites sur ordre de la Cour lors de la détention du préteur royal (85)
Les concussions portent sur a) la réception de présents, épingles, pots de vin et gratifications reçus lors de fermes, baux, marchés, aliénations, b) les pertes subies par la Ville suite à des arrangements destinése à procurer des avantages aux fermiers et acquéreurs, c) les bénéfices aux dépens de la Ville – terrains, denrées, matériaux, main d’œuvre (85-v) – Preuves (87)
III. Demande que Klinglin fils soit interdit de participer ou d’être réintégré dans la magistrature
Mémoire ou Requête du Magistrat présentée à la chambre des depeches contenant trois chefs 1° pour répondre au mémoire qui a été imprimé à la requête de Klinglin fils, 2° pour former la demande en restitution contre la succession de Klinglin Pere, 3° a demander l’exclusion du Sr Klinglin fils d’assister ou d’être reintégré dans la magistrature (88 feuillets)
V.C.G. Corp. C. Lad. 13 fasc. 1 N° 2
(f° 1) Mémoire
Sa Majesté étant informée du dérangement des finances de la Ville de Strasbourg, declara par Sa Lettre de Cachet du 8 Janvier 1752 adressée au Magistrat, que par l’attention particulière qu’Elle donne à ce qui peut intéresser le Bien de Sa Ville de Strasbourg, Elle avoit jugé necessaire, d’examiner par Elle même la Situation de Ses affaires, et que sans entendre prejudicier en aucune maniere aux droits et privileges dans lesquels Elle l’avoit maintenüe, Elle avoit commis le S. Courchetet d’Esnans Conseiller en la Cour du Parlement à Besançon pour y prendre tous les Eclaircissements convenables, avec injonction au Magistrat de donner au dit S. d’Esnans généralement tous les renseignements qu’il demandera.
Le Magistrat ayant rempli ces ordres, Sa Majesté par un Reglement daté du 28 Juin 1752 daigna déclarer en outre, que le S. d’Esnans et le Magistrat s’étoient portés, à ce qui etoit de ses intentions, avec toute l’attention et l’empressement qu’Elle s’etoit promis de leur zèle et de leur obeissance, et que s’etant fait rendre compte de leurs opérations, (f° 1-v) Elle ne croyait pas devoir differer à rendre le Reglement, que sa Ville de Strasbourg attend de Sa bienveillance, et qui ne sera pas moins une marque de sa protection dont Elle l’honore, que de l’attention avec laquelle Elle l’a toujours maintenüe dans la jouïssance de Ses privileges.
Par Lettres Patentes aussy en date du 28 Juin 1752 adressées au Parlement de Grenoble S. M. déclare, qu’Elle croiroit n’avoir rempli qu’imparfaitement ce que la Justice et le Bien de Son Service exigent d’Elle dans cette conjoncture, Si, après avoir pourvû aux interêts d’une Ville, dont Elle n’oubliera jamais le zèle, Elle ne portoit en même tems ses vües sur le passé, pour connoitre les causes et les autheurs du désordre auquel Elle vient d’aporter remede, que durant le cours de la commission confiée au S. d’Esnans, plusieurs particuliers ont fait devant luy des déclarations extrajudiciaires, qui se reünissent à charge le S. de Klinglin Préteur Royal, et son fils pourvû de sa Charge en Survivance, d’avoir abusé de la maniere la plus répréhensible de l’authorité, qu’ils tenoient de Sa Majesté, (f° 2) d’avoir commis des concussions de toute espece, et d’avoir employé, pour les colorer, des Supositions, qui ne pourroient que les rendre plus criminels ; qu’à la vüe d’accusations aussi graves Elle a crû devoir donner des ordres provisoires, pour faire arrêter et constituer les S. de Klinglin dans les prisons de la Citadelle de Strasbourg, et dans le dessein, où Elle est, de mettre en usage les moyens les plus propres à éclaircir d’une façon authentique verité des faits, qui en font l’objet, Elle auroit résolu d’en commettre la discussion et le Jugement à un Tribunal reglé, qu’à cet effet Sa Majesté auroit jeté les yeux sur les officiers étant actuellement de Service en la premiere Chambre de Sa Cour de Parlement Séant à Grenoble. A ces causes Elle auroit commis et ordonné le S. Premier President et les S. Presidens et Conseillers de Service en la premiere Chambre de Sadite Cour de Parlement, pour à la requête poursuites et diligence de Son Procureur General en lad. Cour instruire faire et parfaire incessament le procés aux d. S. de Klinglin Pere et fils pour raison des faits cy dessus, circonstances et (f° 2-v) dépendances ainsy qu’à leurs complices et participes Si aucuns y a, et iceluy procés juger en dernier ressort etc.
En conséquence de ces ordres le S. Bailly de Clerivaux Conseiller en lad. Cour de Parlement Commissaire en cette partie, se transporta en la Ville de Strasbourg où il fit les informations.
Entre les differens chefs d’accusation il y en a deux qui paroissent avoir donné principalement lieu d’arrêter les S. de Klinglin Pere et fils. Ces deux chefs n’ont rien de commun, ils concernent séparement le Pere et le fils, et consistent en des Supositions qu’ils doivent avoir employées pour colorer leurs exactions.
Le premier concerne le S. de Klinglin Pere, il est convenu dans Ses interrogatoires, d’avoir reçû des fermiers et leurs associés une Somme de 60.000 lb par forme de présens à l’occasion de la ferme génerale des revenus de la Ville de Strasbourg établie en 1748. Comme les fermiers luy répétoient cette Somme, il doit leur avoir fait dire par Daudet, Son Secretaire, pour éloigner cette demande, qu’il avoit fait passer cette même Somme à une personne de distinction, à laquelle il n’etoit ni convenable ni pratiquable de la redemander.
Le Second Chef concerne le S. Klinglin fils. Il doit avoir par menaces extorqué differentes Sommes d’un nommé Raphaël Levy Juif sous prétexte d’avoir un ordre du Ministre pour faire arrêter ledit Juif.
Pendant l’instruction de ce procés les S. de Klinglin Pere et fils ont demandé nombre de pieces et extraits des Registres de la Ville, prétendans devoir leur Servir de justification, Ils ont sur ce, fait Sommer le Magistrat, et de Surabondant obtenu des Ordonnances de M. le Commissaire, qu’ils ont affecté de Signifier longtems après qu’elles étoient rendües. Le Magistrat y a satisfait à tous égards.
Sur la fin de l’instruction de ce procés le S. de Klinglin Pere mourut à la Citadelle de Strasbourg le 6 fevrier 1753. Le S. de Klinglin fils fut transferé par après au (f° 3-v) Parlement de Grenoble pour y être jugé.
Peu de tems avant son Jugement il fit donner un Memoire au parlement de Grenoble, qu’il répandit par la Suite dans le public, il en a fait faire le Translat en Allemand pour le faire passer même à l’Etranger.
A la vüe de ce memoire rempli de calomnies, de faits suposés et alterés, Le Magistrat a crû que son honneur ainsy que son devoir à veiller sur les interêts de cette Ville, exigeoit indispensablement de luy de Se déterminer à repondre :
1. à ce memoire scandaleux, pour faire connoitre l’imposture des imputations calomnieuses faites à Son honneur et à la reputation de la Ville de Strasbourg.
2. de former une demande en restitution contre la succession de feu le S. de Klinglin pere, Sur l’aveu même contenu dans ce memoire, que ce dernier a reçû indistinctement des presens de toute espece en toutes occasions et en toute sorte d’affaires, hors ce qu’il apelle contentieuses, qui nécessairement ont tourné au préjudice de la caisse commune, et occasionné des Tords, au remplacement desquels le Magistrat est obligé de veiller par état et par devoir. et Enfin
3. par une Suite naturelle à demander l’exclusion de l’autheur de ce Memoire, de Ses assemblées, qui a manifesté Ses Sentimens et Sa façon de penser Sur le compte du Magistrat d’une façon si indécente.
Le Magistrat a crû ne devoir faire aucune démarche sans en prévenir la Cour, il eut l’honneur d’en écrire au Ministre le 12 Septembre 1753 et de rendre fidelement compte de Sa résolution en déclarant respectueusement qu’il ne feroit aucuns pas pour répondre au memoire Si le Ministre le désaprouvoit. Sur la demande en restitution le Magistrat eut l’honneur de le Suplier de luy indiquer les voyes qu’il conviendra de prendre pour y parvenir, Et Sur l’éloignement de l’auteur d’un pareil libelle diffamatoire de Ses assemblées, il eut celuy de luy demander Sa protection.
Sur ces differentes demandes le Magistrat fut honoré d’une réponse du Ministre le 22 Novembre (f° 4-v) 1753 dans laquelle il est marqué, que des objets de cette espece luy avoient parû meriter d’etre portés au Conseil des Depêches, qu’il étoit necessaire que le Magistrat présentât une Requête en forme, où les faits et les moyens Soient nettement exposés. Ce détail etant Surtout necessaire par raport à l’article des restitutions, afin que sa Majesté Soit instruite de celles, que le Magistrat prétend répéter, et que par la connoissance qu’Elle en aura Elle puisse se decider tant sur le choix des Juges qu’il conviendra de nommer que Sur ce qui doit entrer dans l’Enoncé de leurs Commissions.
C’est pour s’y conformer et en consequence de la permission contenüe en la Lettre du Ministre, que le Magistrat présentera requête au Conseil des depêches, et qu’il y détaillera les faits et les moyens sur la nature des trois chefs portés dans sa déliberation dont il a eû l’honneur de faire part au Ministre, et Notament Sur le premier chef le Magistrat ose esperer que la Cour ne désaprouvera pas, qu’il réponde au Memoire du S. de Klinglin.
Les raisons, qu’il en a, sont des plus fortes et des plus urgentes.
Dans ce memoire donné au Parlement de Grenoble et par après répandu dans le public, même chés l’Etranger, le S. de Klinglin fils a entrepris de justifier la memoire de feu son Pere.
Pour parvenir à cette prétendüe Justification, il s’est persuadé que toutes les voyes et moyens etoient licites en passant les regles de décence, de considerations, d’égards, de respect et de verité, pour calomnier et noircir la réputation de tous ceux, qu’il a soupçonnés d’avoir désaprouvé la conduite de feu Son Pere, Il a osé taxer d’esprit de Jalousie, de vengeance et de partialité des personnes respectables et en place, Celles mêmes, auxquelles la Cour a donné toute sa confiance pour faire des recherches préliminaires sur le dérangement des finances de la Ville de Strasbourg, n’ont pas été à l’abry de ses insinuations malignes, en leur attribuant un excès de crédulité, et la foiblesse d’avoir écouté et reçû trop facilement et sans aucun ordre les accusations et les declarations portées contre luy et feu son Pere, il a fallu de nécessité, pour donner un air de vraisemblance à ces insinuations calomnieuses, suposer des faits, en altérer et dénaturer d’autres ; la reponse que le Magistrat (f° 5-v) donnera à ce memoire contiendra en détail tous les eclaircissemens.
Les raisons qui engagent principalement à répondre à ce memoire, Sont qu’à cette occasion le S. de Klinglin a cherché à porter au Magistrat, même à la Bourgeoisie, les coups les plus outrageans par des imputations aussi fausses qu’indignes.
1. en disant que la Ville de Strasbourg, jalouse de Sa liberté et de ses privileges, avoit envisagé les impôts du Cinquantieme, du dixieme et du vingtieme d’un œil republicain
2. que le Corps du Magistrat s’etoit laissé guider par une Cabale et par des factieux, auxquels derniers il attribüe d’avoir essayé de soulever les peuple contre feu Son pere par des libelles répandus et par des discours sédicieux, qui luy rapelloient Son ancienne indépendance, en souflant ainsy l’esprit de révolte dans tous les quartiers de la Ville, que feu son pere avoit Surtout été exposé de la part des Luthériens à tout le ressentiment, à toute la haine et à toute la fureur que peut inspirer l’esprit de party dans les quérelles de religion, que dans cet esprit de vengeance les prétendus conjurés s’etoient donné tous les mouvemens, lors des deux Commissions envoyées par la Cour en 1752. pour Susciter, même Suborner les témoins pour déposer et faire des declarations contre Son Pere et luy, d’avoir recompensé ceux qui s’etoient prêtés à leurs vües, d’avoir menacé et persécuté ceux qui s’y etoient refusés, et principalement d’avoir difficultué, différé et même refusé l’extradition des pieces qu’Eux les S. de Klinglin demandoient des Registres du Magistrat pour leur Justification, et d’etre ainsy la Cause de leur malheur et de leur perte.
3. Le S. de Klinglin, forcé d’avoüer par nombre de convictions, que feu Son pere a reçü des présens de toute espece, en toute occasion, Sur toutes sortes d’affaires, hors celles, qu’il apelle contentieuses, s’est imaginé de lever tout l’humiliant d’un pareil aveu en Soutenant que tel a été, et est l’usage à Strasbourg, que tous les Membres du Magistrat ne se font encore aucun Scrupule de Suivre.
C’est ainsy que le S. de Klinglin tache de déshonorer dans le public une Ville et un Corps de Magistrature, à la tête desquels Son Pere et (f° 6-v) Son ayeul ont trouvé les moyens de jetter et élever les fondemens d’une fortune brillante pour leur famille, dont la continuation n’a été interrompüe et n’a cessé, que par la conduite répréhensible de feu Son Pere. C’est ainsy, qu’il ose diffamer une Ville distinguée de tous les tems par la Sagesse de ses usages et Reglemens, par la droiture de sa conduite, et Si particulierement honorée de la protection Royalle depuis son heureuse Soumission à la France.
Sur le premier point de cette diffamation le Magistrat n’hésite pas de dire, que le reproche d’un esprit républiquain luy est insuportable ainsy qu’à la bourgeoisie. Il ne s’en consoleroit pas, s’il ne se rapelloit les graces et bontés réïterées et multipliées, que la Cour n’a cessé de répandre sur cette Ville depuis Sa Soumission. Ce sont là les témoignages les plus indubitables et les plus authentiques de la fidélité, du zèle et de la Soumission des Sujets envers leur Souverain, qui par là daigne les recompenser et leur marquer Sa satisfaction. Entre tant de marques de protection et de Bienveillance, dont le Magistrat et la Ville ont été honorés, Celles, que Sa Majesté a bien voulu donner à l’occasion des derniers evenemens, Sont des plus éclatantes en donnant d’un côté, ainsy qu’Elle daigne s’en expliquer elle même, une attention particulliere au Bien d’une Ville dont Elle n’oubliera jamais le zèle, et en marquant Sa satisfaction au Magistrat Sur Son obeissance et Son exactitude à remplir Ses ordres, et d’un autre côté surtout en éloignant un Chef, qui avoit si visiblement abusé de Son authorité, et de la condescendance du Magistrat pour le caractere dont le Roy l’avoit revêtu.
La Ville de Strasbourg par la capitulation de 1681 a obtenu la confirmation de tous Ses anciens droits Statuts privileges et coutumes tant ecclesiastiques que politiques, Elle a été conservée dans l’exercice de la Religion, comme il a été depuis l’année 1624, ainsy que dans la possession des Biens Ecclesiastiques fondations et Couvents, nommément l’abbaye de St Etienne, le Chapitre de St Thomas, St Marx, St Guillaume et tous autres. Le Magistrat a été laissé dans Son Etat avec tous Ses droits (f° 7-v) et libre Election de Ses Colleges : l’Université avec tous Ses Docteurs et professeurs, les Tribus et les Maitrises, la libre disposition de Ses revenus et de la Pfenningthurn luy a été laissée, et la Bourgeoisie a été conservée dans l’exemtion de toutes contributions et autres payemens.
Si dans les occasions le Magistrat a fait de très humbles remontrances Sur la conservation de Ses privileges, ce n’a jamais été dans cet esprit, que l’on attribüe Si méchamment dans le Memoire du S. de Klinglin : ce n’a été que pour représenter Ses droits, et qu’après s’etre Soumis avec toute la promptitude imaginable. Le Magistrat a par devers luy des preuves d’avoir été au devant des desirs de la Cour dans des occasions où il luy auroit été permis de faire valoir Ses privileges et les réserves contenües dans la Capitulation. Il y a Sur ce deux epoques bien remarquables, et que le Magistrat croit devoir rappeller icy.
Quoique par l’article 3 de la Capitulation les Biens Ecclesiastiques fondations et Couvents, nommément l’abbaye de St Etienne, aient été laissés à la Ville, neanmoins en 1700 le Magistrat en prevenant les desirs de la Cour en fit cession au roy, la Lettre qu’il reçut à ce sujet est des plus honorables et marque, quelle a été la satisfaction et le gré que le Roy en a eû, au Magistrat. Dans ces termes feu M. de Barbesieux en écrivit au Magistrat le 14 Juillet 1700.
De même en 1728 l’on fit cession en faveur des Dames Religieuses de la Congrégation Sous le Titre de Ste Barbe, de l’ancien hopital des Pelerins, Sur quoy M. d’Angevilliers marqua au Magistrat le Satisfaction de la Cour par sa Lettre du 4 Août 1728.
Dans ces occasions il etoit permis de faire valoir les termes exprés de la Capitulation Sur la conservation de ces deux fondations, neanmoins le Magistrat pour donner des marques de Son zèle à remplir les desirs de la Cour, s’en est déporté volontairement, les Lutheriens, Sur lesquels le S. de Klinglin veut particulierement jetter le Blâme de ce reproche, peuvent se prévaloir de ces deux occasions, pour les alléguer comme des marques d’une fidelité égale à celle des autres habitans de la Ville, puisqu’ils etoient (f° 8-v) particulierement interessés dans la conservation de ces deux fondations, ils n’ont jamais pensé de faire Sur ce des représentations ni de faire valoir la Capitulation, et les Traités de paix qui fixent l’Epoque de la possessions des biens Ecclesiastiques, en faveur de Ceux de la Confession d’Augsbourg.
Il importe donc au Magistrat pour faire tomber les impressions désavantageuses, qu’un pareil Memoire peut avoir fait dans le public, de faire connoitre, que cette Ville est particulierement honorée de la protection Royalle ; il luy importe que le public Soit instruit de Ses Sentimens de fidelité, de zèle et d’attachement pour le Service ; il importe même à l’Etat, que l’on connoisse partout, même chés l’Etranger, le bonheur, dont jouït cette Ville, et qu’Elle ne perd jamais de vüe les graces et les bienfaits de Son Souverain.
Ses ancêtres ont prévû ce bonheur, et c’est ce qui a été le motif de leur Soumission volontaire en 1681 leur attente a été remplie à tous egards.
Dans une situation aussi heureuse est-il permis de luy suposer un esprit Républiquain, et peut-on souffrir avec indifference un reproche aussi odieux qui Supose en même tems la plus noire des ingratitudes. Le Magistrat, plein de confiance à la justice et à l’integrité de M. le Préteur actuellement en place, réclame son témoignage Sur Son attachement Son zele et sa fidelité.
Mais ce qui met le Magistrat et la Ville au dessus de la calomnie, c’est l’occasion heureuse qui s’est presentée en 1744 de pouvoir mettre sous les yeux de son Souverain par les démonstrations les plus vives les témoignages sincers de Son zèle et de Son attachement.
L’on distingue icy les vües du S. Klinglin, il s’est crû permis de Sacrifier ainsy la réputation de la Ville et du Magistrat de Strasbourg, pour attribuer à feu Son Pere par une ostentation déplacée tout ce qui s’est fait durant Sa Préture pour le Service du Roy et du public. entre une énumération extrêmement enflée de tous les Services rendus par feu Son Pere à l’Etat et au public, il luy attribüe le remplacement d’une grande quantité de grains, dont Sa Majesté avoit besoin, qui étoient dépéris dans les Magasins du Roy ; (f° 9-v) il n’y a qu’à voire la Lettre de feu M. d’Angevilliers du 29 Decembre 1728 adressée au Magistrat, pour distinguer quelle part le Magistrat y a eüe, et que la Cour a distingué Son zele en cette occasion.
Sur le Second point l’honneur du Magistrat n’est pas moins interessé à faire connoitre, qu’il n’y a eû ni cabale ni factieux dans Son Corps, et qu’il est incapable de se laisser guider par de tels esprits, qu’il connoit encore bien moins les menées, que le S. de Klinglin attribüe à ces prétendus factieux Sur la Suscitation et Subornation des témoins, les menaces et les récompenses, qui doivent leur avoir été faites. Comme cependant le S. de Klinglin articule quelques faits méchamment Suposés à cet égard, pour donner quelque idée de vraisemblance à Ses Calomnies, le Magistrat doit les relever. D’abord il ose citer nommément plusieurs membres du Magistrat, qui doivent s’être recriées contre ces pratiques scandaleuses, et de s’être hautement declarés contre la conduite de pretendus conjurés, qu’ils devinrent Eux mêmes les premieres victimes de la conjuration, puisqu’ils furent obligés de s’absenter par les mauvais Traitemens qu’on leur fit essuyer. Pour connoitre tout le faux de cet Exposé, il suffit de faire Sur ce les plus Simples reflexions : l’on ne peut comprendre pourquoy les S. de Klinglin auroient negligé de faire entendre des membres du Magistrat Sur les faits, qu’il dit être de leur connoissance ; ils en auroient tiré certainement des moyens pour leurs justifications au Surplus ces messieurs doivent être bien Scandalisés de l’Exposé du S. de Klinglin, qui les dénonce d’avoir Suporté patiemment et sans se plaindre, des mauvais Traitemens de la part du Magistrat. L’on ignore encore en quoy ils aient pû consister, du moins l’union n’en a pas été altérée dans le Corps, et l’on ne s’est aperçû de l’absence d’aucuns, que de ceux qui tenoient à la famille de Klinglin par les liens du Sang et de l’alliance.
D’autres faits qu’il articule, Sont des persécutions faites contre ceux qui ont refusé (f° 10-v) de se prêter aux vües des prétendus conjurés, et les récompenses faites à ceux qui s’y sont prêtés ; il cite Sur le premier de ces deux cas l’exemple du S. Friderici, qui a été destitué de Sa place. Le S. de Klinglin auroit dû à cet égard Se contenter de plaindre un homme qui a été affidé à feu Son Pere, Sans l’exposer de nouveau à la recherche d’une conduite qui n’a paru que trop Suspecte. il connoit parfaitement les raisons que le Magistrat a eües de destituer cet officier, qui occupoit une des premieres places de la Chancellerie par le poste de premier Secretaire de la Chambre des XV. Les S. de Klinglin pere et fils ont été Eux mêmes présens à la destitution de cet officier, et malgré toute leur bonne volonté pour luy, ils n’ont pû le Soutenir par raport aux raisons qui l’ont fait congédier. Le Magistrat en cecy a voulu préférer la voye de la douceur à celle de la rigueur, en usant de Son droit de congédier quand bon luy Semble Ses officiers. Comment peut-on Suposer une persécution contre le nommé Friderici, tandis que Sa destitution a été ordonnée longtems avant qu’il n’ait été question de rechercher les S. de Klinglin.
Un autre fait que le S. de Klinglin avance, c’est une récompense Suposée en faveur du S. Hermany, Beaupere du S. Dietrick qui a deposé contre le S. de Klinglin dans l’information, en le nommant à la place d’assesseur biennal au Grand Senat. Quiconque sçait l’usage de cette ville Sur ces Elections, découvrira facilement l’imposture et l’impossibilité de cette récompense. Chaque Tribu a le droit de présenter un Conseiller au Grand Senat, ce Sont les Echevins qui les élisent. Le Corps du Magistrat n’a aucune part à ces Elections : d’ailleurs c’est plutôt une charge qu’une récompense, pour le S. Hermany, dont les affaires assés étendües ne luy permettent guére de se distraire par d’autres occupations, Sa réputation et celle de Son gendre, le S. Dietrick, sont trop bien établies pour que cela puisse faire impression.
Le nomination du frere du S. Dietrick à la (f° 11-v) place de Trois de la Tour aux Pfennings est une objection ridicule faite au Magistrat, comme Si les parens de ceux qui ont déposé en l’information devoient être exclus des promotions.
Pour faire soupçonner le Magistrat de prétendües persecutions, il se récrie Sur le payement des dépenses faites par les S. Moog et Cappaun à la Citadelle lors de leur détention. Ce procedé n’avoit rien que de naturel, l’Extrait des Registres de la Chambre d’Economie fait voire que ce n’est qu’une simple avance faite pour frais de bouche de deux témoins, qui avoient été entendus par ordre de M. le Commissaire du Roy.
Un quatrième fait qu’il allégue, c’est le prétendu aveu d’une personne anonyme lors de la confrontation, qu’il luy a été passé une Somme considerable dans un compte qu’Elle a eû à rendre, en faveur de la déclaration extra judiciaire qu’elle avoit faite à M. d’Esnans. un pareil dire déshonore bien celuy, auquel on l’attribüe, et fait connoitre, qu’il n’est pas susceptible d’être crû et de dire verité.
Le S. de Klinglin annonce dans Son memoire qu’il auroit trouvé tous les obstacles imaginables pour parvenir à Sa prétendüe justification et à celle de son Pere, par les refus délais et difficulté des Conjurés qui guidoient le Magistrat, Sur l’extradition des pieces. Sur cela le Magistrat peut faire voire un détail bien exact, que sa conduite a été des plus Sensées ; Ce qui le justifie le plus, c’est que le S. de Klinglin, aprés avoir épuisé, pour ainsy dire, de fatigues les officiers de Chancellerie, a été Satisfait en tous points. par le détail que le Magistrat fera dans Sa réponse au memoire, il se justifiera aisément sur les reproches que le S. de Klinglin luy fait, pour exciter en quelque façon la compassion du public en sa faveur. L’on a tenté de la part de Sa famille par une lettre écrite au Ministre sur ce prétendu refus de pieces, de faire connoitre une espece de dény de justice, mais cette ruse grossiere n’a pas reüssi, il a été renvoyé au Parlement de Grenoble. Enfin le S. de Klinglin tient à cette occasion dans Son (f° 12-v) Memoire le langage de tous ceux qui par des actions répréhensibles Se sont mis dans le cas d’être recherchés en justice, en suposant des ennemis vindicatifs, et en attribuant aux Succés de leurs complots les circonstances facheuses où ils se trouvent : c’est le début de Son memoire, en continuant en long le récit de faits et d’Evenemens, partie alterés dans leurs circonstances, et partie Suposés, il affecte d’indiquer quelques membres du Magistrat comme les autheurs des contradictions, que feu Son pere a essuyées Sur la fin de sa préture ; il attaque Sur ce des Dicasteres et des Chambres du Magistrat, et principalement il se plaint des procedés de prétendus ennemis qu’il nomme conjurés, qui Selon les indications qu’il en donne Sans les nommer, Sont les Deputés qui ont travaillé avec M. d’Esnans : il s’en prend Surtout à la Chambre d’Economie, comme étant remplie de Sujets ambitieux et ennemis de Son Pere défunt.
Pour en imposer au public et Surprendre Sa religion, il raporte des faits et des Evénemens, que le Magistrat ne peut se dispenser de relever par l’interêt, qu’il prend à l’honneur de Ses membres, qui pour le Bien public et conformément à Ses intentions ont travaillé et cherché à remplir leur devoir, Il doit aussy la justice à Ceux de Ses membres, qui ont été compromis par les allégations malignes du S. de Klinglin en particulier, de dévoiler la verité des faits, desquels il a cherché par des circonstances Suposées tirer des inductions défavorables pour les dénoncer comme autheurs de prétendus Troubles, ainsy que le Magistrat le doit à l’égard de ceux de la Confession d’Augsbourg, qu’il traite comme des Ennemis irréconciliables de Son Pere, exerçans contre luy tout ce que la haine d’un party de religion peut inspirer. il fixe d’abord l’Epoque des prétendus troubles à l’année 1740 et attribüe à la cabale imaginaire le projet de changer l’ancien gouvernement, Surtout de détruire ou d’affoiblir l’authorité du préteur. Il prétend que ce projet fut inspiré par un des membres du Magistrat, qui (f° 13-v) cherchoit à exercer Sa vengeance, parce qu’ayant manqué essentiellement à feu M. le Marechal du Bourg il avoit essuyé par un ordre exprés du Roy la réprimande la plus Sévére.
Le S. de Klinglin auroit dû reprendre de plus loin cette Epoque de 1730. feu Son pere avoit établi une ferme, de laquelle on n’a eû que trop de raison de Se plaindre, et qui avoit occasionné un dérangement dans les finances, et dés l’année 1733 l’on avoit cherché à y remédier à l’occasion d’une lettre écrite par M. de Brou le 10 Mars 1734 au Magistrat, dans laquelle il marquoit, que l’intention de la Cour etoit que l’on examine l’administration de la Ville pour réformer les abus, Tous ceux qui s’etoient prêtés à cet ordre, furent regardés comme enemis du Préteur, et dés là même feu le S. de Klinglin chercha à s’en venger. Ce qu’il fit à l’occasion de ce Membre dont la personne a toujours été chère au magistrat, et voicy comme il s’y prit. Ce Magistrat ayant dessein d’aller à Paris, aprés s’être présenté chés M. de Preteur, et ne l’ayant pas trouvé, crut pouvoir s’absenter : il partit effectivement, feu le S. de Klinglin trouva l’occasion trop belle pour la manquer, il en écrivit en Cour en représentant cette démarche comme un manque total de Subordination. Le Ministre en écrivit à feu M. le Marechal du Bourg pour luy en faire une réprimande, ce fait se passa en 1734 et contient la preuve d’une vengeance exercée par feu le S. de Klinglin pour mieux établir sa despoticité et éloigner toute contrariété de Sentimens.
Un autre fait qu’il attribue à la même personne, et dans le récit duquel il se Sert de termes, que les regles de l’honneur, de bienseance et de prudence bannissent de la Societé civile, et qui ont encore bien moins raport aux Sentimens et à la façon d’agir de ce membre du Magistrat. c’est un prétendu démêlé arrivé entre ce dernier et le S. de Klinglin Pere.
Voicy le fait dans la plus exacte verité. depuis 1704 jusqu’en 1739 les S. de Klinglin Pere et Grand pere moyennant un canon annuel de 200 lb (f° 14-v) jouïssoient dans les Isles du Rhin des chasses de la Ville, à l’entretien desquelles Elle contribuoit bien au delà de cette redevance. Il est vray que par une Clause portée au premier Bail en 1704 qui a tacitement été prorogé jusqu’en 1739, il y etoit dit, que tous les membres du Magistrat perpetuel pourroient chasser conjointement pour leurs personnes. Mais déjà le S. de Klinglin ayeul et Surtout le Pere par leur authorité en marquant beaucoup de jalousie Sur cet objet, en Sçurent exclure le Magistrat, et en 1739 au renouvellement du Bail le S. de Klinglin Pere ne voulut jamais consentir à cette Clause, Sur laquelle plusieurs Magistrats insistoient pour s’en prévaloir. En 1739 feu M. le Marechal de Broglie, Commandant pour le Roy en cette province, fit entendre au S. de Klinglin Pere, qu’il verroit avec plaisir, Si le Magistrat vouloit luy accorder la chasse dans les Isles au dessous du pont du Rhin : quoique cette proposition ne fut pas de Son goût, il Sentit cependant que le Magistrat seroit charmé de donner des marques de Son respect et de Son dévouement à M. le Maréchal, il en fit donc luy même la proposition à la Chambre des XIII, qu’il n’eut pas beaucoup de peine à faire agréer. Et ces Chasses furent laissées à M. le Marechal moyennant des réversales, que ce Seigneur donna pour la conservation des droits de la Ville. peu de tems aprés en 1740 il s’agissoit, aprés ce démembrement de chasses, de renouveller le Bail des chasses au dessus du pont du Rhin à la réquisition du S. de Klinglin. Le premier résultat de la Chambre des XIII fut, que les chasses ayant été démembrées, il ne Seroit pas naturel, qu’il continuât à en payer la même redevance, mais qu’il luy Seroit notifié, que dorenavant il pourroit chasser gratis, Sous la réserve que des assesseurs de la Chambre pourroient y chasser de même. Cette résolution n’etoit pas du goût du S. de Klinglin Pere, il insista Sur Sa premiere proposition de luy abandonner les chasses sans qu’aucun membre du Magistrat en puisse jouïr hors Sa Compagnie. dans les fréquentes délibérations tenües à ce Sujet, les uns, peu amateurs de cet amusement, s’en déporterent (f° 15-v) en faveur du S. de Klinglin, d’autres se réserverent leur droit comme étant affecté à chacun en particulier, et dans lequel la pluralité ne pouvoit porter préjudice à ceux qui désiroient l’exercer par Eux mêmes ; neanmoins il fut resolu dans la Chambre des XIII à la pluralité, que les chasses resteroient au S. de Klinglin Pere ainsy qu’il l’avoit demandé, et le Bail luy en fut passé Sous les conditions les plus Singulieres. fondé Sur cette reserve, ce Membre du Magistrat crut pouvoir user de son droit non obstant le bail passé au S. de Klinglin : il y fut effectivement le même jour que le S. de Klinglin, mais il arrivé aprés luy, et se mit également en chasse dans une autre Isle : Le S. de Klinglin s’en plaignit vivement au magistrat, il voulut même engager la Chambre des XIII d’en écrire en Cour : mais cette Chambre par prudence ne jugea pas à propos de la faire et de fatiguer le Ministre, il etoit donc question de faire decider ce different, et surtout si l’affaire devoit être renvoyée à la Chambre des XXI ou Seulement aux trois Chambres Secretes, il paroissoit naturel, que la compétence ne devoit regarder que les Trois Chambres Secretes, qui composent la Magistrature perpétuelle, à laquelle Seule le droit des chasses est attaché. le S. de Klinglin, prévoyant qu’il pourroit succomber, fit tous les efforts pour faire porter cette affaire à la Chambre des XXI, où Siègent aussy les Conseillers Biennaux, assuré des Suffrages de ces derniers la réüssite de Ses vües ne pourroit luy manquer. En effet cette affaire y fut portée et la pluralité confirma le Bail et il fut ordonné, que personne ne chasseroit qu’en compagnie de M. le Preteur. depuis ce moment tous les membres du Magistrat se Sont Soumis, et le S. de Klinglin a jouï des chasses jusqu’au moment de Son emprisonnement.
Sur ce récit la justice et l’equité paroissoit exiger, que les membres du magistrat, amateurs de la Chasse, après en avoir été privés pendant 36 années, rentrent en quelque façon dans leurs droits, et jouïssent de cet agrément, duquel les S. de Klinglin Pere et ayeul les avoient (f° 16-v) exclus Successivement, Ce procedé de ceux qui s’etoient réservé leur droit n’avoit rien que de raisonnable et naturel. La personne du Magistrat contre laquelle le S. de Klinglin s’est laché si indécemment en invectives, s’est crüe authorisée de jouïr de Son droit moyenant Sa réserve et protestation, et la régularité de Sa conduite se manifeste par la condescendance, qu’Elle a marquée au Jugement de tout le Corps de Magistrat, auquel il s’est conformé. Et Sur ce l’on peut dire, que le S. de Klinglin s’est émancipé dans son memoire dans les termes qu’il a employés, et qu’en cecy sa conduite est insensée et dépourvüe de prudence, d’égard et de consideration.
Quelque tems après cet evenement, il fut question de nommer à une direction de Baillages, quoique ces Elections soient libres, l’equité cependant et l’ordre naturel exigent, que l’on fasse attention aux plus anciens et à ceux qui sont le moins pourvus. Ces motifs parloient en faveur de la personne dont il a été question à l’occasion de la Chasse, le S. de Klinglin Pere, par un ressentiment mal placé, luy donna l’exclusion en donnant sa voix à un autre, un assesseur noble XXI ayant opiné, qu’il estimoit, que l’office vacant étoit dû à ce membre du Magistrat préferablement à celuy que M. le Preteur avoit nommé, et qu’il n’esperoit pas que la Chambre voulût commettre l’injustice de la passer à cette Election. il n’en fallut pas davantage pour réveiller tout le ressentiment du S. de Klinglin, qui en vouloit personnellement à cet assesseur noble XXI pour avoir osé six mois auparavant à l’occasion de la Lettre de M. de Breteuïl, qui désapprouve la Chambre des XV de s’être assemblée en l’absence du preteur Royal, adhérer à la declaration et protestation d’un des principaux membres du Magistrat, et dire en pleine assemblée qu’il seroit necessaire d’examiner la conduite du S. de Klinglin.
En effet cette affaire eut des Suites, le Magistrat ne prétend pas justifier la conduite de cet assesseur, mais le S. de Klinglin Pere, dont on vante si mal à propos l’esprit de pacification dans le memoire du fils, ne voulut jamais se contenter de la déclaration, que cet assesseur fit (f° 17-v) à la Chambre de XXI en assûrant le Magistrat Sur Son honneur et Sur Sa conscience, que Son intention n’a jamais été d’apostropher ou injurier aucun d’Eux, mais qu’il avoit crû que sans injustice il ne pouvoit passer à cette Election la personne à qui il avoit donné Sa voix. une pareille declaration auroit pû être Suffisante, elle a même été regardée comme telle dans l’arrêt du Conseil d’Etat rendu Sur cette affaire mais le S. de Klinglin vouloit statuer des exemples contre tous ceux qui n’etoient pas en tous points de Son Sentiment, il voulut faire essuyer à cet assesseur tout l’humiliant d’une condamnation par la Chambre des XV chargée de la censure des moeurs il y reüssit, et l’affaire fut traitée au plus Serieux au point qu’elle fut portée à la Cour : et Sur un arrêt rendu au Conseil d’Etat Tout cela ne suffisoit pas pour apaiser la vengeance du S. de Klinglin Pere, il donna par la suite dans deux occasions differentes l’exclusion à ce même assesseur noble XXI Sur Sa promotion, et ce dans les termes les plus choquans en rappelant tout ce qui s’etoit passé à Son égard en 1741.
Par cet exemple de vengeance implacable il cherchoit à établir Sa despoticité et à se rendre maitre des volontés de tous les assesseurs.
La Chambre des XV, l’un des principaux Départemens du Corps de Magistrat, n’a pas été à l’abry des effets de Son ressentiment. En effet cette Chambre, chargée particulierement de veiller au bien et à l’utilité publique, malgré toute la despoticité du S. de Klinglin, avoit osé représenter à tout le Corps du Magistrat qu’en 1736 et années Subséquentes, le S. de Klinglin avoit fait créer plusieurs nouveaux offices qui etoient à charge de la Caisse publique. L’Etat de ces offices fait voire, que les gages et apointemens y annexés montoient à une Somme de 23.286 lb. Cette dépense paroit Superflüe et inutile, plusieurs de ces offices furent supprimés en 1740. Le Preteur Royal Suivant le Memoire du fils dissimula Son ressentiment n’ayant point de moyens ni de raisons plausibles pour s’oposer à cet arrangement d’Economie aprouvé par M. de Breteuil, et qui luy portoit préjudice en luy ôtant les (f° 18-v) moyens d’en établir d’autres par la Suite et de se procurer par là les présens, qu’il avoüe avoir pris dans pareilles occasions. Mais à la premiere occasion il n’hesita pas de faire Sentir à la Chambre des XV les traits de Sa vengeance.
Cette Chambre en vüe d’épargner les dépenses crut devoir faire des représentations Sur l’Election prochaine d’un ammeistre Regent pour l’année 1741. Ses motifs etoient, que dans ce moment le nombre des assesseurs perpétuels étant plus que complet, il convenoit de choisir parmi les membres même de ce Corps une personne pour remplir cette dignité, que Sur les propos dispersés dans le public il paraissoit que cette Election pourroit concerner un Simple Echevin, dont la nomination mettroit un second Surnuméraire dans le Magistrat, et augmenteroit ainsy la dépense, rien ne marquoit mieux la droiture et la justice des intentions de cette Chambre, mais comme l’on avoit délibéré Sur cet objet aprés que le Preteur Royal s’etoit retiré, le S. de Klinglin saisit cette occasion pour Surprendre la Religion de la Cour, et attirer à cette Chambre une désaprobation de conduite, qui dans le fond ne tenoit qu’à faire des représentations à M. de Preteur meme et Surquoy l’on auroit jamais été en avant sans sa participation et Sans Sa connoissance. Cela attira deux Lettres, l’une de M. le Marquis de Breteüil, l’autre de Mgr. le Chancelier, auxquelles le S. de Klinglin Supose dans Son Memoire un tout autre objet. C’est de là qu’il veut induire en même tems un ressentiment de la part de cette Chambre, pour luy attribuer une persecution tentée contre feu Son Pere, tandis qu’à ce trait l’on distingue les marques de Son ressentiment contre cette Chambre.
Aprés avoir cherché de découvrir partout les prétendus ennemis de Son Pere, le S. de Klinglin se rabat Sur les deputés qui ont travaillé avec M. d’Esnans, et Sur la nouvelle Chambre d’Economie, Pour couvrir (f° 19-v) tous les reproches odieux et insensés, il suffit de dire que ces Deputés et cette Chambre ont rempli leur commission avec honneur droiture et probité, et qu’ils ont attiré au Magistrat les témoignages les plus honorables de la Satisfaction de la Cour. Le S. de Klinglin fils tient à cet égard la conduite le plus insensée en décelant dans Son Memoire toutes les ruses et les ressorts, que feu Son Pere a employés pour résister à la résolution du Magistrat, de rétablir le bon ordre dans Son administration. prévoyant donc par ce que la Chambre d’Economie avoit déjà fait et ce qu’Elle se proposoit encore de faire en levant les fermes préjudiciables et en restreignant les dépenses, et Surtout en ôtant tous les moyens de disposer des deniers publics Sans la connoissance du Magistrat, il imagina de les détourner de leurs opérations, dont il ressentoit déjà à Son particulier les effets, d’entreprendre cette Chambre Sur la forme des affaires, et en même tems Sur l’interêt personnel, comptant Surtout, que ce dernier moyen luy reüssiroit en se persuadant que l’interêt etoit le principal motif des actions des autres ainsy que des Siennes, il arrêteroit tout à coup les projets Salutaires de cette Chambre d’Economie, et à cette fin il proposa au Magistrat trois articles. Le premier concernoit uniquement la forme de la redaction des comptes, Le Second le retranchement des augmentations, et Le Troisieme la Juridiction de la Chambre d’Economie. Par le premier de ces articles proposés de la part de feu le S. de Klinglin, Son intention étoit, de faire oublier, du moins pour quelque tems, le fond par la forme, par le Second il esperoit de faire préférer l’interêt particulier à l’interêt public, mais il a vû que les Sentimens du Magistrat n’etoient pas les Siens, Et par le troisieme il cherchoit à se procurer le moyen de renverser et de contrecarrer toutes les déliberations Salutaires de la Chambre d’Economie par la pluralité des voix dont il se croyoit assuré en la Chambre des XXI en y portant toutes les déliberations oeconomiques. Il a échoüé dans toutes Ses vües pernicieuses, et la Chambre des (f° 20-v) XXI même, qu’il cherchoit à flatter par une authorité Superieure à la Chambre d’Economie, s’est bien donné de garde de donner dans cette ruse. Il fut donc arrêté Sur ce dernier article, que les résolutions et déliberations de la Chambre d’Economie Seroient portés aux trois Chambres Secrettes ; la raison en étoit bien palpable, puisqu’il n’etoit pas naturel d’exposer les Magistrats perpétuels à la décision des Conseillers biennaux Sur les affaires d’administration, dont les premiers restoient Seuls responsables. La Cour Sentit toute la justice de cet arrangement, puisqu’elle donna Sa confirmation Sur cet article dans Son Reglement du 28 Juin 1752. Mais quelle est là dessus l’ostentation audacieuse du S. de Klinglin, il ose dire que les projets d’economie de feu Son pere, qu’il avoit envoyés dans le même tems au Ministre, avoient été adoptés pour donner à la Ville le Reglement du 28 Juin 1752. il ose rappeller Sur ce la lettre du Ministre du 15 Janvier 1752. peut-on tomber dans une contradiction plus manifeste et plus absurde ? Le Reglement contient Sur le dernier article le contraire de Son projet, et le Lettre du Ministre fait voire, que l’on n’a eû aucune confiance à Ses Memoires en les renvoyant au S. Commissaire que le Cour avoit chargé de prendre des éclaircissemens Sur l’administration de la Ville de Strasbourg. des démarches aussi hardies aussi peu réflechies denotent, quel est le désordre de l’esprit quand il est bouleversé par des reproches intérieurs.
Les ruses n’ont pas moins parû dans le fond des affaires dans les derniers tems de Sa préture, ne voyant qu’avec dépit et mortification, que la Chambre d’Economie cherchoit à redresser les Tords, qu’il avoit faits à la Ville par nombre d’arrangemens, dont le Memoire le cite comme autheur, il n’abandonnoit la partie qu’à la derniere extremité et aprés s’être retranché en plusieurs façons pour ne ceder le Terrain que pied à pied. Sa conduite à l’occasion de la résiliation de la ferme generale de 1748 est singuliere.
Cette ferme, dont le profit et l’avantage vraisemblablement etoit revenu au S. de Klinglin Pere et Sur quoy les informations (f° 21-v) doivent donner des indications précises, à l’occasion de laquelle l’on fait l’aveu dans le memoire, qu’il a reçû une Somme de 60.000 lb, luy tenoit extremement à coeur ; il a usé de toutes Sortes de détours pour en empêcher dabord la résiliation, et n’y pouvant reüssir il s’est retourné d’un autre côté pour en retirer des avantages par forme d’indemnisation, Sous les noms empruntés des fermiers. La premiere Seance qui fut tenüe par la Chambre d’Economie est du 7 Mars 1750 où il fut question de restreindre la durée de la ferme, que le S. de Klinglin Pere malgré l’arrêté du Magistrat avoit prorogée à neuf années au lieu de Six.
En Second lieu de retrancher certains revenus et recettes particulieres, que le S. de Klinglin Pere de Son authorité avoit fait inserer dans le bail, et que le Magistrat n’avoit pas entendu y comprendre. Il fut présent à cette déliberation, et il dit que le raport des Deputés n’ayant que pour but de diminuer les dépenses superflües et d’améliorer les revenus de la Ville d’une maniere légitime, etant d’ailleurs à présumer, que dans les Circonstances présentes le fermier de la ferme generale pourroit être disposé ou à la lever entierement, ou au moins à l’arranger Sur un autre pied, il est d’avis de confirmer ce raport. Lorsqu’il fut question d’exécuter cet arrangement, en faisant venir le fermier, ce n’etoit plus le même, Le S. Ducré fermier originaire avoit cedé dés le 20 Mars 1750 tous Ses droits au S. Sadoul qui comparut le 7 May 1750 par devant les Deputés. Et ce n’est pas Sans raison que l’on avoit fait Substituer un autre fermier au moyen de cet acte de Cession, le premier n’etant pas assés ferme pour résister aux intentions du Magistrat l’on Substitua le S. Sadoul qui ne paroissoit pas devoir les mêmes considérations ; on luy notifia donc le résultat du Magistrat du 7 Mars. il produisit Son acte de Cession et refusa dabord de se Soumettre à la décision du 7 Mars. Mais aprés bien des negociations il déclara Sa résolution, qu’il etoit intentionné de rétroceder le bail de la ferme à la Ville, en (f° 22-v) cas que la Ville voulût luy laisser les droits de l’accise des viandes pour un canon de 25.000 lb et ce pour Ses peines et dédommagement. Les Deputés crurent devoir accepter cette proposition pour se libérer d’une ferme si ruineuse. Ils en firent leur raport à la Chambre d’Economie le S. de Klinglin Pere présent, qui dit, que ce changement de la ferme generale étant très avantageux à la Ville qui y profiteroit considerablement, il estimoit, que l’acte de Cession et le présent changement seroit à confirmer ; de telles declarations, faites par le S. de Klinglin Pere Sur les deux résolutions du Magistrat, Sont bien contraires à ce qui est dit dans le Memoire du S. de Klinglin fils. il n’est pas étonnant de voire Souscrire Si facilement le S. de Klinglin pere à ce dernier arrangement de la levée de la ferme, L’accise des viandes est un produit de prés de 60.000 lb que l’on abandonnoit au Soy disant fermier pour 25.000 lb, en quoy il retrouvoit un profit fort considerable.
Enfin la Chambre d’Economie travaillant sans relache au Bien de la Ville, et voulant la libérer d’une charge aussi onéreuse par l’abandon d’un produit si considerable, entreprit de faire renoncer le fermier à ce dernier avantage. Les Deputés firent Sur ce leur raport le 12 Juillet 1751 en concluant, que l’on devoit refuser au fermier la perception du droit d’accise des viandes. A cette proposition M. le Preteur present ne fut pas si facil à consentir, il allégua que l’honneur du Magistrat ne permettoit pas de rompre l’accomodement fait avec le fermier, et que c’etoit une question Si le Magistrat etoit fondé de le faire, ce qu’il détailla assés amplement dans son avis en concluant, qu’avant toutes choses l’on devoit apeller le S. Sadoul pour donner Sa déclaration. Les Registres de la Chambre donnent Sur ce les éclaircissemens les plus Singuliers. Enfin il fut résolu d’apeller le premier fermier le nommé Ducré, de même le Sous fermier le nommé Sadoul, et enfin un Troisieme qui paroissoit Sur la Scéne, le S. Daudet garde-magasin du grenier à Sel et titré dans le Memoire de la qualité de Secretaire du S. de Klinglin Pere, comme rétrocessionnaire du S. Sadoul. Ils parurent à la Chambre le 14 Juillet (f° 23-v) 1751 l’un aprés l’autre, et aprés s’etre renvoyé la Balle, le S. de Klinglin dit, qu’il falloit voire, comme on pourroit convenir avec le S. Daudet. Enfin le 19 Juillet de la même année le S. Daudet se désista de ses avantages pur- et simplement en présence de M. de Klinglin, ce qui fut accepté. C’est ainsy que se traita et termina la résiliation de la ferme generale, Les extraits des Registres Sont curieux à voire là dessus, et font la description de la façon, dont on a forcé dans tous Ses retranchemens le veritable fermier. C’est dans les mains du S. Daudet Son Secretaire, que se perdent les vestiges qui pourroient indiquer le fermier principal dans cette Entreprise.
Ces circonstances Sont directement contraires à ce qu’avance le S. de Klinglin fils Sur la résiliation de cette ferme, contraires au propre aveu et dire de feu Son Pere, le S. de Klinglin avoit tout le loisir de s’instruire de ce qui s’est passé, il a pris nombre d’Extraits Sur tout cela, il les a donc supprimés, et après il ose par un calcul erroné inculper là dessus dans le public le Magistrat avec les insinuations les plus fausses et les plus indignes.
Tout fut mis enfin en usage de la part du S. de Klinglin Pere pour faire diversion dans ces derniers tems extrêmement critiques pour luy, la désunion et la division entre les membres du Magistrat luy paroissoit le moyen le plus fort. il falloit pour fomenter et entretenir cette désunion choisir le Sujet le plus intéressant et le plus délicat. l’on souffla donc la guerre de religion. Toute la Ville de Strasbourg sçait de quelle façon cette affaire fut tramée, Les Registres du Magistrat n’en contiennent point de monument, parce qu’elle fut traitée à dessein prémédité de la part du S. de Klinglin extraordinairement. personne n’ignore, que c’est luy qui en a été l’autheur, de concert avec un fameux ex Jesuite rempli d’ambition, qui briguait la place d’un professeur en droit canon en l’université de Strasbourg. C’est par les conseils et en faveur de ce dangereux ami, qu’il entreprit de semer l’esprit de (f° 24-v) discorde dans le Corps du Magistrat, et dans le moment qu’il en fit la proposition aux Magistrats Catholiques et qu’il en donna communication aux Luthériens, l’artifice paroissoit reüssir, les esprits dans ce premier moment s’aliénerent, l’animosité et la passion paroissoient y entrer et l’on vecut dans la méfiance pendant quelques jours. Mais la réflexion ayant succédé aux premiers mouvements, l’artifice et la ruse furent découverts, les esprits se reünirent, et l’on continua de travailler au Bien commun avec toute la confiance et l’union imaginable. ils convinrent d’attendre tranquilement et paisiblement la décision de la Cour sur un point aussi délicat et important. Aprés avoir ainsy échoüé il a la mauvaise foy d’attribuer aux Luthériens des propos tumultaires, un esprit de révolte et de sédition, et les declarer ennemis particuliers de feu Son Pere.
Tels ont été les ressorts, que le S. de Klinglin Pere a fait jouer pour regagner une despoticité qu’il sentoit décheoir journellement par la fermeté du Magistrat à résister à ses vües et projets pernicieux, et à redresser les Tords que la Ville avoit Soufferts par Ses faits et Ses arrangemens qui n’avoient pour objet que son interêt particulier.
Dans le Troisieme Point le S. de Klinglin attaque la probité et le désinteressement du Magistrat. jusque là le S. de Klinglin pouvoit esperer de Surprendre la foy publique en faveur de feu Son Pere par le récit de fait Suposés, de faits alterés et dénaturés, le public n’etant pas informé par luy même des veritables circonstances pouvoit être induit en erreur. des ennemis prétendus, la reüssite de leurs complots raportés avec des circonstances de vraisemblance peuvent exciter sa compassion, et faire regarder ceux qui donnent au public une Justification, pour être plus malheureux que coupables. et ce n’est qu’en dévoilant la verité, que l’on peut convaincre le public, qu’ils ont merité les traitemens qu’ils essuyent ; mais dés qu’une personne en place est forcée d’avoüer un manque de désinteressement, dés la meme Elle devient odieuse au public, qui ne pardonne jamais ce défaut dans un chef. C’est là (f° 25-v) l’écüeil inévitable d’une pretendüe justification. le S. de Klinglin a Si bien Senti les conséquences d’un pareil aveu, que malgré tous les efforts qu’il a fait pour pallier des procedés de cette nature par des citations de Loix, d’exemple tiré de l’histoire romaine, d’attestation raportées dans un Sens pervers, il a désesperé neanmoins d’eviter Sur ce le blâme du public. Son imagination, épuisée là dessus, ne luy a fourni d’autre ressource que celle de chercher à partager tout l’odieux d’un pareil avec avec le magistrat, Soutenant qu’à l’exemple de ce que feu Son Pere a pratiqué pendant tout le tems de Sa préture, de prendre des présens considerables en toutes occasions Sur toutes Sortes d’affaires, hors les contentieux, tel etoit l’usage à Strasbourg, que tous les Membres du Magistrat ne se faisoient aucun Scrupule de Suivre. Il ajoute à l’article des fermes et Baux des revenus de la Ville les circonstances les plus ridicules et insensées, il soutient les principes les plus irréguliers en disant, que les fermes ne se donnent qu’à des personnes du Magistrat, que l’on ne peut par conséquent en faire les enchéres au plus offrant et dernier enchérisseur, qu’aprés les Baux les fermiers vont faire leurs remercimens aux Chefs du Magistrat, et qu’en même tems ils font les présens qu’ils ont destinés aux uns et aux autres.
Pour soutenir des propositions Si indignes et Si répugnantes à la droiture et à l’integrité, il ose Se prévaloir d’un Statut de la Ville de 1482 pour en induire, que la prohibition de recevoir des présens, portée par les statuts, est restreinte aux Seules affaires contentieuses et qu’en toute autre les présens sont tacitement authorisés. il soutient qu’il a produit dans le procés un acte de notorieté de la Ville de Strasbourg Signé du Stettmeistre Regent, qui atteste l’usage des présents. Il se prévaut de nombre d’Extraits des Registres publics des differentes Tribus de la Ville de Strasbourg. Enfin, ce qu’on ne s’imagineroit jamais, il prétend authoriser la réception des présens par la Capitulation de la Ville de Strasbourg.
L’honneur du Magistrat exige de réfuter ces (f° 26-v) propositions et d’en faire connoitre la fausseté. Le Magistrat Soutient donc, que non Seulement tel n’est pas l’usage de recevoir des présens, Bien plus, que la réception en est expressement défendüe par Ses Statuts en toutes sortes d’affaires de justice, police, finances, administration et Elections à tout le Corps du Magistrat en général, à chaque Chambre ou Département en particulier, même aux officiers et Employés les plus Subalternes. Ces deffenses comprennent les affaires contentieuses et gratieuses telles qu’elles puissent être, et le Magistrat n’hesite pas de dire, qu’il n’auroit jamais manqué de réprimer les contraventions qui Seroient parvenües à sa connoissance et qui auroient été de sa compétence et juridiction.
Pour être convaincu de la disposition des Statuts de la ville de Strasbourg, il n’y a qu’à y jetter les yeux, et l’on y verra dans le formulaire de Serment que l’ammeistre regent est tenu de prêter le jour de Son Election, il y est dit en termes formels :
« aucun ammeistre Soit nouvellement élû ou ancien, qu’il siége au Senat ou non, tant qu’il est bourgeois et domicilié à Strasbourg, ne prendra en aucun tems, de qui que ce Soit, aucun don ni rétribution, à peine d’amande, de parjure, de la privation de l’Echevinat et d’un exil de 5 ans ».
Les reglemens pour les Chambres des XIII et des XXI se raportent à celuy fait pour les ammeistres et contiennent les mêmes dispositions Sans faire de distinction entre les affaires gratieuses et contentieuses. Il est commis particulierement à la Chambre des XV de veiller à ce que les Subalternes Officiers et Employés ne contreviennent à ces deffenses. Enfin toutes les provisions, que le Magistrat donne à Ses officiers et employés contiennent nommement des prohibitions. Ces Statuts sont conformes aux Loix les plus anciennes et les plus respectables. Le droit Romain contient les mêmes dispositions. Les Loix Julia Repetundarum au Digeste Liv. 48 Tit. 11, Celles de ambitu au Digeste Liv. 48 Tit. 14 (f° 27-v) sont bien distinctes là dessus, elles ont pour Base l’integrité, la bonne foy et le désinteressement, qualités si nécessairement requises dans les chefs et préposés des Corps des Communautés et des Villes.
Il est vray, que dans le Traité conclû entre la Noblesse et la Bourgeoisie de la Ville, dont le S. de Klinglin veut se prévaloir, il est dit, que les assesseurs du Sénat nobles et plebeyens ne prendront aucuns dons, présens ni retributions, à peine de parjure tant qu’ils Seront au Senat, clause que l’on ne voit pas dans les Reglemens faits pour les XIII et les XV, mais c’est une illusion de vouloir en tirer la conséquence, que les présens ne Sont prohibés que dans les affaires contentieuses. le motif de cette Loy est bien Simple à découvrir.
Les Stettmeistres, ammeistres, XIII, XV et XXI sont perpétuels, et à ceux cy l’acceptation des présens est interdite pour toujours Sans distinction ni restriction, au lieu que Ceux, qui composent le Senat, n’y Siégent que pendant deux ans, au bout desquels tous, S’ils ne reünissent pas en leurs personne une des cinq qualités Susdites, redeviennent Simples bourgeois et n’ont plus aucune liaison et communication avec le Magistrat, ni par conséquent d’obligations envers luy, que celles, auxquelles ils Sont tenus comme bourgeois, il est donc naturel de ne leur deffendre les présens que pendant le terme de deux années qu’ils Siégent au Senat, deffense, qui ne comprend pas moins indistinctement pour le dit tems toutes Sortes de présens, et dont la restriction ne peut tomber que Sur la durée de leur caractere.
Si les Loix et les statuts sont si severes contre chacun des membres du Magistrat qui recevroit des présens, à plus forte raison doivent-elles l’être contre un chef, qui par Son exemple principalement doit Soutenir la manutention des Loix. En effet Si l’acceptation des présens étoit tolerée, quelles consequences, quelle deprédation n’y auroit-il pas à craindre. L’on a vu les funestes effets de pareils principes mis en pratique de la part des S. de Klinglin. Voilà l’interprétation, que la bonne foy et l’integrité des Chefs donnent à des Loix si Sages, Si précises et si prévoyantes ; et ce n’est (f° 28-v) point en épiloguant, comme l’autheur du Memoire, que l’on intervertit le Sens et l’esprit des Loix.
Il n’est pas croyable, que les actes de notoritété de differentes Villes Imperiales Sur l’usage des presens, que le S. de Klinglin dit avoir joints au procés, aient été donnés dans le sens qu’il leur attribüe. Les Magistrats qui les ont Signés, doivent être scandalisés de l’usage qu’il a entendu en faire, et il n’est pas permis de leur imputer, qu’ils aient entendu les donner pour authoriser la réception de présens en matiere d’administration de deniers publics, tels les baux, fermes et autres affaires de finances.
Il y a lieu de présumer qu’il en est de même de l’attestation Signée d’un Stettmeistre Régent, qui doit attester l’usage des présens en la Ville de Strasbourg. L’on ignore de la part du Magistrat le nom et l’existence de cet acte de notoriété, il a été donné à Son insçu, et le Magistrat doit le désavoüer icy, c’est une surprise honteuse, Sa représentation fera connoitre, quel en est le veritable Sens et quelle a été la manoeuvre pour se le procurer.
L’on peut se prévaloir encore des déclarations des temoins oïs en l’information, contenües dans les confrontations faites avec les S. de Klinglin, que tel etoit l’usage des présens ; cela ne dit au plus, que ces présens ont été faits : mais cela n’en prouve pas la légitimité. bien au contraire il n’est pas douteux, que Si ces temoins s’etoient declarés Sur ce qu’ils pensent de la nature de ces présens et de cet usage uniquement exercé par le S. de Klinglin, ils auroient été obligés de convenir, qu’ils les ont toujours regardés comme illégitimes, et comme un abus intolerable l’usage que le S. de Klinglin en faisoit.
Pour comble de mauvaise foy il paroit que l’on veüille se jouer de la maniere la plus indécente d’un titre sacré respectable et auguste en réclamant la capitulation pour légitimer les exactions de feu le S. de Klinglin.
(f° 29-v) Quand on voudroit même accorder, ce qui n’est pas, qu’avant et après la Capitulation on eut fait des présens aux Chefs du Magistrat pour des Charges ou pour des ventes Baux ou adjudications des biens de la Ville, c’etoit un abus qui meritoit d’etre réprimé ; mais l’intention du Roy en prenant la Ville Sous Sa protection, ni celle du Magistrat et de la Bourgeoisie en s’y Soumettant, n’a certainement jamais été de Stipuler la tolérance d’un abus Si dangereux. Ce seroit le vray moyen de démériter les graces du Souverain et de perdre Ses privileges en se prévalant de la Capitulation pour mettre le desordre et le dérangement dans les finances de la Ville. A quoy peuvent Servir tous les Certificats mandiés des Villes Imperiales par le S. de Klinglin ? n’etoit-il pas l’homme du Roy nommé par sa Majesté pour le Bien de Son Service et celuy du public ? Et pourra-t’il dire, que l’intention de S. M. a été de l’authoriser à prendre des présens dans les Elections, dans les fermes, dans les aliénations, et le magistrat ne peut-il pas dire avec confiance, que Sa volonté a été, qu’il se conformât aux mêmes regles auxquelles Sont astraints tous les Commissaires du Roy, auxquels il se compare dans Son Memoire.
L’on confond à cette occasion, parmi les exactions et concussions de feu le S. de Klinglin, les gratifications, dons gratuits et recompenses, que donnent les Corps de Tribus aux Chefs qui leur Sont préposés par le Magistrat. c’est un des traits les plus envenimés de la vengeance, que l’autheur du Memoire cherche à exercer contre les membres du Magistrat. Ils peuvent et doivent se justifier là dessus à tous égards. Les Tribus Sont des Communautés qui ont chacune leur hôtel ou maison commune, leurs revenus principalement consistent dans ce que l’on retire des réceptions de Maitrises et amendes, qui Sont employés aux dépenses necessaires et indispensables pour le Bien et Soutien de la Communauté, tels que l’entretien de la maison (f° 30-v) commune, les frais d’assemblée, les gages des valets et autres ; Elles ont pour cela une Bourse commune de laquelle on tire ces dépenses. Les Comptes Sur cette régie sont alloués et arrêtés annuellement par les quinze Echevins et le Chef de la Tribu Sans que le corps du Magistrat y ait la moindre inspection. c’est une gestion et une administration qui ne concerne absolument que les Tribus, qui ont pleine faculté de disposer de leurs revenus, de sorte que ce ne sont point des deniers patrimoniaux, mais des deniers apartenans à des Corps de metiers, dont les preposés ont Seuls la gestion et l’administration. Lors de l’Evenement d’un nouveau Chef La Tribu à Sa réception luy fait un don de peu de valeur, ce que les extraits des Registres des Tribus justifient. dans d’autres occasions, où le Chef s’est employé extraordinairement pour le Bien de la Tribu, il en reçoit une mediocre gratification et récompense, et il y en a d’autres où on cherche à luy procurer quelques douceurs.
Voilà les Seuls émolumens, que les preposés des Tribus reçoivent de la Communauté à laquelle ils président. Ces dons et ces gratifications Sont purement volontaires, et tiennent lieu de salaires et d’emolumens ordinaires dont la Magistrat n’a jamais pris connoissance, parce qu’il n’entend pas les comptes de ces Sortes de gestions. Tels Sont les présens que les tribus ont fait au S. de Klinglin fils lors de Son mariage. Ces dons et ces gratifications peuvent et doivent-elles être comparées à des exactions et concussions, qu’un administrateur des Biens communs a le Secret de tirer et de mettre à profit, ez occasions où il s’agit d’affermer les revenus d’une Ville et de distribuer au merite les Employs et les dignités.
Pour imposer Silence la dessus la plus Simple des questions doit embarrasser le S. de Klinglin. on luy demande, Si le cas Se présentoit à Sa décision, qu’un Tuteur ou un Curateur en affermant le Bien de Son pupille ou mineur avoit retiré des épingles ou présens du fermier ou Locataire, quel Seroit Son Jugement Sur le gestion de ce Tuteur ? L’on ne croit pas, qu’il puisse l’aprouver : au contraire à moins d’intervertir tout l’ordre des Loix, Ce (f° 31-v) Tuteur infidel meriteroit punition. tel est le Cas où s’est trouvé la S. de Klinglin Pere, les présens, qu’il a reçûs à l’occasion des fermes de la Ville, Sont autant de diminutions Sur le canon, par conséquent autant de pertes pour la Ville. Un chef Sur la Seule proposition d’un fermier de luy donner un present, doit le renvoyer à faire une meilleure condition à la Caisse commune.
Enfin quoi qu’il Soit presqu’impossible de croire, que les présens, que feu le S. de Klinglin tiroit à l’occasion des fermes de la Ville et des Elections eû égard à leur valeur considerable, n’ayent été précédés d’aucun pacte ni convention, Surquoy les informations doivent donner des éclaircissements, et qu’ils n’aient été que purement volontaires, en les Suposant donc dans le cas le moins défavorable où il les met luy même, toujours Seroit une espece de concussion ex Lege julia repetundarum Si qui Magistratus, aut in officio publico quid acceperit, quod magis aut minus quid ex officio faceret. L. 4 ad Leg. Jul. repetundarum. peut-on croire, qu’un Chef qui espere des présens de conséquence ne donne la préférence à ceux qui les luy font, et qu’il admette indifferemment aux fermes toutes Sortes de personnes, de même dans le remplacement des offices ? Voilà ce qui s’apelle accipere quid in officio quod magis aut minus quid ex officio faceret, la Loy condamne ces sortes de procedés : aussy pour ne pas se déceler cette préférence, il hazarde d’avancer, que tous les membres du Magistrat peuvent s’interesser dans les fermes de la Ville, et qu’en 1748 un des Membres du Magistrat s’étoit rendu adjudicataire.
L’on ne connoit point au Magistrat cette maxime, au contraire l’on peut faire voire par ce que portent les Statuts et les ordonnances de la Ville à l’egard des Directeurs d’administrations particulieres, des Subalternes chargés de veiller à la regie des Biens et revenus de la Ville, quelle est la regle là dessus au Magistrat. L’on produit icy deux extraits de Reglemens, l’un fait pour toutes les Directions en general, l’autre pour les Trois Receveurs de la Tour aux pfennings.
Dans le premier il est deffendu aux Directeurs des fondations, de ne rien acheter, prendre à Bail, ni autrement, de tout ce qui apartient aux fondations dont l’administration leur est confiée.
Dans le second il est interdit aux Trois de la Tour aux pfennings de ne donner en Bail à aucun d’entre Eux ni à Ceux qui Sont engagés à la Tour aux pfennings aucune Isle, forêt, ou autre chose (f° 32-v) quelconque, qu’ils ont coutume de louer de la part de la Ville.
Il n’y a pas de reglement pour les Membres du Magistrat, mais la Justice veut, que ce qu’ils enjoignent là dessus aux autres Soit religieusement observé de leur part. Cette maxime est conforme au droit commun, et particulierement enjointe par les ordonnances royaux ; par Arrêt du Conseil d’Etat du 16 février 1683 il est très expressement deffendu à tous officiers des Corps de Ville, même aux greffiers commis, huissiers, Sergens et autres, de se rendre adjudicataires des fermes desd. Corps et Colleges, dont ils sont officiers directement ni indirectement par Eux ou par personnes interposées aux peines portées audit arrêt. Par autre arrêt du Conseil Souverain d’alsace du 26 aout 1713 il est fait deffense aux Juges de ressort de tenir fermes quelconques directement ou indirectement dans l’etendüe de leurs juridictions sous peine de privation de leurs offices et d’amande arbitraire.
Le S. de Klinglin ne peut ignorer ces arrêts, ils sont connus dans la province : on ne pense pas non plus, qu’il veüille Soutenir, que ces arrêts de Sçauroient avoir lieu à Strasbourg ; car loin de renfermer aucune disposition contraire à Ses privileges, ils s’accordent parfaitement avec Ses us et coutumes. On peut donc dire avec verité, qu’il manque de prudence et de principe en Soutenant qu’il faut de toute nécessité, que des Membres du Magistrat S’intéressent dans les fermes de la Ville. et pour donner un air de vraisemblance à une proposition aussi rejettable, il ose avancer, que dans la derniere ferme un des membres du Magistrat s’en est rendu adjudicataire, et pour le prouver, il a produit au procés le Bail. C’est contre toute verité qu’il donne à ce fermier la qualité de Membre du Magistrat, Ce fermier est un nommé Ducré, qui cy devant a Siégé au Grand Senat en qualité d’assesseur biennal, et qui aprés ces deux années a rentré dans Son etat de Simple bourgeois comme on l’a observé cy devant ; ce qui a donné lieu au S. de Klinglin d’avancer, que c’est un Membre du Magistrat, c’est qu’ordinairement l’on donne le Titre d’Exsénateur ou ancien Conseiller à Ceux qui cy devant ont été revêtus de cette dignité : Mais dans le fait il est vray, que lors de la ferme il y avoit longtems qu’il ne Siégeoit (f° 33-v) plus au Senat. Voilà comme le S. de Klinglin cherche à Surprendre la religion du public.
Le S. de Klinglin fait comparaison dans son Memoire du titre de preteur royal en la Ville de Strasbourg et de Ses fonctions avec celles des Commissaires départis dans les provinces, En Suivant cette comparaison osera-t’il Soutenir, qu’il est permis aux Srs Intendans des provinces, dans les fermes et Baux qu’ils font pour le Roy, de prendre des gratifications et présens des fermiers, dans les marchés qu’ils font pour le Service du Roy, de recevoir des gratifications des Entrepreneurs en passant les regles de l’Enchere au plus offrant, la forme des adjudications au rabais : de recevoir des rémunerations de ceux qui par leur authorité ont été pourvûs et installés dans des places, fonctions et offices de Magistrature et autres. L’on ne peut croire, qu’il puisse leur attribuer une pareille étendüe d’authorité, bien moins encore des faits ; et neanmoins feu Son Pere Suivant Son propre aveu s’est prévalu de Sa Commission pour faire ces exactions et concussions au détriment de la Ville en recevant dans les fermes, dans les marchés qu’il a fait faire, dans les ventes des Immeubles, et lors des Elections, des présens d’une valeur considerable, qui par là même présupose des pactes et des conventions précédentes.
Tels Sont les principaux points Sur lesquels le Magistrat a été diffamé par le Memoire du S. de Klinglin. Telles Sont les raisons et les moyens pour y répondre, ainsy qu’à une infinité d’autres faits Suposés et imaginés contre l’honneur et la réputation du Magistrat.
Second chef de demandes contenües en la lettre écrite au Ministre au Sujet des demandes en restitutions contre la Succession.
L’aveu du S. de Klinglin Sur les présens, que feu Son Pere a reçus, et nombre d’autres faits passés durant Sa Préture, donnent au Magistrat les moyens de former une demande en restitution contre Sa Succession. Mais avant que de détailler les faits et les moyens, il est indispensable de faire préliminairement un récit fidel de tout ce qui s’est passé Sous la Préture de feu le S. de Klinglin Pere, même de reprendre les anecdotes de plus loin, pour faire connoitre l’esprit dans lequel il a toujours agi : quels ont (f° 34-v) été Ses sentimens et sa conduite dans les fonctions qui luy ont été confiées par la Cour. Ce récit contribüera beaucoup à éclaircir les faits et les moyens du Magistrat pour fonder Ses demandes en restitution.
La Ville de Strasbourg autrefois Etat immédiat de l’Empire, joüissante pleinement de tous les droits de Supériorité Territoriale, même avant que le Traité de Paix de Westphalie l’eût Solennellement assurée à toutes les Villes Libres et immédiates de L’Allemagne, étoit en Si grande réputation parmi Ses voisins, que nos Rois mêmes daignerent contracter des alliances avec Elle, et la traiter de République alliée à la Couronne. Elle sçut se maintenir dans ce degré de consideration pendant la guerre de Trente ans, dans laquelle Elle eut l’honneur d’etre comprise au nombre des alliés de la France et de la Suede. Mais les Circonstances des Troubles qui précederent le Traité de paix de Nimegue, dans lesquelles Elle avoir crû devoir ambrasser la neutralité, luy ayant fait connoitre le danger de Sa position, et combien il etoit difficil de rester dans les bornes d’une exacte neutralité Sans offenser ni l’une ni l’autre des Puissances en guerre, et prévoyant d’ailleurs, que tôt ou tard Elle seroit obligée de prendre un party, Elle préféra celuy de Se mettre Sous la protection de la France, pour joüir Sous Sa domination d’une tranquilité qu’Elle ignoroit jusqu’alors, et qu’Elle ne pouvoit se procurer que par là.
Le Roy eû égard à Sa Soumission volotaire luy accorda en 1681 une capitulation, par laquelle Sa Majesté en confirmant à la Ville tous Ses anciens privileges, droits, Statuts et coutumes, luy assura en même tems le libre exercice de la Religion et la joüissance des biens Ecclesiastiques conformément aux Traités de Münster Sur l’Epoque Decrétoire de 1624, confirme le Magistrat dans son Etat et dans tous Ses droits de juridiction, luy laisse l’administration des domaines, droits et revenus de la Ville et de Ses dépendances et exempte enfin la Bourgeoisie de toutes contributions et autres payemens.
Pour meriter de plus en plus ces graces, La Ville et le Magistrat ont depuis leur Soumission jusqu’à ce jour donné Sans cesse des marques de leur zele et de leur attachement, et Sa Majesté aujourd’hui regnante a bien voulu, tant à Son avénement à la Couronne qu’en plusieurs autres (f° 35-v) occasions, confirmer à la Ville un Titre Si cher et si prétieux, qui fait la Base de Son bonheur et la distingue de toutes les autres Villes du Royaume.
Dès que le Roy eut pris possession Sa Majesté trouva qu’il etoit de Son interêt d’y établir de Sa part un Syndic avec pouvoir d’assister à toutes les assemblées du Magistrat et de tenir la main, à ce qu’il ne s’y passe rien contre Son Service et le bien public. Elle jetta Ses vües Sur le S. Güntzer, qui lors de la Soumission avoit porté la parole au nom du Magistrat. Elle le pourvut de cette Charge par Brevet du 9 octobre 1681, mais Cet officier Royal n’ayant que voix consultative, Sa Majesté jugea à propos d’en commettre un qui eût aussy voix délibérative. Pour cet effet Elle créa en 1685 la Charge de Preteur Royal, et en pourvut le S. Obrecht, avec pouvoir d’assister à toutes les assemblées, et de juger et terminer conjointement avec le Magistrat toutes les affaires généralement quelconques, Sans toutefois que cette charge puisse préjudicier à celle de Syndic Royal.
Par l’etablissement de ces deux offices, dont l’un etoit indépendant de l’autre, Sa Majesté avoit suffisament pourvû à tout ce qui pouvoit intéresser Son Service, le bien général de la Ville et l’interêt des particuliers. Toutes les affaires étoient proposées par le Syndic du Roy, examinées par les Deputés et decidées par le Préteur Royal et par le Magistrat ; les deux officiers Royaux étoient en relation directe avec la Cour pour luy rendre compte de toutes les délibérations et résolutions importantes, Et par cet Equilibre de pouvoir L’un ne pouvoit rien entreprendre Sur les fonctions de l’autre, il y avoit très peu de plaintes, et aucune Sur l’usurpation d’une authorité poussée à l’excés. La justice etoit observée en tous points, Les charges et les Employs conférés au merite, les Suffrages libres, les adjudications etoient publiques et les marchés conclûs avec ceux qui faisoient les meilleures conditions à la Ville, Sans qu’il fût jamais question d’epingles, présens, gratifications ou reconnoissances pour aucun des chefs du magistrat, et les revenus de la Ville étoient Si bien administrés, que malgré l’Epuisement de Ses finances, dans lequel Elle s’est trouvée lors de Sa soumission, on trouvoit des ressources pour (f° 36-v) Subvenir par des dons gratuits aux besoins de l’Etat.
Les choses restèrent en cet etat pendant tout le tems, que le S. Obrecht faisoit les fonctions de préteur Royal et que les S. Güntzer et Jean Baptiste Klinglin Son Successeur, précédemment avocat general de la Ville, remplissoient celles de Syndic pour le Roy.
Le S. Obrecht étant mort en 1701, la charge de Préteur Royal fut conférée à Son fils, homme capable qui se seroit Soutenu dans ce poste S’il avoit eû autant d’Experience du monde que de bonne foy et de probité ; il fut obligé d’envoyer Sa démission en 1706. le Roy nomma à sa place le S. Jean Baptiste Klinglin et donna la Charge de Syndic vacante par cette nomination au S. Hatzel, qui n’en eut dans la Suite que le nom sans en faire les fonctions. En effet ce dernier ayant été employé pendant la guerre à différentes négociations et voulant rentrer après le traité de Baden dans les fonctions de Sa Charge, il trouva des contradictions, il fut révoqué de cet office Sous prétexte d’incompatibilité de sa Charge de Syndic avec celle de Grand Bailif de la Préfecture d’Haguenau, et la Charge de Syndic pour le Roy fut conférée au S. Billerey, qui mourut après une année révolüe. depuis de tems cet office ne fut plus remplacé.
Par l’éloignement d’un Syndic le S. Jean Baptiste Klinglin se trouva pendant tout le tems de Sa préture le seul homme du Roy à la tête de la Ville de Strasbourg ; il remplit les fonctions de Sa Charge avec distinction, Ses talens, Son aplication, et Son zele luy mériterent une aprobation generale. mais la Suspension de la Charge de Syndic luy procura le moyen d’acquérir une authorité presqu’absolüe dans le Magistrat ; il n’en abusa pas à la verité au détriment de la Ville, mais il jetta par là les premiers fondemens d’un pouvoir, qui est devenu despotique Sous la préture de Son fils. Il mourut en 1725 et le S. de Klinglin dernier mort luy Succéda en vertu d’un Brevet de Survivance, que son Pere avoit obtenu pour luy en 1722.
Dans les premieres années il Suivit assés le plan de conduite qui luy étoit tracé par feu Son Pere, mais Son ambition démesurée et Sa cupidité de Bien pour Soutenir un penchant insurmontable pour le faste (f° 37-v) et le luxe ne luy permirent pas de Se tenir dans les bornes du pouvoir que sa Majesté luy avoit confié. Il ne songea donc qu’à affermir et étendre Son authorité, persuadé qu’il y trouveroit les moyens de Satisfaire Ses passions.
Pour parvenir au point à ne pas craindre ni essuyer de contradictions et à gouverner tout à Sa volonté, il s’est donné tous les mouvemens imaginables durant Sa Préture, pour que la Charge de syndic ne fut pas remplacée. Et il a Saisi avec avidité les occasions par une vengeance toujours outrée de donner des exemples de mortifications à ceux qu’il soupçonnoit luy être contraires ou n’être pas de son Sentiment en tous points pour intimider par là tous ceux qui étoient Sous Ses ordres.
Il voyoit en effet dans la personne d’un Syndic un rival dangereux, qui en partageant Son authorité ne condescendroit jamais à Ses projets pernicieux, à moins que de s’exposer luy même de se rendre responsable. En 1734 le motif, qui luy faisoit tant désirer la Suspension de la Charge de Syndic, se manifesta. Le S. de Klinglin contre toute regle de justice avoit imaginé de s’aproprier au préjudice de la Ville une de Ses plus belles terres moyennant un échange, qui effectivement eut Son effet ; dans le même tems le S. Hatzel se flatoit, que Ses Services rendus à la guerre d’alors pourroient luy valoir des récompenses : il demanda le rétablissement dans la charge de Syndic. il fut écouté favorablement, la Lettre du Roy étoit déjà expédiée quand le S. de Klinglin vint à Paris encore assés à tems pour traverser ce dessein et engager M. de Cardinal de Fleury à faire Suprimer cette Lettre Sous differens prétextes, mais dans le fond parce qu’il craignoit luy même d’être traversé par le S. Hatzel dans l’Echange qu’il avoit projetté, et voyant que Son Eminence vouloit du bien au S. Hatzel, fertil en expediens il en Suggéra un qui paraissoit pouvoir contenter le S. Hatzel. c’etoit de luy rendre en entier les apointemens de Syndic pour le Roy Sans qu’il luy fût permis d’en faire les fonctions, et de luy en faire même payer les arrérages pour dix-sept années. par cet arrangement il n’en couta qu’à la Ville, qui ne retiroit aucune utilité des Services du S. Hatzel, et le preteur Se vit à même d’exécuter Son projet d’échange.
On voit par l’Extrait des Registres du Magistrat (f° 38-v) combien l’éloignement du S. Hatzel tenoit à coeur au S. de Klinglin qui ne dissimule point dans Son discours au magistrat, que cette affaire l’avoit occupé tout entier. En confrontant les dates et en combinant les Epoques, l’on découvre quel etoit le motif principal du S. de Klinglin, l’ordre du Roy de payer les gages du Syndic en entier au S. Hatzel est du 12 Mars 1735, et les lettres du Ministre à M. de Marechal du Bourg et au Magistrat au Sujet dudit Echange sont du 25 du même mois et Seulement posterieures de treize jours.
Le S. de Klinglin s’est donné les mêmes mouvemens à la mort du S. Hatzel arrivée en 1746. il eut de nouvelles inquiétudes Sur le remplacement de cet office, il engagea le Magistrat de demander au Roy la Supression de cette charge, mais Sa Majesté ne jugea pas à propos d’accorder cette demande, Elle se contenta d’en ordonner Simplement la Suspension, et connoissant l’importance de cette place pour Son Service, Elle se réserva expressement en l’article 22 de Son Reglement du 28 Juin 1752 le rétablissement de cette charge quand Elle le jugeroit à propos. Le Magistrat avoit demandé précedemment en 1751 le rétablissement de cette charge, par la nécessité qu’il voyait d’éclairer les actions du S. de Klinglin.
Un second motif pas moins important pour le S. de Klinglin a été, qu’au défaut d’un Syndic il Seroit guéres possible à ceux qui auroient de justes griefs et plaintes à porter contre luy, de les faire parvenir à ceux qui auroient pû y remedier, et Sur lesquels il etoit bien difficil de délibérer, à moins de s’exposer aux vexations du S. de Klinglin, qui traitoit de cabale et de faction les entretiens, que quelques membres du Magistrat pouvoient avoir à Son Sujet. Et quoiqu’une partie du Magistrat eut tenté en differens tems de porter des plaintes, le S. de Klinglin en prévenant a Sçu toujours par Ses ruses et Souterrains les éloigner, même les faire rejetter à la mortification de ceux qui les avoient portées. Notament en 1740 M. l’Intendant se chargea de faire passer à M. le Marquis de Breteuil le Memoire que quelques membres du Magistrat avoient dressé entr’Eux pour (f° 39-v) réformer les abus, et introduire un meilleur ordre dans l’administration des revenus de la Ville, Et en 1741 quand la Chambre des XV entreprit de délibérer en l’absence de M. le Preteur Sur l’exclusion à donner à la prochaine Election d’un ammeistre à tous ceux qui ne Seroient pas Magistrats perpétuels, pour ne pas causer à la Ville une nouvelle dépense par l’Election d’un Echevin, qui eût été un Second Surnuméraire dans le Corps de la Magistrature, ce fut Sans avoir le Succés désiré, La premiere tentative ne reüssit qu’en partie, et la Seconde fut desaprouvée par la Cour. Le S. de Klinglin Sçut éluder les Suites de la premiere par ce qui est dit dans le memoire du S. de Klinglin fils, et Sur la Seconde en prévenant la Cour il a eû le Secret de luy donner les couleurs les plus odieuses en traitant cette assemblée de tumultuaire et clandestine, tandis que l’intention de cette Chambre n’avoit pour objet que le bien de la Ville, Surquoy ce Dicastere s’est justifié par un memoire à la Cour.
Le Second moyen que le S. de Klinglin a employé en nombre d’occasions pour affermir Son authorité, c’est qu’etant Seul à la tête du Magistrat il a donné toutes Sortes de mortifications à ceux qui luy paroissoient contraires. Il y a nombre d’exemples de vengeance de Sa part tant contre des Membres du Magistrat en particulier, que contre des Départemens de ce Corps. L’on vient d’en citer, et l’on en a cité cy dessus de differente nature.
C’est donc principalement la Suspension de la charge de Syndic, qui a facilité au S. de Klinglin les moyens de se rendre maitre absolu des affaires de la Ville et de faire un abus illégitime de Son authorité. il seroit même permis de dire, qu’un Syndic auroit prévenu par Sa Seule presence tous les désordres qui sont arrivés. Avec un tel pouvoir il a tout osé entreprendre, les fermes et les adjudications ne se faisoient qu’en faveur de ceux qu’il avoit choisis et desquels il étoit assûré de tirer des rétributions, il ne traitoit pour les Marchés que la Ville faisoit, qu’avec les personnes qui luy faisoient personnellement les meilleures conditions. Les aliénations se (f° 40-v) passoient avec ceux qui luy en donnoient des gratifications. Les offices, dignités et les Employs du Magistrat n’etoient donnés qu’aux personnes, dont la reconnoissance réelle luy étoit assurée. Il étoit le dispensateur des graces, et le maitre absolu de toutes les promotions. Son credit, Son authorité et Son pouvoir ne s’etoient pas peu accrûs par le mariage de Sa Soeur avec feu le Marechal du Bourg ; car quoique ce Gouverneur fût intègre juste et rigide, et qu’il n’eût favorisé aucun des desseins pernicieux de Son beau frere, Cette alliance donnoit cependant beaucoup de relief au S. de Klinglin et retenoit ceux qui de tems à autre auroient eû lieu de se plaindre ou de s’opposer à Ses volontés.
L’on passe au récit des faits et des Evenemens, qui se Sont passés Sous la préture du S. de Klinglin et qui luy ont attiré les recherches de la part de la Cour par les Commissions envoyées en 1752 à Strasbourg.
Dés l’année 1728 trois ans après qu’il fut installé dans la charge de Preteur, il fit connoitre quels étoient Ses sentimens Sur les affaires d’administration, et que les adjudications publiques ne quadroient pas avec Ses vües. Car l’Entrepreneur de la fourniture des lits pour les troupes dont la Ville est chargée, ayant demandé d’une prolongation de Son bail, et les deux avocats generaux de la Ville ayant opiné, qu’il Seroit peut être plus avantageux de procéder à une nouvelle adjudication au rabais, dans l’esperance d’en ameliorer les conditions, M. le Preteur Royal fut d’un avis contraire et le bail fut continué à l’Entrepreneur sur le même pied.
Mais pour fixer précisement l’Epoque du desordre et des abus, qui se Sont glissés dans l’administration des Biens et revenus de la Ville par le fait du S. de Klinglin Pere, et qui ont occasionné le dérangement de Ses finances, il ne faut rappeller les faits que depuis 1730.
En cette année le S. de Klinglin conçut le projet d’affermer la totalité des revenus de la Ville, ce projet pouvoit être bon ; il n’est pas douteux, que dans une regie aussi étendüe il ne se glisse des abus malgré toute la vigilance et l’attention des chefs. Il falloit commencer par remedier à ces abus, et proceder en regle à une adjudication par des affiches et des publications, (f° 41-v) ainsy que cela fut proposé par un des avocats de la Ville, mais cette omission fit juger, qu’il y avoit eû de la collusion, et donna lieu à des memoires anonymes, qui furent envoyés à Mgr. le cardinal de Fleury.
Il y a plusieurs circonstances qui forment des présomptions valans preuve, que le S. de Klinglin Pere a eû part à cette ferme. Dabord il rejetta les affiches publications et adjudication au plus offrant et dernier Enchérisseur, Sous prétexte que les adjudications étoient odieuses et Sujettes à bien des inconveniens.
L’avocat de la Ville avoit ouvert Son avis Sur la durée de cette ferme pour trois ans, le S. de Klinglin la mit à Six.
pendant la durée de cette ferme le S. de Klinglin à la tête des arbitres choisis par le bail pour terminer les differends qui pourroient Survenir entre la Ville et le fermier chercha à favoriser ce dernier.
Dabord il fit naitre la question de vendre les vins de la Ville au fermier Sous differens prétextes, dans le raport qui en fut fait les Deputés de l’avis du S. de Klinglin paroissoient incliner à laisser au fermier les vins vieux à raison de 3 lb et les nouveaux à 36 s. L’avocat de la Ville Soutint, qu’il étoit informé que les vieux vins valoient 4 lb et les nouveaux 40 s. nonobstant ce le S. de Klinglin les fit adjuger Sur le pied proposé.
Par cet arrangement la Ville perdit 8000 lb et dont le fermier profita, puisque la quantité de vin vieux montoit à 7025 mesures et du nouveau à 7022 mesures.
Peu de tems aprés il étoit question de Sçavoir, qui payeroit les droits et émolumens dûs aux Directeurs de la Doüane, et aux deux Secretaires de la Chambre des XV, Si cette dépense devoit être à la charge de la Ville ou à celle du fermier ; elle devoit tomber Suivant les termes du bail sur le fermier, par la raison, que les revenus de la Ville n’avoient été affermés que Sur ce pied et tels qu’ils étoient delivrés à la recette generale, Surquoy l’on avoit tiré le calcul pour en connoitre le produit d’une année commune et que de tout tems ces droits et émolumens ont été prélevés des revenus de la Doüane avant de les livrer à la Recette generale ; (f° 42-v) ils devoient être par consequent prélevés de même avant de remettre le produit au fermier ; mais le S. de Klinglin jugea en faveur du fermier Sous le Singulier prétexte, que dans le doute cette charge devoit retomber Sur la Ville. delà il est permis de présumer, que le S. de Klinglin y a eû un interêt personnel en donnant une décision Si contraire au Sens du Bail.
en 1730 au mois de Decembre le S. de Klinglin Pere demanda un Emplacement considerable dans l’enceinte de la Ville, Sur lequel il batit un hôtel, cet Emplacement valoit 30.000 lb, il l’obtint moyennant une rente fonciere perpétuelle et non rachetable de 100 lb qu’il fit réduire en 1736 à 20 s. qu’il n’acquitta jamais. Ce même hôtel il le revendit à la Ville en 1744 pour la Somme de 200.000 lb. delà résultent des dommages et interêts considerables. dabord en s’apropriant en terrain gratis, qui auroit valu à la Ville en le vendant une Somme de 30.000 lb. Secundo en revendant cet hotel pour la Somme de 200.000 lb et par l’employ de cette Somme le Loyer du Logement prétorial est revenu à 10.000 lb par an independamment des réparations considerables annuellement faites dans cet hôtel tandis qu’auparavant on ne luy payoit que 400 lb de Logement.
A peine se fut il procuré en Ville un Logement qu’il chercha à se procurer des agrémens à la Campagne. Il proposa en 1733 au Magistrat de luy donner à bail de cent ans les revenus et droits Seigneuriaux d’Illkirch moyennant un canon annuel de 3600 lb et 47 sacs de grains. Le bail luy en fut passé aux conditions qu’il désiroit, mais il n’eut point de Suite ; il avoit Sur cette Terre d’autres vües en cherchant à l’échanger contre une terre qu’il tenoit en fief de l’Eveché, il y parvint en 1735. Le Magistrat a donné Sur ce un memoire et requête en particulier pour demander le raport des Lettres patentes données Sur cet Echange, dans lesquels Ses moyens Sont détaillés fondés Sur l’irrégularité du procédé dans l’évaluation des revenus respectifs et les nullités de cet acte, et Surtout Sur la lézion énorme que la Ville a Soufferte à cet Echange. Cette affaire Se traite Séparement et n’entre pas (f° 43-v) dans la présente demande en restitution.
En 1736 et années suivantes le S. de Klinglin fit créer nombre d’offices nouveaux, qui, outre qu’ils etoient inutils, puisqu’ils ont été Suprimés par après, ont occasionné une dépense considerable, par conséquent des dommages et interêts desquels le S. de Klinglin a tiré des rétributions fortes et par là il chargeoit la Ville pour se procurer des Emolumens casuels et extraordinaires.
La Chambre forestale établie en 1737 par sa proposition, est encore une de ces nouvelles charges, qu’il a endossé à la Caisse commune. elle a été Suprimée par ces raisons dans le Reglement du 28 Juin 1752.
En 1739 le S. de Klinglin proposa le rétablissement du magasin à suif. Ce projet fut contredit dans la Chambre des XV, il ne fut executé pleinement qu’en 1742. A peine etoit-il établi, qu’il fut donné à ferme de la même maniere que toutes les autres, et par cette ferme la Ville y a perdu. car avant cet etablissement les droits d’accise Sur les Suifs montoient année commune à plus de 6000 lb, pour le recouvrement desquels la Ville n’avoit aucuns frais ; au lieu que par la ferme il revenoit à la verité un canon annuel de 6500 lb, mais les charges et les conditions faites en faveur de l’Entrepreneur en absorboient la plus grande partie. Il a fallu dabord faire la dépense des batimens pour établir ce magasin, l’Entrepreneur y avoit un Logement pour Son commis, Le fermier étoit exempt du Logement des gens de guerre, et la Ville restoit chargée de plus de 2000 lb par an pour les apointemens d’un inspecteur et Controleur. Les dommages et interêts à répéter consistent, en ce que la Ville a tiré de moins par les frais qu’Elle a Suportés.
depuis 1740 jusqu’en 1744 il n’y eut point d’autres Evenemens ni projets qui furent onéreux à la Ville. plusieurs membres du Magistrat avoient donné un memoire, aprouvé par le Ministre même contenant des moyens à remedier aux abus et à introduire une meilleure administration. Ce memoire fut adopté, le S. de Klinglin n’osa s’y oposer ouvertement, il en Sçut pourtant éluder l’execution en la (f° 44-v) plus grande partie, ainsy que l’on en convient dans le memoire du fils. Les affaires étoient traitées en regle, les marchés et adjudications etoient publiques, il y eut plusieurs offices Suprimés, la caisse commune se rétablissoit Si bien, qu’en 1744 l’on a remboursé un capital de 100.000 lb au S. Francés 75.000 et 25.000 lb au Juif Blien. Tout paroissoit se mettre en ordre, cela donnoit neanmoins beaucoup de mécontentement au S. de Klinglin Pere, il chercha l’occasion de mortifier la Chambre des XV et luy attira de la Cour une désaprobation de conduite Sur une assemblée qu’Elle avoit tenüe en Son absence ainsy qu’on l’a observé cy dessus. La désunion fomentait, et le Preteur Royal voyant qu’il ne reüssiroit jamais dans Ses vües tant que les choses resteroient Sur ce pied, Se donna tous les mouvemens lors de Son Séjour à Paris, pour engager la Cour à faire connoitre aux mécontens, qu’Elle désiroit une réconciliation. il y eut là dessus une lettre de la part du Ministre à feu Mgr. le cardinal de Rohan et à M de la Grandville lors Intendant, en date du 26 Juin 1743 aux termes de laquelle le Preteur royal avoit au moins, pour ne pas dire plus, à y mettre, que les differens membres du Magistrat, pour parvenir à cette réconciliation, elle donna matiere à une infinité de réflexions Sur plusieurs points importans.
Les differens Membres du Magistrat se prêterent à ce que la Cour désiroit de la meilleure foy, le S. de Klinglin parut être dans les mêmes Sentimens. Mais cette tranquilité et cet ordre dans les affaires ne subsistérent pas longtems. Le S. de Klinglin persuadé de la Sincerité de ceux qui s’etoient réconciliés par les déférences qu’il luy marquoient, et s’assurant de jour en jour de la pluralité des voix, il commença par interrompre les suites des reglemens proposés par differens incidens, et reprenant (f° 45-v) les erremens de sa conduite passé, il abusa de cette réconciliation, au point à ne proposer que des projets pernicieux, pour Se procurer des avantages extraordinaires et illicites aux dépens de la Caisse commune. Et dés 1744 le 7 May le S. de Klinglin proposa à la Chambre des XIII d’augmenter de 10.000 Sacs de grains l’aprovisionnement de la Ville. Les circonstances paroissoient l’exiger par raport à la guerre et à la proximité des Ennemis. Le motif en étoit louable pour le service du Roy et le Soulagement de la bourgeoisie, mais il falloit traiter cette affaire de bonne foy, qui paroit avoir manqué de la part du S. de Klinglin ; il fit conclure ce marché très légerement avec le Juif Moyse Blien, La Ville y fit une perte de 50.500 lb. Les deputés, induits en erreur de la part du S. de Klinglin par une prétendüe difference entre le Sac au poids de 204. et celuy du païs, traiterent avec ce Juif, reçurent Sa Soumission, dresserent le projet et le raporterent à la Chambre, où de l’avis et Sur differentes représentations du S. de Klinglin en faveur de l’Entrepreneur il fut adopté. Ce Juif s’engageoit de livrer 10.000 Sacs deux tiers froment un tiers seigle du poids de 204 livres le sac. Et quoique le plus haut prix des grains dans le courant dud. mois de May n’ait été que de 13 lb 10 s. le sac de froment, et de 8 lb 17 s. le Seigle, le sac du poids de 204 livres, on promit au Juif 17 lb par Sac indistinctement du froment comme du seigle à payer en trois années en quatre termes. En Suputant donc ce que la Ville a payé de plus que le prix courant Elle a fait une perte réelle de 50.500 lb, qu’Elle se croit fondée de répeter par forme de dommages et interêts. Les raisons, que le S. de Klinglin a dit à la Chambre pour l’engager à conclure ce marché, donnent lieu de présumer qu’il y avoit un interêt sensible.
Après un marché aussi onéreux le S. de Klinglin dans la vüe d’établir une ferme pour l’aprovisionnement du Bois de Chauffage, fit faire en 1744 un achat extraordinaire (f° 46-v) de 4000 Cordes, non obstant des représentations faites à la Chambre par les Directeurs des Bois, et les avocats de la Ville, fondées Sur la chereté du Bois et le manque de fonds necessaires. cela fut neanmoins résolu Sur Son avis, et par là il proposa la ferme generale de tout l’aprovisionnement de Bois, qu’il exécuta en 1746.
Au mois de Juin de la même année 1744 il fit proposer au magistrat l’acquisition de Son hôtel, il fallut y passer et il le ceda à la Ville moyennant la Somme de 200.000 lb.
en 1746 Son projet de la ferme du Bois de Chauffage éclata. Il avoit fait à ce dessein en 1744 un achat extraordinaire de 4000 cordes ; il usa d’un Second préparatoire en faisant réduire la quantité de 300.000 fagots de compétence à celle de 150.000 lb et convertir l’autre moitié en bois de cordes. Par ce nouvel arrangement adopté le 19 de Septembre 1746 l’objet de la fourniture en bois Se trouvant augmenté de 1500 cordes par an, il fut d’autant plus aisé au S. de Klinglin de s’assurer d’un Entrepreneur qui luy feroit de bonnes conditions. En effet il ne se passa pas deux mois, que la ferme du Bois de chauffage la plus onéreuse, qui fût jamais, fut proposée par le S. de Klinglin et conclüe Sans observer la formalité la plus essentielle en pareil cas, qui est l’adjudication au rabais. Les moyens dont s’est servi le S. de Klinglin pere pour établir cette ferme, Sont détaillés dans un memoire séparé, et consistent en ce que, pour fixer le prix des Bois en faisant marché avec l’Entrepreneur, il n’est pas possible que l’on ait fait attention au prix et marché, auxquels la Ville avoit fait Ses aprovisionnemens avant cette ferme ; puisqu’il est constaté par un Etat au vray, que pendant les dix années antérieures à la ferme, dans lesquelles Sont comprises les années de guerre, ésquelles la rareté des voituriers et Bateliers, employés au Service du Roy, avoit fait hausser les prix des Bois, aprés en avoir tiré une année commune, La meilleure espece de Bois, qui est le hêtre, n’est revenüe (f° 47-v) qu’à 14 lb 6 s, le Chêne et le Sapin à 9 lb 6 s. L’on a néanmoins donné au fermier pour le hêtre 17 lb 10 s. et ainsy 3 lb 4 s. de plus par corde qu’il n’en auroit couté a la Ville en faisant la regie, pour le Sapin et chêne L’on a donné au fermier 13 lb 10 s. ainsy 4 lb 4 s. par corde de plus. Surquoy il faut observer que les années de guerre étant passées, en 1746 il n’y avoit aucune chereté de bois à craindre. il y a toute aparence, que l’on s’est Servi du prix des bois vendus au Quay par les Marchands de bois, toujours plus fort et au dessus de celuy, auquel la Ville faisoit Ses aprovisionnmens. Sur cet article le Magistrat se croiroit fonder de repeter cette perte à la Succession du S. de Klinglin et qui va pour le tems que cette ferme a duré y compris le dédommagement, que l’on a été obligé de donner au fermier, à une Somme de 191.169 lb 6 s mais que l’on Se restraint à ce qu’il a tiré en pots de vin.
Le S. de Klinglin a eû Ses raisons pour sacrifier ainsy les interêts de la Ville au profit du fermier, dont il a tiré en differentes fois une Somme de 75.000 lb pour Epingles et gratifications, tant lors de l’Etablissement de cette ferme, que lors de sa résiliation. Surquoy les informations donnent les preuves. la forme dans laquelle cette affaire fut traitée ne laisse aucun doute, qu’elle ne Soit l’ouvrage du S. de Klinglin Pere. pour la traiter avec plus de promptitude il avoit pris des arrangemens préliminaires avec une personne, dont il a laissé ignorer le nom jusqu’à la Conclusion du traité. Le S. de Klinglin produisit luy même le 7 Novembre à la Chambre d’Economie les conditions, auxquelles le prétendu fermier vouloit entrer en marché. Cette proposition mise en déliberation, il fut ordonné le 12 novembre, que ce projet Seroit confirmé et porté à la Chambre des XXI. Le même jour et dans la même matinée la Chambre des XV en ayant eû avis, Elle crut devoir faire Sur ce des représentations à M. de Préteur pour traiter cette affaire avec plus de circonspection, les Deputés, qui en firent le raport, furent esconduits et on ne les écouta pas, et pour ne pas essuyer de nouvelles contradictions le S. de Klinglin fils produisit à la Chambre des XXI une lettre de M. Son Pere, qui agrée (f° 48-v) la terminaison de cette affaire ; elle fut en effet agréée le 26 Novembre. Non obstant ce coup d’authorité un nommé Lagardelle fut assés hardi de faire des offres au rabais à dix sols par corde, Le S. de Klinglin les rejetta et Suprima, L’on n’en eut connoissance que longtems aprés, et cette affaire fut pleinement terminée au préjudice de la Caisse commune et à l’avantage des S. de Klinglin.
Dans la même année 1746 il fit donner à ferme l’hopital de la maison de force. L’on ignore quel etoit le Motif. mais cette ferme a porté préjudice à la Ville. Comme cette maison Subsistait en partie des aumônes et liberalités des Citoyens, cette ressource cessa, parce qu’il n’etoit pas naturel d’augmenter le profit du fermier par des actes de charité. Cela fit, que le fermier ne cherchoit qu’à tirer en y laisant tout déperir et manquer aux pauvres la Subsistance necessaire. Aprés la résiliation de cette ferme la Ville fut obligée à faire des dépenses considerables pour remettre les choses Sur un bon pied, n’ayant aucun recours contre le fermier qui etoit devenu insolvable, ni contre Ses Croupiers, que l’on ne connaissoit pas.
L’on ignore, quel avantage le S. de Klinglin en a tiré, mais il est permis de présumer, qu’il n’a pas laissé échapper cette occasion pour se procurer un avantage personnel.
Toutes les années depuis 1744 Sont marquées par des Epoques fatales à la Caisse publique. En 1747 le S. de Klinglin Pere forma le projet d’affermer les dixmes et autres rentes en vins que la Ville perçoit. Cette affaire n’etoit pas moins réflechie et préparée de sa part, il y avoit longtems qu’il meditoit ce coup. déjà en 1744 il avoit proposé à la Chambre d’Economie Sous prétexte, que la Régie des Caves et Vins de la Ville etoit onéreuse, de la Suprimer, de vendre tous les vins, de louer les Caves et les Tonneaux, d’affermer les rentes en vins, d’acquitter en argent les compétences ; les Directeurs des caves n’etant pas de cet avis pour de bonnes raisons, cela resta en Suspens et l’on vendit dans ces tems 3000 mesures de vin. il remit donc en 1747 de nouveau la question Sur le tapis. il communiqua Sa proposition le 31 Août a la Chambre d’Economie, le 11 Septembre ensuivant cela fut agréé à condition (f° 49-v) de donner cette ferme par une adjudication publique Sous les conditions et pendant le tems dont on pourroit convenir. Le 30 du même mois de septembre la Chambre Superieure y donna Son aprobation, Sous la condition toujours, que l’on donneroit cette ferme au plus offrant et dernier Enchérisseur. Immédiatement aprés cette Seance, où l’on venoit d’ordonner une adjudication publique, il se présenta un nommé Schweighauser, bourgeois de la Ville, qui en donnant Ses conditions offrit un canon de 9000 lb, et la ferme luy fut laissée Sans autre forme, directement contre la décision de la Chambre Supérieure, et ce Sur l’avis de M. le Préteur. Ce fermier obtint donc cette ferme moyennant un canon de 9000 lb avec le droit de débiter du vin dans les cantines.
Pour connoitre l’objet de cette ferme, il faut Sçavoir, que la Ville peut compter année commune Sur 3500 mesures de vin rouge et blanc, qui, la mesure évaluée à 3 lb, font une Somme de 10.500 lb. Le débit dans les trois Cantines et au Cabaret au faucon a produit pendant la durée de la ferme au fermier un benefice de 18.000 lb au moins en ne comptant que 6000 mesures qu’il y a débitées à raison de 3 lb de profit, tandis que cela va audelà.
La Ville abandonnoit en outre au fermier le cabaret au faucon Loué 1000 lb, et l’usage de toutes Ses Caves, tonneaux, Cuves, pressoirs et autres ustencils, pour lesquels on ne compte que 500 lb par an.
De cette façon la Ville abandonnoit au fermier un produit assuré et qui ordinairement alloit plus haut, de 30.000 lb. Pour cela le fermier ne payoit en tout que 20.500 lb ; Sçavoir pour canon de la ferme 9000 lb, les Emolumens de Mess. les Commandans de la Citadelle et forts, et autres gages allant à 8000 lb et pour le Loyer du cabaret au Faucon 1000 lb.
deduction faite il restoit au fermier clair et net 9500 lb de profit, par consequent autant de perte pour la Ville.
(f° 50-v) Ce bail parut trop avantageux même au fermier, il en craignoit la résiliation, et pour la prevenir, il s’engagea volontairement par convention du 21 aout 1750, à hausser Son Canon annuellement de 1500 mesures de vin, lesquels évalués en argent à raison de 30 lb la mesure, font la Somme de 4500 lb.
En Juillet 1751 M. le Preteur sentant tout l’onéreux de cette ferme, consentit à la résilier entierement. La convention est du 21 Aout 1751. La perte que la Ville a donc Soufferte de cette ferme alloit au moins a 9500 lb par an. Ce qui fait pour trois années, que la ferme a duré Sur le pied du premier Bail 28.500 lb et pour la quatrieme année 5000 lb, parce que le fermier s’etoit engagé à livrer 1500 mesures de vin evaluées à 3 lb faisant 4500 lb en tout 32.500 lb.
Outre cette perte le S. de Klinglin en a occasionné une autre à la Ville en engageant la Chambre d’Economie à vendre au fermier, même avant que la ferme fût conclüe, tous les vins qui resteroient dans les Caves de la Ville à raison de 4 lb la mesure, tandis que Suivant l’estimation du maitre tonnelier il valoit 4 lb 10 s. le moindre, et d’autres jusqu’à 6 lb. L’on voit par L’Etat des vins qui restoient en 1747 un Etat d’estimation du tonnelier et celuy de comparaison, que la Ville perdit à ce marché 5149 lb 4 s. cette perte ajoutée à celle résultante de la ferme, forme un objet de 37.649 lb 4 s.
Non content d’avoir porté un tel préjudice à la Ville, le fermier livra par ordre de M. le Preteur et des Deputés les vins de compétence en 1749, qui luy furent payés à raison de 8 lb 10 s. la mesure de vin rouge, et de 4 lb 16 s. le blanc, en 1750 à raison de 9 lb 5 s. le rouge et le blanc à 7 lb. A ce prix ce fermier revendit à la Ville en compétences le même vin, qu’il avoit acheté en 1747 pour 4 lb la mesure indistinctement.
Tant de faveurs accordées au fermier avoient pour motif de la part du S. de Klinglin une gratification de 24.400 lb. Le S. de Klinglin en fait l’aveu en general dans Son Memoire, et la déclaration Judiciaire du fermier, Sa confrontation avec le S. de Klinglin Pere en constateront la preuve particuliere contenüe dans la procédure instruite à l’extraordinaire.
(f° 51-v) En 1748 l’on vendit de la part de la Ville une forêt Située de l’autre côté du Rhin. L’on peut attribuer avec verité l’irrégularité de cette vente, ainsy que la lézion en resultante, au fait du S. de Klinglin. Le dessein de la vendre avoit d’assés bons motifs : Sa Situation en païs étranger, Son éloignement, les dégradations continuelles par l’impunité des délinquans, rendoient cette belle et étendüe forêt de peu de raport : on n’en tiroit que le Louage de la glandée qui est allé en 1747 à une Somme de 800 lb.
Avant qu’il fût question dans aucune Assemblée du Magistrat de prendre un parti là dessus, le Receveur Seigneurial de Lahr, Seigneurie Située au delà du Rhin, présenta une Requête le 17 Juin 1747 à la Chambre des XIII, dans laquelle il offrit de faire acquisition de cette forêt moyennant la Somme de 20.000 florins ou 40.000 lb. Cette Requête fut renvoyée à la Chambre forestale, dont les Deputés jugerent à propos de faire cette aliénation et d’employer le prix en provenant à l’acquisition d’un autre immeuble Situé dans la Souveraineté du Roy. Cette résolution fut portée à la Chambre des XXI le 14 Aout 1747 en consequence le Decret rendu pour cette aliénation et la Chambre forestale authorisée de faire la vente de cette forêt au plus offrant par adjudication publique précédée d’affiches.
On remplit en partie cette décision, l’on fit faire des affiches, au jour indiqué pour l’adjudication il ne se presentérent que deux parties, qui firent les mêmes offres de 20.000 florins ou 40.000 lb. Les Deputés en ayant fait leur raport à la Chambre, M. le Preteur declara, que Son altesse Mgr. le Marquis de Baden Baden désiroit, que l’on Suspendît encore pour quelque tems cette vente ; elle fut suspendüe et cette Suspension dura jusqu’au 19 fevrier 1748, auquel jour le Secretaire de la Chambre forestale communiqua un projet de vente à passer au profit de la Communauté de Schuttervalden moyennant la même Somme de 20.000 florins.
Il y a tout lieu de présumer, que feu le S. de Klinglin s’est entendu avec les acquéreurs par l’irrégularité de cette vente. La vente (f° 52-v) ne devoit se faire que par adjudication conformément au Decret de la Chambre des XXI. Non obstant ce l’on en fit une vente particuliere et privée, elle fut même faite à moindre prix que l’on avoit originairement, puisqu’on en fit remise à cette Communauté du Canon de la glandée pour l’année 1747 qui étoit de 800 lb, et qu’on luy abandonnoit les arrérages des amandes edictées qui se montoient à plus de 1000 lb. Le S. de Klinglin doit avoir reçu 6000 lb des acquereurs, mais il n’y a là dessus d’autres preuves que le Cetificat d’un Prevôt de l’autre côté du Rhin, qui atteste, l’avoir ainsy entendu dire au préposé de la Communauté de Schuttervalden : il atteste en outre que cette forêt vaut 50.000 florins ou 100.000 lb.
En 1748 le S. de Klinglin engagea le Magistrat à vendre les 4 moulins de la Ville, on en fit faire une estimation, qui étoit dans le vray bien au dessous de leur juste valeur, puisqu’il y a eû des offres bien au delà de cette estimation et du prix qui en a été tiré par Contrat du 21 Septembre de la même année. Le prix de vente dans ce contrat est de 100.000 lb. Sur lesquels l’on a permis à l’acquéreur de déduire 10.000 lb pour frais de réparation d’un desdits quatre moulins, Ensorte que la Ville n’a touché, ou dû toucher, qu’une Somme de 90.000 lb. Par une clause contenüe en ce Contrat. il y est dit, que la Ville pourra exercer le droit de remeré au bout de 29 ou 30 années. par une autre Clause l’acquéreur promit de laisser Sur les trois moulins les meuniers qui s’y trouvoient comme locataires et de leur donner un bail, qui Seroit respectivement agréé.
Peu de tems après de Contrat de vente l’acquereur, qui tenoit également un de ces moulins en bail de la Ville, inquiéta les autres meuniers et voulut augmenter le Canon, Celuy qui tenoit en bail le moulin des huit Tournans s’adressa au S. de Klinglin, luy donna une Requête pour obtenir une indemnisation par raport à la non joüissance du bail qu’il tenoit de la Ville, M. de Préteur de sa propre authorité, sans participation du Magistrat luy adjugea et luy fit payer par la Tour aux Pfennings une indemnisation de 24.000 lb desquels ce même meunier fut obligé de luy remettre 12.000 lb par forme de gratification. Sa décision et les ordres, qu’il a donnés là dessus, Sont Signés de luy, il a été question de ce fait (f° 53-v) dans l’information. Le Magistrat réclame cette Somme pour la Ville, L’on ne doit aucune indemnisation à ce meunier, l’acquereur etoit chargé de le laisser en ce moulin, il y avoit même de l’extravagance de luy accorder 24.000 lb d’indemnisation en confrontant l’estimation de ce moulin lors de la vente qui n’alloit qu’à 16.000 lb. En voulant donc prendre un parti ridicule, il auroit mieux valû, dans la Suposition cependant erronée, que ce moulin ne valut que 16.000 lb, abandonner le moulin, que de donner cette indemnisation de 24.000 lb. Le S. de Klinglin a tiré ces deniers contre toute justice de la Caisse commune, Sa Succession doit les restituer.
Comme ce Contrat en luy même emporte une lézion enormissime qui est le motif d’une demande en résiliation actuellement portée au Conseil d’Etat contre l’acquereur de ces moulins, la Ville n’a aucuns dommages et interêts à répéter au Sujet de cette aliénation dans le cas où ce Contrat, ainsy que l’on espere, Sera résilié, mais dans le cas contraire Elle Seroit fondée non Seulement de former Son action en dommages et interêts par raport à la lézion énorme, mais même de demander la restitution d’une Somme de 450 Louis d’or, que le S. de Klinglin a reçûs de l’acquereur de ces moulins en vüe de cette aliénation, lesquelles actions l’on réserve a la Ville dans le cas, où contre toute esperance ce Contrat dût Subsister.
L’exécution des projets, dont on vient de faire mention et dont le S. de Klinglin Pere est l’autheur aux termes mêmes du Memoire du S. de Klinglin fils, ayant nécessairement attiré un dérangement des finances de la Ville, il le fit Servir de prétexte pour en occasionner encore un bien plus grand en proposant la ferme generale de tous les revenus de la Ville.
Les préparatifs de cette ferme établie en 1748, Son exécution pendant 18 mois, et Sa résiliation en 1750 Sont accompagnés de circonstances et de faits marqués au coin d’une prévarication exercée par le S. de Klinglin, elles contiennent des présomptions et des especes de preuves, qu’il (f° 54-v) a été le veritable fermier et qu’il en a tiré le profit. Les informations faites par le Parlement de Grenoble, les déposions et confrontations des prêtes-noms fermiers et des premiers associés compléteront la preuve de cette proposition.
La ferme de 1730 ayant Si bien tourné pour le S. de Klinglin, il fit le 7 Decembre 1747 la premiere ouverture à la Chambre d’Economie d’une seconde ferme generale, en representant, qu’il n’y avoit pas d’autre moyen pour tirer la Ville de Son Etat obéré. Cet avis fut adopté, La premiere opération des Deputés étoit de voire par un relevé des Comptes le produit des dix dernieres années pour en former une année commune, et Se regler ainsy pour le montant du Canon de la ferme. Les officiers de Ville, chargés de la recette generale formerent cet Etat depuis 1737 jusqu’à 1746 inclusivement, au contenu duquel les revenus de la Ville montoient année commune à 786.476 lb 11 s. 8 d. Sans y comprendre les revenus, qui étoient régis Séparement, et qui n’ont jamais fait partie de la Recette generale.
1° Le produit du grenier à Sel faisant année commune dans les dix années 36.000 lb
2° les rentes en vin déjà affermées pour un Canon annuel de 9000 lb
3° les rentes du capital des moulins vendus, 5000 lb
4° Le produit de l’ancienne monnoye et du cabaret au faucon, 4014 lb 16 s.
5° les revenus de la Chambre forestale ou Bois et forêts de la Ville, 7596 lb
A quoy l’on ajoute
6° la part des Employés aux produits de la grüe ou Craan, 3000 lb
7° Celle de l’huissier de la Ville aux droits et ventes des immeubles par decret forcé, 300 lb
8° Enfin ce qui étoit déduit dans quelques Recettes particulieres pour frais de Bureaux et autres : [total] 64.910 lb 16 s
Cette opération n’étant pas du goût de M. (f° 55-v) de Klinglin, parce que l’année commune étoit portée à un pied trop haut, on n’entendit plus parler de cette ferme jusqu’au 13 Septembre 1748. L’on fit une seconde évaluation des revenus et l’on résolut le calcul que de Six années au lieu de dix pour en faire une année commune. Les Deputés furent chargés d’examiner encore, quels articles l’on pourroit abandonner au femier. En conséquence les Deputés, eû égard aux circonstances de la guerre, qui avoient és années 1743, 1744 et 1745 produit dans la recette generale une augmentation extraordinaire, Se déterminérent à s’en tenir aux six années 1737, 1738, 1739, 1740, 1741 et 1742. Sans faire attention aux quatre années suivantes. Et par cette nouvelle opération l’année commune desd. Six années ne montoit qu’à la Somme de 732.584 lb 3 s. 8 d. au lieu de celle de 786.476 lb tirée des dix années.
Les Deputés dresserent Sur ce pied leur avis dans lequel les revenus à donner en ferme étoient désignés, et restraints aux articles ou Rubriques contenus dans les comptes annuels, qui se rendent de Six mois en Six mois par les trois receveurs de la Tour aux Pfennings, et aux amandes encourües pour contravention. Cette délibération fut raportée le 28 Septembre 1748 à la Chambre des XXI où elle fut confirmée, en conséquence ordonnée conformément à l’avis de M. le Preteur, que lesd. revenus seroient donnés à ferme pour Six années à commencer du 1° octobre 1748 que cependant cette admodiation ne se feroit pas par enchére publique mais par un traité à faire avec une personne de confiance et aisée, qui fût bourgeois, et qui reconnoitroit le Magistrat pour juge dans les contestations, qui pourroient Se lever pendant la ferme. Le Lundy 30 Septembre l’ammeistre Régent annoncea à l’assemblée des XXI que cette adjudication se feroit le 4 Octobre à dix heures du matin, afin que les préposés des Tribus pussent le faire Sçavoir à leurs Tributaires.
Les préparatifs pour cette ferme annoncent des irrégularités et manque d’attention pour le bien de la Caisse commune de la part du S. de Klinglin en induisant le Magistrat et les Deputés en erreur.
(f° 56-v) 1° indépendament de ce que l’on a fait abstraction de la regle prescrite dans ces Sortes d’administration en omettant l’Enchere publique, la différence d’une année commune tirée Sur dix années d’avec celle tirée Sur Six a fait dans ce cas cy une perte pour la Ville Surtout par le choix des années qui ont servi de pied pour tirer ce Calcul. Il est vray que la guerre et la proximité des Ennemis avoient occasionné en 1743, 1744 et 1745 une augmentation extraordinaire pour les revenus de la Ville, il paroissoit en quelque façon juste de ne point tomber Sur le produit de ces années de guerre, mais l’on ne devoit pas s’en tenir Simplement aux Six années anterieures à la guerre. Le Bien commun vouloit, qu’ne se restraignant à Six années, de prendre les trois années anterieures à la guerre, Sçavoir 1740, 1741 et 1742 et d’y joindre les trois années qui ont immédiatement Suivi la guerre, qui Sont 1746, 1747 et 1748 en fixant l’Epoque de la ferme au 1er Janvier 1749. De cette façon l’année commune auroit été portée à un pied plus fort, puisqu’en l’année 1746, tems où il n’y avoit plus d’armées dans la province, et où le commerce etoit encore libre, le montant de la recette generale etoit de 836.792 lb 14 s. 8 d. non compris les Recettes particulieres détaillées cy dessus.
2° Le choix des Six années, qui ont Servi pour tirer le calcul d’une année commune, ont donné lieu à une omission de revenus considerable, qui a tourné au désavantage de la Ville. Les comptes des deux Baillages de Wasselonne et Marlenheim pour les années 1736 et Suivantes jusqu’en 1742 n’ayant été rendus qu’en 1743, le produit ne put etre porté que dans le Compte general de 1743. Cet article qui faisoit un objet de 40.681 lb 2 s. 4 d. par an, etant ignoré des Deputés, fut omis dans l’Etat des Six années, qui n’alloient qu’à 1742. Les officiers de la Recette generale s’en aperçurent encore à tems, ils en donnerent une note, le 2 Octobre 1748 ainsy deux jours avant l’adjudication, au Secretaire de la Chambre mais il ne paroit pas qu’on y ait fait grande attention. Ce Secretaire etoit affidé au S. de Klinglin, il a été congedié par la Suite pour d’autres irrégularités commises dans la tenüe de Ses registres. par là cet article paroit avoir été omis dans la Suputation des revenus de la Ville.
(f° 57-v) 3° Quoique le Decret de la Chambre des XXI eut fixé la durée de cette ferme à Six années, le S. de Klinglin la fit proroger de trois autres années, et le Bail fut passé pour neuf années. de même il fit comprendre, ainsy que cela sera raporté cy aprés, plusieurs revenus qui ne devoient point faire partie de la ferme suivant le decret du Magistrat, duquel on ne pouvoit s’écarter, et dans lequel les revenus à donner en ferme etoient désignés, et ne comprenoit d’autres, qui étoient versés dans la recette generale d’où il suivoit par une conséquence naturelle, que tous les autres revenus administrés par des recettes particulieres, qui n’etoient pas portées à la recette generale, et dont il n’etoit pas question, ni dans l’Etat originaire des dix années ni dans celuy des Six années, ne devoient point être compris dans la ferme generale, mais continués à être régis séparement au profit de la Ville.
4° Quoique l’adjudication de cette ferme ne fut indiquée que pour le 4 Octobre, le S. de Klinglin par le Bail en fit anticiper l’epoque de Son commencement au 1er Octobre, ainsy quatre jours avant le traité. La raison etoit, pour faire tomber au fermier un profit instant par les droits d’Umgeldt des vins nouveaux qui entroient dans ce tems et qui font un des plus forts revenus de la Ville.
En reprenant donc le récit de ce qui s’est passé à l’occasion de cette ferme l’on observe, que le 4 Octobre 1748 jour fixé pour l’adjudication M. de Preteur proposa aux deputés de comprendre Sous la ferme generale quelques parties déjà affermées, telles que les rentes en vin, les droits provenans des chevaux et des Juifs, et l’interêt du Capital des moulins, d’y joindre le produit du grenier à Sel et de fixer la durée de la ferme à 9 ans au lieu de 6. Cette étrange proposition fut acceptée par les Deputés. Son but ne peut avoir été autre, que de favoriser le fermier en confondant tout dans la ferme, et de faire valoir au Magistrat, que l’on avoit porté la ferme bien plus haut, que n’alloit l’évaluation des revenus de la Ville, faite lors de la premiere proposition de la ferme, mais par là il abandonnoit des revenus qui n’étoient (f° 58-v) point compris dans l’Evaluation dont le produit alloit bien plus haut ; que cet Excedant imaginaire, qu’il vouloit faire entendre avoir procuré à la Ville par cette adjudication. L’on fit donc, le 4 Octobre en consequence de cette derniere résolution des Deputés, contraire au decret de la Chambre des XXI, lecture des conditions, dans lesquelles il etoit simplement porté que tous les revenus de la Ville, à l’exception des rentes sur grains, du produit des Chambres de Capitation et Logement, Seroient affermés.
L’on remit Successivement et séparément quatre Soumissions, dont trois de 780.000 lb, et la quatrieme de 782.000 lb. Surquoy M. le Preteur Se leva et se transporta dans une autre Chambre, où l’on reçut en particulier une cinquieme Soumission, qui étoit celle du S. Ducré dont les Offres alloient à 792.000 lb. Cet adjudicataire étoit prévenu et instruit Sur ce qu’il avoit à faire, et ne vouloit jamais passer Ses offres, quoique les Députés luy en fissent bien des instances. L’on porta donc cette prétendüe adjudication le Lendemain 5 Octobre à la Chambre des XXI où elle fut confirmée, et les Deputés chargés d’en passer bail. L’on craignoit de la part du Preteur quelques difficultés de la part des Députés, pour les engager à signer, le Preteur contre l’usage ordinaire Signa luy même, et mit au bas du Bail, que le contenu étant conforme en tout au Decret rendu par la Chambre des XXI il l’auroit ratifié et signé, les Deputés Sur cet exemple le Signerent de même.
Le S. de Klinglin usa de Surprise par une Suposition manifeste en certifiant, que le Bail étoit conforme au Decret des XXI, dont l’intention n’a jamais été de comprendre dans la ferme les Sept articles dont on a fait mention au commencement du récit de l’Etablissement de la ferme, il a adroitement avant l’adjudication fait insérer dans le détail des revenus les trois premiers articles, Sçavoir le produit du grenier à Sel, le canon de la ferme des vins, et l’interêt du Capital des moulins sans faire mention des quatre autres. Cependant les quatrieme et cinquieme articles, qui Sont (f° 59-v) le produit de l’ancienne Monnoye et du Cabaret au faucon, et ceux de la Chambre forestale, qui faisoient en 1748 un objet de plus de 13.000 lb Se trouvoient nommément compris dans le Bail du 5 Octobre, et le fermier joüit aussy en entier des Sixieme et Septieme, qui est le produit de la grüe et des Lots et ventes.
La Ville perdit donc à cette ferme de plusieurs façons
1° par le choix des Six années anterieures à la guerre pour en faire une année commune, au moyen de quoy l’on a pris le moindre pied pour fixer le Canon au fermier, tandis que pour établir la ferme du bois de chauffage, l’on a eû grande attention de la part du S. de Klinglin pour constater une année commune, d’y comprendre les années de guerre, afin de porter au plus haut le prix à donner au fermier.
2° En évaluant dans ce Calcul les revenus que sur le pied qu’ils étoient livrés à la Recette générale, Sans y ajouter ce qui en étoit deduit préalablement dans les Recettes particulieres pour frais de Bureaux et autres, tandis que le fermier le tiroit en entier Sans Suporter aucune déduction desd. frais qui retomboient à la charge de la Ville.
3° Par les articles des revenus, qui furent ajoutés par M. de Klinglin le jour de l’adjudication, parmi lesquels il s’en trouve un tres considerable.
4° par ceux qui furent confondus dans la ferme et insérés dans le Bail dont il n’avoit jamais été question dans aucune delibération.
5° par la Clause onéreuse, qui fut ajoutée, que le fermier joüiroit des rentes du Capital, que la Ville tireroit des fonds, qu’Elle pourroit aliéner durant la ferme. Ce qui donna lieu en 1749 à proposer l’aliénation des maisons et biens fonds de la Ville.
Pendant la durée de cette ferme le S. de Klinglin n’a pas moins favorisé le fermier.
Dés le 18 Octobre 1748 le fermier par une requête fit la proposition à la Chambre d’economie de luy ceder les arrérages dûs à la Ville dans Ses differens Bureaux de Recette, et d’en faire le recouvrement aux offres de les remplacer à la fin de Son bail. Soit en d’autres arrérages Soit en argent comptant ; M. de Klinglin y consentit, et il fut accordé au fermier de se faire délivrer les deniers qui se trouveroient actuellement dans les Caisses desdits Bureaux à condition d’avancer en cas de besoin à la Ville Sans interêts 20 ou 30.000 lb. Si (f° 60-v) cela avoit eû lieu le fermier auroit joüi toute la durée de Son Bail des Sommes, qu’il auroit fait rentrer.
Ce premier avantage enhardit le fermier à faire à la Chambre la proposition la plus déraisonnable et impertinente le 17 Decembre 1748 tendante à luy abandonner tous les arrérages de rentes généralement quelconques, qui etoient dûs à la Ville, jusqu’au 1er Octobre 1748, Sous les offres d’abandoner pareillement à la Ville ceux qui luy seront dûs à la fin de Son Bail et à charge par luy d’avancer la Somme de 20 ou 30.000 lb en cas de besoin Sans interêt.
Pourroit-on croire que cette proposition ait été acceptée, en considerant que le fermier, en faisant rentrer les arrérages dûs à la Ville, et qui faisoient un objet considerable de plus de 70.000 lb, s’aproprioit ces Sommes, puisqu’il etoit le Maitre à la fin de Son bail de ne laisser que peu d’arrérages, ou du moins de n’en laisser que Sur des personnes insolvables. Le fermier fut écouté, M. de Préteur décreta Sa requête et engagea les Deputés à Signer ce Decret.
Le 1er Mars 1749 le fermier demanda à la Chambre d’Economie la permission de vendre tous les Batimens, maisons, Boutiques, places et Biens fonds apartenans à la Ville et dans Sa Banlieuë, ainsy que dans Ses Baillages. M. de Préteur avoit frayé le chemin à cette demande par la proposition qu’il en avoit fait agréer le 10 fevrier précedent. M. le Preteur consentit donc à cette demande du fermier, à charge néanmoins que le fermier ne pourroit vendre ces immeubles qu’au double du capital de leur produit actuel, c’est à dire, que les interêts du prix de la vente Soient portés au double de ce que ces immeubles raportoient de loyer, le fermier abandonna cette vente, les Deputés y procéderent, mais le fermier joüit des rentes à cinq pour cent des Sommes, qui avoient été tirées de ces aliénations.
Voilà les égards que M. de Klinglin a eûs pour le fermier pendant le peu de durée de cette ferme qui n’a Subsisté que dix huit mois. L’intelligence et l’intimité entre luy et le fermier paroissent Surtout par les Billets en grand nombre, qui se trouvent à la Recette generale, (f° 61-v) par lesquels le S. de Klinglin touchoit du fermier ce qu’il avoit à recevoir de la recette generale, Lesquels billets le fermier remettoit pour comptant à la Recette generale en deduction de Son Canon.
Les comportemens du S. de Klinglin lors de sa résiliation entreprise avec fermeté de la part du Magistrat, ont laissé entrevoir au public même d’une façon peu douteuse, qu’il a été luy même le veritable fermier, et que tous ceux qui ont paru Sur la Scéne dans cette affaire n’ont été que Ses prêtes-noms.
La Chambre d’Economie s’apercevant de la décadence des affaires prit la résolution d’y porter remede, et dés le mois de Novembre 1749. Elle fit differens Reglemens utils pour restraindre les dépenses en plusieurs articles, et le 7 Mars de l’année 1750 Elle se fit raporter une délibération dressée par les Deputés concernant la levée de la ferme generale, ou du moins la façon de l’arranger Sur un pied moins onéreux, en haussant le canon de 8000 lb par an, en limitant la durée de la ferme à Six ans au lieu de neuf et en retranchant quelques articles qui en devoient pas en faire partie. Cette délibération fut aprouvée par les trois Chambres Secretes, M. le Preteur y consentit en aparence, il avoit des ressorts tout prêts pour en empecher l’execution, ou pour en tirer partie d’une autre façon. En effet les deputés, chargés de traiter avec le fermier, aprirent, que dés le 20 Mars le nommé Ducré avoit cedé tous Ses droits à un nommé Sadoul fermier particulier de M. de Klinglin des revenus d’Illkirch et de Gravenstaden, qu’il connoissoit plus délié et plus en état de tenir tête Sur la résiliation de la ferme. Les Deputés trouverent dans ce dernier fermier Cessionnaire beaucoup de résistance, aprés bien des débats, l’on fut forcé d’accepter sa proposition, quoiqu’extremement onéreuse, pour éviter une plus grande perte en laissant subsister la ferme. C’etoit de luy abandonner, en rétrocédant le Bail de la ferme à la Ville, par forme de dédommagement pendant l’espace de quatre ans et demy les droits de l’accise de la viande moyennant un Canon annuel de 25.000 lb. M. le Preteur aprouva très fort cette proposition, il s’expliqua là dessus dans ces termes, que cet accomodement étoit avantageux à la Ville, et qu’Elle y gagneroit.
Il n’est pas étonnant icy de trouver son consentement. Le produit de l’accise de la viande est un objet de 58 à 60.000 lb par an, on l’abandonnoit pour 25.000 lb. Le profit etoit au (f° 62-v) moins de 30.000 lb pour le fermier ou proprement pour luy, mais Son aprobation Sur ce point fait Sa condamnation Sur l’etablissement de la ferme, qui par une conséquence necessaire doit avoir été bien préjudiciable, puisqu’en Sacrifiant à Sa résiliation annuellement une Somme au moins de 30.000 lb, l’on y trouvoit encore un avantage par une diminution de perte. Et c’est le motif du Magistrat pour n’avoir point de difficulté avec M. le Preteur, pour ceder au fermier un revenu de 60.000 lb moyennant un Canon de 25.000 lb.
Cet accommodement avec ce Second fermier, quoiqu’il ait paru avantageux à M. de Préteur, ne fut pas regardé de même par plusieurs Assesseurs de la Chambre d’Economie. Ils reprirent cette affaire au mois de Juillet 1751 et conclurent à casser et annuler cet accomodement. Pour lors M. de Klinglin, qui l’année précédente paroissoit prendre Si fort à coeur les avantages de la Ville dans cet accommodement, s’y oposa, en disant, que cette démarche Seroit contre l’honneur du Magistrat, et qu’on n’etoit pas fondé en droit de le faire. La Chambre d’Economie ne Se laissa pas rebuter, ayant eû avis, que le second fermier Cessionnaire du premier avoit retrocédé Ses droits au nommé Daudet Secretaire de M. de Préteur. ils le firent venir, et Sur Sa déclaration ils résilierent cet accommodement en faisant remise à ce dernier du Canon pour l’espace de trois mois. Ainsy fut résiliée cette ferme qui avoit Scandalisé tout le public.
A la Terminaison de cette affaire le profit, que les fermiers ont tiré, Se perd enfin entre les mains de Daudet homme d’affaires de M. de Klinglin. Les Comptes, qu’il luy en aura rendus, ne verifient que trop, à qui en est revenu le profit. Les informations les confrontations des fermiers originaires et leurs associés, Surtout celle du nommé Daudet avec le S. de Klinglin Pere, completeront Sans doute la preuve. Le magistrat réclame dans Sa demande en restitution tout le profit, que le S. de Klinglin a tiré de cette ferme. une circonstance essentielle, qui le charge d’un Soupçon indubitable, c’est qu’il a avoüé luy même (f° 63-v) d’avoir reçû à l’occasion de cette ferme une Somme de 60.000 lb des fermiers et de leurs associés, qu’il a rendus par après, en excluant de cette ferme tous ceux qui avoient au commencement part au profit d’icelle.
En 1749 il trouva moyen de se rendre propriétaire d’une partie de la dixme d’Illkirch et de Gravenstaden. Il Sacrifia pour y parvenir les interêts de la Ville, Et voicy comment
Les Ministres de la Confession d’Augsbourg, qui desservent l’Eglise neuve, où ils furent transferés aprés la restitution de la Cathedrale aux Catholiques, étoient depuis prés de deux Siecles, et notamment le 1er Janvier 1624, Epoque qui Sert de regle dans la possession des Biens ecclesiastiques, et en 1681 lors de la Capitulation, en possession de deux maisons qui leur Servoient d’habitation, et d’une rente de 600 florins, qui faisoit partie de leur compétence.
Cette rente étoit en vertu d’anciennes conventions, principalement du Traité d’Haguenau de 1604 payable par les S. Prébendés de la Cathédrale à l’aumônerie de St Marc, qui étoit chargée de livrer la compétence à ces Ministres. Les Prébendés refuserent aprés la Soumission de la Ville à la France, à l’aumônerie de St Marc le payement de cette rente. Sur ce refus la Magistrat fit saisir la portion de Dixmes à Illkirch, qui apartenoit aux S. Prébendés, et qui se montoit par an à 170 Sacs. Ils se pourvurent par oposition contre cette Saisie au Consiel Souverain d’alsace par Arrêt du 10 Juillet 1683 il leur en fut accordé main levée, à charge par Eux néanmoins de payer à l’Aumônerie de St Marc la rente de 600 florins. Le tout par provision et Sans préjudice du droit des parties au principal.
Les S. Prébendés ne Satisfirent point, la saisie Subsista par conséquent, et l’aumônerie de St Marc resta en possession de la dixme en question. Les S. Prébendés se déporterent même de leur révendication par les offres, qu’ils firent le 11 Octobre 1683 de compenser leur portion de dixme avec la rente des 600 florins. En 1686 ils firent de nouvelles tentatives auprés de M. les Commissaires nommés par le Roy pour la réünion des Biens du Grand Chapitre et du Grand Choeur, mais elles furent inutiles. L’on estima de la part de ces Messieurs, (f° 64-v) que l’Epoque de 1624 mise pour Base dans les Traités de paix devoit regler les parties dans leur possession.
On laissa donc joüir paisiblement l’aumônerie de St Marc de lad. portion de dixmes d’Illkirch jusqu’en 1748. Sur la fin de cette année les S. Prébendés firent assigner le Magistrat au Conseil Souverain d’Alsace, pour être dechargés de la rente des Six Cent florins, ainsy que de la fourniture des deux maisons. Sur cette Simple assignation et un acte de Sommation fait en conséquence, l’on passa Sur l’avis de M. le Preteur une transaction, par laquelle l’on cede aux S. Prébendés leur portion de la dixme d’Illkirch, on leur restitüe des deux maisons, desquelles originairement il n’etoit pas question, et on les décharge de la rente des Six cent florins.
Cette afaire fut terminée bien Simplement, quoique l’on eut de la part du Magistrat les raisons les plus Solides à objecter. Mais M. le Preteur avoit insisté là dessus. il paroit, qu’il en a tiré une partie de l’avantage, en ce que, peu aprés cette Transaction le S. de Klinglin fit acquisition de cette dixme, il en fut même passé Contrat qu’il est permis de présumer n’etre que Simulé, puisque jamais le prix de vente n’a été réalisé ce qui pourroit se vérifier aisément par les Comptes des Prébendés, Et c’est ce qui paroit avoir engagé le S. de Klinglin à consentir, même proposer cette Transaction, dont les Suites Sont tombées uniquement à la charge de la Ville, puisque l’aumônerie de St Marc étant frustrée de la perception de la dixme, ne peut plus être chargée de la rente des 600 florins que la Ville est obligée d’acquitter actuellement, et qui fait une charge perpétuelle pour la Caisse publique, laquelle évaluée au Denier vingt fait une Somme de 24.000 lb. En outre la Ville a été obligée de faire acquisition de deux autres maisons pour loger lesdits Ministres, qui luy couterent une somme de 23.000 lb indépendament de l’Entretien annuel et perpétuel de ces habitations. Le S. de Klinglin ayant profité de cette transaction, et la Ville en Suportant tout l’onéreux, l’Equité paroit exiger, que Sa (f° 65-v) Succession recéde à la Ville cette portion de dixme.
L’aprovisionnement de grains, que le S. de Klinglin fit faire à la Ville en 1744, Sur lequel il y eut une perte visible, auroit Suffi pour nombre d’années, en les rafraichissant, même en les augmentant par l’Excedant des rentes en grains, dont la Ville ne fait pas consommation pour acquitter les compétences en grains et autres charges, dont Elle est tenüe. On Se seroit procuré par là une provision Suffisante en toutes Sortes de cas. Mais le S. de Klinglin s’etant vraisemblablement bien trouvé du premier Marché, en proposa par le même motif un second, le 5 Septembre 1750 en chargeant Simplement les deux Directeurs du Magasin à Bleds, dont le premier etoit le S. de Klinglin flis, de dresser un délibéré, et de proposer à la Chambre des XIII l’achat de 10.000 Sacs au moins. Ils exécuterent cette Commission, et la Chambre des XIII commit les Directeurs, de traiter pour raison de cette fourniture et d’arrêter les Marchés Sauf la ratification de la Chambre. dés que ce Decret fut laché, M. de Klingling fils n’eut rien de plus pressé, que de conclure avec L’Entrepreneur, que Son Pere avoit choisi : il s’en fit donner une Soumission le même jour Samedy 5 Septembre pour la livraison de 10.000 sacs de grains, dont deux tiers froment et l’autre tiers de Seigle, à raison de 17 lb le sac du poids de 204 livres ; et le Surlendemain le Lundy 7 il conclut avec le fermier Sur le pied de 16 lb le sac, et en fit faire le raport à la Chambre, où ce marché passa à la pluralité des voix, non sans essuyer quelque contradiction. Il n’y auroit pas laissé un jour d’interval Si ce n’avoit été un Dimanche. Pour faire ce marché il avoit preparé les choses d’assés loin. En 1747 en Aout il fit vendre Sans aucune nécessité aux Boulangers de la Ville des mêmes grains, qui en 1744 avoient couté 17 lb le sac ; la quantité de 4800 sacs moitié froment moitié Seigle. Il en fixa luy même le prix à 12 lb le froment et à 7 lb le Seigle le sac du païs, faisant 12 lb 17 s 8 d. le froment (f° 66-v) et 8 lb 8 s. le Seigle Sac du poids de 204 livres.
En Octobre 1748 il fit délivrer de Son chef et Sans la participation du Magistrat à Moyse Blien, l’un des Entrepreneurs pour la livraison des grains en Provence et dans le Lyonnois à charge de remplacement, la quantité de 6000 sacs du païs moitié froment moitié Seigle. Le Receveur du grenier de la Ville luy fit dans ce tems des remontrances Sur ce que les greniers se trouveroient trop dégarnis, il osa même luy demander un ordre par écrit pour se légitimer, mais il n’obtint rien. La remise de 6000 Sacs fut donc faite. Le Juif devoit remplacer ces grains en Avril 1749. M. de Klinglin l’en dispensa encore de Son chef. Et comme de la part de la Ville l’on devoit à ce même Juif une Somme de 50.000 lb provenant du Traité, que l’on avoit fait en 1744 pour une livraison de grains, il fallut Sur l’ordre par écrit du S. de Klinglin en faire compensation Sur ces grains. Le Receveur du grenier fit encore des représentations pour astraindre le Juif à remplacer en nature attendu le vuide des greniers ; cela ne Servoit de rien, l’on fut obligé de décompter d’une façon bien dure pour la Ville Sur le moyen prix du marché du 4 Octobre 1748 qui etoit celuy, qui avoit précedé l’avance des grains, et n’etoit que de 11 lb 4 s. le froment et de 6 lb le Seigle : tandis que l’equité paroissoit exiger que l’on prit du moins le marché précedent immédiatement la compensation qui devenoit l’Epoque du remplacement. Indépendament de cela le Juif conta les interêts jusqu’au 26 fevrier tandis que la ville n’obtint rien pour Son avance de 6000 Sacs.
La Ville fit par ce marché une perte de 40.109 lb 19 s. 10 d. vû qu’Elle a payé à l’Entrepreneur 16 lb par Sac de froment et Seigle du poids de 204 livres, tandis que le plus haut prix du sac de froment reduit aud. poids n’étoit au mois d’Août 1750 que de 13 lb 11 s. et le Seigle de 8 lb 17 s.
Enfin dans plusieurs autres aliénations qui ont été (f° 67-v) faites Sur la proposition du S. de Klinglin, il en a tiré des Epingles, pots de vin et gratifications, il a fait employ, pour Son compte des deniers, de denrées et matereaux publics, ainsy que de la main d’oeuvre des ouvriers de la Ville, Sur lesquels dans le détail des differens articles de restitution, l’on formera également la demande.
Tel est le détail historique des faits, qui ont contribué au dérangement des finances, et qui donnent matiere à former des demandes en restitution contre la Succession de feu le S. de Klinglin Pere, qui en a été l’autheur, et qui par là s’est procuré des avantages et profits personnels aux dépens de la Ville.
Pour former cette demande en restitution, l’on doit observer préliminairement, que par le détail des faits, dont on vient de faire le récit, et principalement par l’aveu formel contenu dans le memoire du S. de Klinglin fils, il conste indubitablement, que feu Son Pere a reçû indistinctement dans toutes les affaires hors les contentieuses, des présens, Epingles, pots de vin et gratifications, c’est à dire dans tous les Baux, fermes, adjudications, aliénations et marchés que le Ville a fait, il en a tiré des rétributions pour Son compte particulier, même dans les Elections nombreuses qui ont été faites pour le remplacement des Magistrats officiers et Employés les plus subalternes durant Sa Preture. Ainsy et de cette façon toutes les affaires d’administration publique luy ont Servi d’occasion à se procurer des avantages personnels et à puiser dans les Bourses des particuliers ainsy que dans la Caisse commune.
Il ne s’agit donc que de faire voire, que tout ce qu’un chef reçoit en administrant les affaires publiques, qui luy sont confiées, est illégitime, illicite et réprouvé par les Loix, pour fonder une demande en restitution. La justice ne permettant pas, que l’on laisse ces avantages à celuy, qui ne les a perçûs qu’au préjudice de son administration et du Bien public.
Pour pallier ces exactions, prévarications et concussions, L’on les dénomme ainsy parce que la Loy les regarde comme tels, pour pallier donc la réception de ces prétendus présens, (f° 68-v) l’on se Sert dans le Memoire du S. de Klinglin de toutes Sortes de moyens qui tombent à pure perte, et qui ne légitiment jamais la conduite répréhensible, que feu Son Pere a tenüe dans l’administration publique.
Le premier moyen qu’il veut faire valoir est une distinction entre les affaires contentieuses et gratieuses. par les premieres il entend les affaires de judicature, et dans les gratieuses il confond généralement tout ce qui a raport à l’administration des biens et revenus d’une Ville ou d’une Communauté.
Cette difference n’a été adoptée dans les Loix, que par raport au dégré des peines et punitions plus ou moins Séveres dans l’un ou l’autre cas, également prohibés et défendus. Un Chef de justice, qui vendroit à deniers comptans Ses décisions dans les contestations qui se présentent, est un prévaricateur digne du dernier Suplice.
Un chef qui reçoit des présens pour ne pas procurer tout l’avantage possible au Bien commun, ou pour laisser le profit à un tiers, malverse et doit être regardé comme concussionnaire et prévaricateur dont la peine à la verité est moindre, que dans le premier cas.
Mais dans l’un et l’autre la délicatesse doit être la même ; ainsy qu’un juge ne peut et ne doit Sacrifier l’intérêt des particuliers à Son profit, ainsy et de même un administrateur doit non Seulement avoir à coeur de procurer au public tout l’avantage qu’il est possible, mais il ne peut Sans encourir le Blâme et la répréhension faire Son interêt particulier de ce qu’il pouvoit faire tomber à la Caisse commune.
Les Suites et les conséquences Seroient bien odieuses, Si les principes du Memoire du S. de Klinglin pouvoient avoir lieu. il est bien aisé de distinguer où ils peuvent mener dans une administration. La Ville de Strasbourg en a senti malheureusement les effets. celle qui se fait aujourd’huy depuis l’éloignement des S. de Klinglin fait la conviction de l’irrégularité de celle du tems du S. de Klinglin.
L’insuffisance et les inductions frivoles de ce premier moyen, en a fait imaginer un second pour couvrir tout l’odieux de ces principes, en soutenant que tel est et a été l’usage de Strasbourg, dont les Statuts ne deffendent les présens qu’en affaires contentieuses. L’on a fait connoitre au commencement de ce memoire dans les raisons et (f° 69-v) moyens du magistrat, qui engagent à repondre au memoire du S. de Klinglin, quel est le ridicule et la fausseté de cet Exposé ; que les Statuts et les Reglemens de la Ville y Sont expressement contraires ; que les Sentimens du Magistrat et du public à cet égard Sont, que la réception des présens est un abus intolerable et punissable introduit par le S. de Klinglin Pere, qui n’a que trop tourné au désavantage du public et des particuliers. Abus, qui n’a été exercé que par luy et au moyen duquel il énervoit tellement la prétendüe liberalité de ceux qui luy donnoient des présens, qu’il leur devenait impossible de l’exercer envers d’autres aprés avoir passé par les mains du S. de Klinglin Pere. Enfin l’on ose Soutenir dans ce memoire, que les titres d’accusateurs, portés dans les Lettres patentes adressées au Parlement de Grenoble, n’ont jamais existé contre le S. de Klinglin Pere ; et voicy le raisonnement que l’on tient là dessus, aprés avoir interverti en quelque façon les termes desdites Lettres patentes, en disant, qu’elles portent, que les S. de Klinglin Pere et fils Sont Soupçonnés d’avoir abusé etc. ces premiers termes Sont differens dans l’Enoncé des Lettres patentes : il y est dit, que plusieurs particuliers ont fait par devant le S. d’Esnans des déclarations extrajudiciaires qui se Réünissent à charger les S. de Klinglin Pere et fils, d’avoir abusé de la maniere la plus répréhensible de l’authorité qu’ils tenoient de Sa Majesté : d’avoir commis des concussions de toute espece, et d’avoir employé pour les colorer des Supositions de toute espece, qui ne pourroient les rendre que plus criminels etc.
Le Sens de ces termes est different de celuy que l’on leur donne dans ce memoire. il n’est point question icy d’un Simple Soupçon, il y est parlé de déclarations qui se réünissent à charger les accusés. Ainsy et de même les titres d’accusation portent Sur toute espece de concussions, et non pas seulement Sur le crime de concussion au premier chef, qui est proprement l’Employ de Supositions, qui rendent le Commissionnaire plus criminel.
Voicy donc le raisonnement, que l’on tient là dessus dans ce memoire en donnant la définition du crime de concussion au premier chef.
(f° 70-v) Concussionis crimen contrahitur, quoties aliquid terrore potestatis illicite extorquetur, et l’on dit, que, pour décider Si les S. de Klinglin ont été réellement concussionnaires, il ne s’agit, que de Sçavoir, Si abusant de l’authorité qui leur étoit confiée, ils ont en effet extorqué de l’argent des Sujets du Roy contre la prohibition des Loix. delà l’on part pour dire, que tous les présens qu’ils ont pris étoient volontaires, précédés d’autres pactes authorisés par la Coutume, et non prohibés par les Loix. c’est icy qu’il fait employ de la distinction entre les affaires gratieuses et contentieuses, de la différence des présens volontaires, et ceux qui Sont précedés de pactes et conventions, d’où l’on veut induire, qu’il n’y a concussions que dans le cas où terrore potestatis, c’est à dire, en employant des Supositions, l’on extorque de l’argent des Sujets du Roy. L’on Se déclare à cet égard, que l’on ne s’arrêtera pas à détailler aprés differens autheurs, de combien de manieres on peut se rendre coupable de concussion, ni quelle a été Sur ce point la jurisprudence des Romains. L’on passe à l’autheur du memoire, de n’être point entré dans ce détail, il a eû Sur cette réticence une raison des plus fortes, ce détail auroit fait connoitre, que feu Son Pere a été dans le cas de plusieurs Sortes de concussions. L’intégrité et le désinteressement, Si nécessairement requises dans juge, un administrateur et un chef, prescrivent des regles Si Strictes et si resserrées, que la moindre trangression est concussion ou prévarication.
L’esprit et le sens des Loix a prévû et prévenu tous les Subterfuges, les excuses frivoles, les distinctions erronées, que l’on peut imaginer de la part de ceux qui se laissent aller dans leur ministere à l’apas d’un gain illicite, tel qu’il soit il est défendu et punissable, Les cas s’aggriévent par les circonstances, les présens même volontaires en fait d’administration sont défendus et improuvés, S’ils Sont précédés de pactes et de conventions ils Sont plus punissables, et si l’on fait abus de l’authorité par des Supositions de menaces, terrore potestatis, c’est le premier chef de concussion le plus criminel.
En mettant donc les présens que le S. de Klinglin Pere a reçûs dans le cas le moins défavorable, toujours Sera-ce une transgression de la Loy qui (f° 71-v) emporte nécessairement la restitution pour peine. il y a tout lieu de présumer cependant, que les présens que le S. de Klinglin a reçûs, ne Sont pas dans le moindre cas de concussion, les informations doivent donner là dessus des eclaircissemens.
Pour faire donc connoitre, quel est l’esprit et le Sens des Loix là dessus, et que tous présens en administration Sont deffendus aux administrateurs, et que les Loix n’admettent point les distinctions ni les Subterfuges que l’on employe dans le Memoire du S. de Klinglin il n’y a qu’à consulter le droit romain, les ordonnances Royaux, les Statuts et les Reglemens de la Vile de Strasbourg. un Preteur royal non Seulement ne devoit pas les transgresser, mais il devoit comme Chef donner une attention Singuliere à leur manutention.
Le droit romain éloigne par une regle conçüe en Termes généraux toutes les ruses d’un administrateur infidel. Voicy quelle en est la disposition sur le crime de concussion au premier chef, c’est à dire quand on employe des Supositions pour colorer les exactions. Concussio est crimen extraordinarium quod committitur terrore rei alicujus extorquendae gratia injecto, et parit actionem publicam. La loy premiere aux Digestes Liv. 47 Tit. 13 de Concussione s’explique ainsy. Si Simulato Praesidis jussu concussio intervenit, ablatum ejusmodi terrore restitui praeses provinciae jubet et delictum coercet. L’on veut croire qu’il n’y ait point de convictions contre le S. de Klinglin Pere, qu’il ait extorqué terrore potestatis vel Simulto Praesidis jussu, mais les présens qu’il a reçûs ne Sont pas moins des concussions prohibées par la Loy. L’authorité d’une homme en place induit Souvent à se soumettre à des dons et des gratifications, et l’esperance de bonnes conditions dans les fermes et marché engage à faire des pas vers celuy, qui en est le premier administrateur et qui paroit avoir le plus de credit et d’authorité pour terminer pareilles affaires. C’est pour prévenir tous ces moyens indirects et ces faux fuyants, que les Loix y ont pourvû et précisément Sur les cas dans lesquels le S. de Klinglin Pere se trouve par la réception de présens dans les affaires d’administration.
(f° 72-v) Le Loy Julia repetundarum aux Digestes Liv. 48 Tit. 11. porte Sur tout ce qui peut altérer la droiture d’un Magistrat et d’un Chef, et de ce qui peut les détourner de la vüe du Bien public. Cette Loy parle de plusieurs especes de concussions, et contient en général la deffense de ne rien recevoir pour outrepasser les bornes de Son authorité, ou pour ne pas faire Son devoir.
La Loy premiere s’explique ainsy. Lex Julia repetendarum pertinet ad eas causas, quas quis in Magistratu, potestate, curatione, legatione, vel quo alio officio, munere, ministeriore publico cepit.
La Loy troisieme dans le même Titre parle des présens dans les affaires de judicature, Lege Julia repetundarum tenetur qui cum aliquam potestatem haberet pecuniam ob judicandum decernendumve acceperit.
Enfin la Loy quatrieme parle de toutes autres affaires et contient la regle generale Sur les présens à recevoir, en ces termes : vel quo magis aut minus quid ex officio Suo faceret.
Et c’est de cette Loy que dérive la définition Criminis repetundarum, quod Sit crimen publicum, quod committunt Magistratus vel alii in officio vel munere publico constituti dona et munera accipiendo, quo magis vel minus officium faciant.
Toute espece de concussion est Sous entendüe dans cette expression de la Loy, et toutes Sortes de présens Sont interdits. Tout le Titre de Lege Julia repetundarum au Code contient encore plus énergiquement les mêmes deffenses avec les peines Statuées contre les transgresseurs de ces Loix.
Les Tuteurs, les administrateurs, les Syndics et les magistrats Sont compris dans la même cathégorie aux termes de la Loy premiere aux Digestes ad Legem Juliam repetundarum. Tout ce qui est deffendu aux Magistrats et administrateurs, il n’y a point de disparité de raisons, elles Sont les mêmes ; Enfin la regle qui est prescrite aux Juges magistrats et administrateurs, est dictée par l’honneur et le désinteressement.
La Novelle 24 contient les plus beaux préceptes là dessus, et fait connoitre aux Juges et préposés, quelles sont les bornes de leur devoir. Tous les Termes (f° 73-v) de cette Loy désignent les qualités qu’ils doivent avoir. Oportet, dit le Législateur, ut qui hunc magistratum Suscipit /:Semper autem gratis eum et absque ulla datione pecuniae ipsi conferimus, ut et ipse per omnis Sordibus abstinat, et his folis quae ex publica Solvuntur contentus Sit, etc.
Il n’y a Sortes de précautions et de prohibitions qui ne Soient contenües dans les Loix romaines. Sur toutes les Sortes de cas et en toutes Sortes d’offices et de charges publiques.
L’on veut se prévaloir dans le memoire de la disposition de la 18° de Off. Praesidis ; elle fait la condamnation du S. de Klinglin Pere. quelle en est donc la disposition ? elle permet de prendre Xenia, c’est à dire, aux Termes de la Loy, des présens de victuailles de peu de valeur et qui peuvent se consommer en peu de jours, plebiscito continetur, ut ne quis Praesidium munus donum caperet, nisi esculentum potulentumve, quod intra dies proximos prodigatur. C’est ainsy que la Loy restraint les presens, Et si l’on veut Se prévaloir de cette permission, il ne faut l’avoir outrepassé en aucune autre façon.
Les autheurs mêmes, qui ont commentarié Sur cette Loy, estiment que les personnes en place font beaucoup mieux de s’abstenir d’user de cette faculté pour ne pas tomber dans le cas d’une réputation couverte des nuages de Soupçons toujours désavantageux et contraires à des personnes constituées en dignités et offices publics. Non seulement les présens Sont bannis par le droit Romain, ils le Sont aussy par les ordonnances royaux et par les Statuts de la Ville de Strasbourg.
L’on a raporté cy dessus un Arrêt du Conseil d’Etat, qui deffend aux Magistrats et préposés, de s’interesser en façon quelconque dans les fermes et Baux des Villes où ils président ni directement ni indirectement, à plus forte raison, les présens qui peuvent être faits en vüe de ces administrations. L’on a fait voire la disposition des Statuts et des Reglemens Sur les présens qui contiennent les prohibitions les plus énergiques, et dictent les peines les plus Sévéres aux contrevenans.
Sur ces principes et ces Loix le Magistrat fonde Sa demande en restitution. Les Lois adjugent cette (f° 74-v) restitution, et veulent, que ceux qui ont ainsy abusé de leur ministere, Soient tenus de restituer, même leurs heritiers. Cette demande est d’autant plus fondée, que par la réception de ces présens en matiere d’administration le S. de Klinglin a fait quid minus aut plus officio. Aussy les fermiers, aussy qu’on l’a vû cy dessus, ont-ils obtenu pendant la durée de leurs fermes tout ce qu’ils ont desiré. principalement cette restitution doit avoir lieu par raport aux dommages et pertes, que la Ville a Suportées par l’execution de tous les projets pernicieux que le S. de Klinglin a proposés.
Pour Spécifier donc les demandes du Magistrat contre la Succession de feu le S. de Klinglin Pere, L’on les divisera en trois points. Le premier consiste en la réception des présens, gratifications, Epingles et pots de vin, que le S. de Klinglin Pere a reçûs à l’occasion des differentes fermes, marchés et aliénations, qui ont été faites Sous Sa Preture.
Le Second point consistera dans le remplacement de la perte que la Ville a Soufferte dans ces differentes fermes marchés et aliénations.
Le troisieme point contient la répétition de differentes Sommes, denrées, materiaux et mains d’oeuvre et autres, que le S. de Klinglin s’est apropriés durant Sa Préture aux dépens de la Caisse commune.
Ces différentes demandes sont les unes de nature à ne pouvoir être decidées, que Sur les informations faites par le Parlement de Grenoble, étant relatives au procés criminel instruit contre le S. de Klinglin, et d’où il faut nécessairement tirer les preuves.
Les autres, qui n’ont point de connexité avec le procés criminel, Sont de nature à être decidées par le juge ordinaire, ou par tels commissaires qu’il plaira au Roy de nommer Sur quoy cependant il y a à observer, qu’il y en a plusieurs, qui ne peuvent être decidées facilement que Sur les lieux mêmes où les faits se Sont passés.
L’on rangera donc ces demandes en deux Classes.
La premiere contiendra celles, qui ont trait à la procedure criminelle, d’où il faudroit tirer des Eclaircissemens pour completer la preuve.
La seconde contiendra celles, qui Sont de nature à être traitées séparément par les juges ordinaires, ou autres commissaires. Actuellement même le Magistrat s’est pourvû séparément pour revendiquer les moulins de la Ville. M. l’Intendant a été (f° 75-v) chargé par la Cour de donner Sur ce Son avis. La révendication de la terre d’Illkirch est encore une affaire, que le Magistrat portera Séparement au Conseil des Dépêches en Suppliant Sa Majesté de nommer des commissaires pour la décision de cette contestation.
Premiere Classe
contenant les demandes en restitution et de dommages et interêts, qui ont trait à la procedure criminelle instruite par le Parlement de Grenoble.
Fermes
1° La ferme generale de 1748
Il y a d’abord Sur cet article contre le S. de Klinglin Pere, qui est convenu d’avoir reçû pour l’etablissement de cette ferme une Somme de 6000 lb, qu’il a restitués par aprés, une présomption des plus fortes, ou qu’il a cherché dans cette ferme l’avantage du fermier, ou que le profit luy en est revenu ; Les actes de résiliation de cette ferme font connoitre, que tous les associés ont été Successivement exclûs, et le profit se perd entre les mains de Daudet homme d’affaires du S. de Klinglin et Son Secretaire. Les comptes que ce dernier a rendus au S. de Klinglin, ainsy que les confrontations qu’ils ont suby, doivent contenir la preuve de ce qu’est devenu le profit de cette ferme, et l’on ne peut douter que le S. de Klinglin ne l’ait tiré auquel cas comme Chef du Magistrat Sa Succession ne peut le garder, c’est un gain illégitime fait aux dépens de la Ville, qui doit luy être restitué comme l’on ignore quel en a été le produit, L’on se restraint quant a présent a redemander le profit, que Daudet convient d’avoir tiré de l’accise de la viande donnée par forme d’indemnisation pour la résiliation de la ferme moyennnant un Canon de 25.000 lb, qui dans les moindres années a produit au delà de 55.000 lb, ce qui fait une perte de 30.000 lb et pendant quinze mois que Daudet en a joüi 38.750 lb, que la Ville se croit en droit de répéter quant à présent en Se rapportant aux informations.
La demande en dommages et interêts Sur cet article consiste en la perte, que la Ville a faite pendant 18 mois que cette ferme a duré. L’on produit, (f° 76-v) pour la constater, un Etat de comparaison des differentes années communes, que l’on auroit pû ou dû tirer pour faire un calcul juste. L’on y voit, qu’indépendament du tord fait à la Ville par le choix des années et par la rétrogradation pour trouver une année comune favorable au fermier, et en adoptant en plein le pied sur lequel on a opéré en 1748, il se trouve néanmoins que par la Surprise de M. de Klinglin, qui avoit attendu jusqu’au jour de l’adjudication pour faire comprendre un grand article, dont on n’avoit fait l’Evaluation, et quelques parties déjà affermées, et en insérant d’autres articles dont il n’avoit pas été question, La Ville a fait une perte annuellement de 18.067 lb 5 s. que l’on répéte à Sa Succession, et qui fait pour dix huit mois la Somme de 27.100 lb 17 s. 6 d.
Ferme du Bois de Chauffage
La premiere demande Sur cet objet consiste dans la restitution des présens qu’il a reçûs des fermiers et dont il est convenu, les informations en contienent la preuve, auxquelles l’on Se raporte à cet égard et les déclarations des fermiers consistent
1° en une Somme de 50.000 lb qu’il a touché lors de l’Etablissement de la ferme.
2° en une Somme de 6000 lb pour avoir fait convertir la compétence de Bois de chêne en Bois de hêtre.
3° en une Somme de 10.000 lb lors de la résiliation de cette ferme pour les dommages et interêts accordés aux fermiers.
4° en une Somme de 9000 lb pour avoir favorisé en anticipant les payemens des Sommes que la Ville devoit aux fermiers.
Ces quatre Sommes, que le S. de Klinglin Pere a touchées à l’occasion de cette ferme, se montent à celle de 75.000 lb.
Le Magistrat justifie en outre par l’Etat (f° 77-v) de la quantité de Bois que les fermiers ont livré pendant la durée de cette ferme au prix convenu avec le fermier, et par le prix qu’il en avoit coûté à la Ville avant cette ferme, que l’on a fait une perte de 77.969 lb 6 s. en y ajoutant la Somme de 113.200 lb qu’il a fallu donner au fermier par forme d’indemnités Cela fait une Somme de 191.169 lb 6 s. qui est sortie réellement des coffres de la Ville. L’on ne repete cependant que les pots de vins, que le S. de Klinglin a reçûs pour cette ferme, qu’il avoit arrangée, préparée et meuri aux termes de Sa Lettre.
Ferme des vins
L’on a vu dans le récit des faits la Surprise avec laquelle le S. de Klinglin est parvenu à faire adjuger au nommé Schweighauser pour un canon de 9000 lb les rentes en vin de la Ville, les tords et les pertes que la Ville y a Souffertes.
1° par une perte annuelle de 9500 lb par an ce qui fait pour trois années 28.500 lb et pour la quatrieme, année une perte de 4000 lb
Outre celle faite sur l’abandonnement des vins, que la Ville avoit dans Ses caves, et qui se monte encore à une Somme de 5149 lb 4 s. en toute celle de 37.649 lb 4 s. L’on se borne néanmoins à ce que le S. de Klinglin a tiré du fermier en pots devins, Lesquels montent Suivant la declaration du fermier entendu en l’infomation et confronté au S. de Klinglin à une Somme de 24.400 lb que la Ville répéte.
La derniere ferme des Suifs faite en 1750 a valu des présens de 12.000 lb qui luy Sont provenus des S. Reichard et Gourmand par les mains du S. Simon que l’on répéte.
Aliénations d’immeubles faites durant la Préture du S. de Klinglin
L’on a vû que le S. de Klinglin a proposé l’aliénation des moulins apartenans à la Ville : il est (f° 78-v) convenu au procés, qu’il avoit touché de l’acquereur pour pots de vin 450 Louis d’or. Comme la Ville révendique actuellement Ses moulins, il n’y a point de dommages et interêts à repeter quant à présent à la Succession du S. de Klinglin, par raport à la lézion de cette vente. Mais le Magistrat répéte ici une Somme de 24.000 lb, que le S. de Klinglin a adjugée et fait donner de Son authorité Seule, au nommé Schleber meunier au moulin à huit tournans pour la non joüissance de Son Bail, tandis que par une clause expresse l’acquereur des moulins etoit chargé de tenir le Bail aux Locataires, qui tenoient à Bail les moulins lors de la vente, il a tiré cette Somme indüement de Son authorité privée des coffres de la Ville, il doit la remplacer, d’autant qu’il y a participé pour moitié. Les informations contiennent la preuve de ce fait. L’on redemande donc cette Somme de 24.000 lb.
Aliénations de plusieurs maisons de la Ville en faveur de differens particuliers, dont il doit être question dans les informations
En 1746 l’on vendit une maison au nommé Jean Henry Clady, confiseur, il a donné Sa déclaration, qu’il en avoit payé à la Ville 11.000 lb et 4000 à M. de Klinglin Pere pour pot de vin, que la Ville réclame comme devant faire partie du prix de vente.
Une autre maison fut vendüe en 1747 à Jean Daniel Ehrmann, il en paya à la Ville 4000 lb, au S. de Klinglin Pere 1200 de pot de vin. pour l’acquisition des Baraques Sur le vieux marché aux grains faite en 1749 il en a payé à la Ville 36.000 lb, au Préteur en differentes fois 11.200 lb.
Le nommé Antoine Ducré déclara aussy d’avoir acheté en 1748 un Emplacement. pour cette acquisition luy et Ses associés payerent à la Ville 9600 lb, et à M. de Klinglin Pere 6000, que la Ville répéte.
(f° 79-v) Une autre déclaration faite par le nommé Kostman jardinier porte, qu’en 1749 il auroit acheté un Jardin hors la porte des Bouchers, dont il auroit payé à la Ville 1200 lb, et à M. de Klinglin 1800 lb.
Le nommé Jeannin marchand a declaré pareillement qu’en 1749 il avoit acheté un terrain dans la rüe des Serruriers, dont il auroit payé à la Ville 6020 lb, à M. de Klinglin 4000 lb que la Ville répéte.
Plus la veuve de Jacques William a acheté le magasin de laine en 1749, a payé à la Ville 10000 lb, à M. le Preteur 2000 lb et remis une dette de 1600 lb.
Seconde classe
contenant les demandes en restitution des pertes que la Ville a Souffert par le fait du S. de Klinglin des Sommes qu’il a converties à Son profit, des denrées et matereaux employés à Son usage, dont il n’a point été question dans le procés instruit contre le S. de Klinglin, et qui peuvent être renvoyées par devant les juges ordinaires ou autres commissaires ; parmi lesquelles il y en a, dont la décision dépend de l’inspection des lieux mêmes.
Aliénations
Sur la restitution des Villages d’Illkirch et Graffenstaden le Magistrat intentera particulierement Son action au Conseil d’Etat, et il n’en doit point être question dans le present memoire.
Par la Transaction passée avec les S. Prébendés de la Cathédrale, le S. de Klinglin en leur faisant abandonner deux maisons, et la dixme d’Illkirch, attira à la Ville une charge d’une rente perpétuelle de 1200 lb, qui évaluée au denier vingt forme un capital de 24.000 lb, outre une Somme de 23.000 lb qu’il en couta à la Ville pour remplacer les deux maisons qui avoient été cedées. Cette Transaction étant l’effet des manœuvres du S. de Klinglin, qui peu de tems aprés fut mis en possession de la dixme d’Illkirch, moyennant un contrat Simulé, dans lequel le prix de vente n’a jamais été réalisé. Il paraissoit juste qu’ayant tiré un profit considerable de cette Transaction, ou que Sa Succession rende la dixme d’illkirch à la Ville pour l’indemniser de cette (f° 80-v) nouvelle charge, ou que l’on remplace les Sommes qu’il en coute à la Ville par cette Transaction.
Le Schutterwald a été aliéné pour peu de valeur, le S. de Klinglin doit au moins restituer les pots de vin qu’il en a reçûs et qui doivent être de 6000 lb Suivant une declaration d’un Prevôt de l’autre côté du Rhin, sans compter la lézion que la Ville a Soufferte par cette aliénation faite pour une Somme de 40.000 lb tandis que cette forêt valoit au moins 100.000 lb.
Marchés
Le S. de Klinglin engagea la Ville à faire deux achats de grains. L’un en 1744 et l’autre en 1750, chacun de dix mille Sacs de grains, Sur lesquels, Suputation faite, la Ville perdit Suivant les Etats produits
Sur celuy de 1744, 50.500 lb
Sur celuy de 1750, 401.09 lb 19 s 10 d.
[total] 90.609 lb 19 s. 10 d.
Le S. de Klinglin ayant fait faire de Son authorité pure et privée Sans la moindre participation du Magistrat en 1748 une avance à Moyse Blien Juif de 6000 Sacs de grains à charge de remplacement en nature, Sur lequel la Ville perdit une Somme au moins de 3000 lb, il paroit juste qu’il remplace cette perte : puisqu’outre qu’il a dispensé ce juif de remplacer en nature, il l’a encore favorisé, en fixant le prix de ces grains Sur le pied le plus bas du tems de l’avance, et non Sur le pied du tems du remplacement à faire. La Ville répéte à cet égard Suivant le calcul la Somme de 3000.
Sommes, que le S. de Klinglin a converties à Son usage Sans le gré du Magistrat et à Son insçu.
Le Magistrat avoit fait au S. de Klinglin Pere dans tous Ses voyages à Paris des gratifications. Celles, qu’il luy donna en 1748 et 1750 etoient chacune de 300 Louis d’or, indépendament de cela il fit payer par le S. Andrieux agent de la Ville lors de Son Séjour à Paris ez dites années des deniers de la Ville une grande partie de Sa dépense, montant, Suivant l’Extrait des comptes dud. S. Andrieux, à la Somme de 7104 lb 2 s. que (f° 81-v) la Ville répéte.
Il en va de même des deniers, qui etoient entre les mains du forestier de l’Oedenwald, forêt apartenante à la Ville ; il paroit par les comptes de ce forestier pour les années 1749 et 1750, ainsy que par les pieces justificatives y jointes, et par le procés verbal des Deputés, qu’il a été fourni pour le Service de M. de Klinglin, tant en Bois qu’en deniers, une Somme de 2735 lb 15 s. 8 d. que l’on Se croit en droit de répéter.
Denrées, que le S. de Klinglin s’est fait livrer à l’insçu du Magistrat Scavoir
Le S. de Klinglin Pere en Sa qualité de Préteur Royal avoit à l’exemple des Magistrats et officiers une certaine quantité de Sel de compétence fixée à trois sacs par an, lesquels luy furent réguliérement livrés. Il s’en fit livrer de son authorité bien au par dessus à l’insçu du Magistrat. L’Etat tiré des registres du Magasin à Sel, contenant l’excedant de sa compétence, porte une quantité de 269 Sacs 4 Boisseaux et un quart, qui ont été livrés Sur ses ordres par écrit ou des Billets de Ses Receveurs et domestiques dont les originaux ont été remis à M. de Baron d’Esnans, lesquels évalués en argent font la Somme de 7794 lb 11 s. 4 d. que la Ville répéte.
Coupes de Bois, que le S. de Klinglin a fait faire dans les Isles et terrains de la Ville et terrains de la Ville à Son profit
En 1746 il fit exploiter Suivant le Certificat des forestiers un Canton nommé Kindau, dans lequel l’on coupa entre 60 à 70.000 fagots et environ 100 cordes de Bois, il y est attesté que le S. de Klinglin en tira l’argent, mais les forestiers ne Se souviennent plus de la Somme. Cette quantité peut être evaluée et portée en ligne de compte dans les demandes en restitution.
Il en usa de même en 1749 et 1751 qu’il fit couper dans les Isles de la Ville et vendre à Son profit à Sept Bateliers de Strasbourg, ainsy qu’il apert par leurs Certificats, pour la Somme de 8100 lb 5 s. que la Ville répéte.
En 1752 il fit encore à Son profit une Coupe dans le fossé qui sert de limites de Séparation (f° 82-v) entre le Terrain de la Ville et celluy d’Illkirch, ainsy qu’il conste par le procés verbal des Deputés du Magistrat du 15 février 1752. Mais il eut l’adresse de faire enlever le Tout précipitament. Cela empecha de constater la valeur de cette usurpation et l’on ne peut rien mettre à cet égard en ligne de compte.
Terrains que le S. de Klinglin s’est fait donner par la Ville, dont il doit en partie redevance qu’il n’a jamais payée, et d’autres pour raison desquels on ne luy a fixé aucune redevance
En 1738 on luy abandonna Sur sa demande pour l’etablissement d’une Canardiere un Communal de la Ville contenant 13 arpens 9750 pieds moyennant une redevance annuelle de 12 s. par arpent, qu’il n’a point acquitté. La Succession doit payer cette dette : elle fait pour 15 années la Somme de 120 lb que l’on répéte sans prejudice des rentes courantes, et de ce qu’il peut avoir anticipé au delà du terrain à luy accordé.
En 1749 L’on luy a en trois differentes fois abandonné des terrains faisant ensemble 13 arpens 5575 pieds pour agrandir Sa menagerie Suivant l’Extrait des registres des Communaux, sans luy fixer aucune redevance. Mais comme il paroit par ces Extraits, que par raport à la mauvaise qualité de ces Terrains donnés par les Directeurs des Communaux, sans fixer de redevance, il est juste d’y mettre une redevance. Outre ce qu’il a anticipé pour agrandir Sa menagerie et qui va à une étendüe de 16 arpens 4300 pieds quarrés
Bois, fagots et charbons livrés par la Ville à M. de Klinglin durant sa Préture pour Sa consommation en ville
Depuis l’etablissement de la charge de Préteur Royal dans la Ville de Strasbourg, le Magistrat a fait fournir gratuitement le Bois de cordes et fagots pour la consommation de la Maison du Preteur Royal. cette fourniture etoit illimitée.
Feu M. Obrecht n’en a pas abusé depuis 1685 jusqu’en 1701 qu’il a été en place. rarement la fourniture qu’on luy a faite, excedoit la quantité de 60 cordes et 1500 fagots.
Du tems de feu le S. Jean Baptiste Klinglin cette fourniture avoit augmenté. Depuis 1708 jusqu’en 1725 elle alloit annuellement à 160 cordes et à 2400 fagots.
Lorsqu’en 1725 le S. de Klinglin dernier mort parvint à la Préture, le Magistrat laissa les choses sur le même pied ; parce qu’on se flatoit que cette (f° 83-v) fourniture ne seroit pas plus forte que celle faite à feu Son pere, il en usa effectivement sur le même pied. Mais depuis 1732 jusqu’en 1752 cette fourniture a tellement augmenté qu’en 1751 elle alloit à 8050 fagots et à 617 cordes, Lesquels évalués en argent Sur le pied que la Ville les achetoit, alloient à une Somme de 9752 lb 15 s. cette augmentation provenoit de ce que non seulement il consommoit en ville, mais de ce qu’il en faisoit fournir à Son Boulanger, Blanchisseur, au chenil de Ses chiens, et qu’il en faisoit voiturer à Sa Terre d’Illkirch. Pour faire connoitre avec quelle dissipation il usoit des Benefices, que la Ville luy faisoit, l’on en remit un Etat à M. de Baron d’Esnans.
Comme cette consommation n’étoit pas fixée, l’on en répéte pas ce qu’il luy a été livré pour Son usage en ville.
Mais l’on se croit en droit de répeter ce qui a été fourni à Illkirch, au Chenil, pour la cuisson du pain des chiens de chasse, et au Bacquetier : ce qui se monte à la Somme de 16.272 lb 10 s.
Outre cette consommation immense, il s’est encore fait payer en argent depuis 1738 la compétence en Bois et fagots comme president à la Chambre forestale, qui depuis qu’il en a joüi Se monte à une Somme de 2278 lb 19 s. 4 d. qu’il ne pouvoit percevoir legitimement par raport à la consommation illimitée dont il joüissoit. L’on répéte cette Somme à Sa Succession.
La consommation en charbons,dont la Ville tient toujours un magasin, etoit égalment à sa disposition depuis 1732 jusqu’en 1752. Iil en a usé au prix qu’il en a couté à la Ville pour 20.657 lb 19 s. que l’on en répéte pas, mais qui doit entrer en consideration pour les restitutions cy dessus.
Mains d’oeuvre des ouvriers et matereaux de la Ville qu’il a employés à Son usage
Le S. de Klinglin maitre absolu de disposer de tout, a abusé également en cette partie, Suivant l’Etat remis à M. le Baron d’Esnans, cette dépense causée à la Ville n’est justifiée que par les declarations des (f° 84-v) ouvriers de la Ville, Suivant lesquelles les ouvrages de Serrurerie faits dans sa maison depuis 1732 jusqu’en 1744, et ceux faits depuis 1732 jusqu’en 1752 pour Illkirch, la faisanderie, la Menagerie et le Chateau d’Oberherckheim, montent à la Somme de 7468 lb.
Ceux de Menuiserie depuis 1740 jusqu’en 1752 à celle de 8180 lb 4 s.
La maçonnerie depuis 1742 à 1752 à celle de 4800 lb
Les ouvrages en ferblanc depuis 1738 jusqu’en 1752 à celle de 1630 lb
Ceux du tourneur de la Ville depuis 1732 à 1752 à celle de 673 lb 13 s 8 d.
Les Bois livrés du Chantier de la Ville par l’Inspecteur des ponts depuis 1748 jusqu’à la fin de 1750 à celle de 9747 lb 3 s. 8 d.
Et enfin l’on a produit la declaration du nommé Kramp maitre valet Servant depuis 44 ans à la Cour de Maçonnerie, par laquelle il paroit, que le S. de Klinglin S’est Servi à Son gré des ouvriers et matereaux de la Ville, tant pour Son Batiment de la haute Alsace que pour Illkirch et la menagerie. Et lorsque l’on a voulu en faire la recherche dans les Registres et livres particuliers contenans la dépense de la Cour de maçonnerie et celle de charpente, ces Livres se sont trouvés Suprimés. C’est un fait, qui a été bien de la connoissance du S. de Klinglin, puisqu’il avance si hardiment dans Son memoire, que l’on ne raportera point de preuve la dessus.
Enfin l’on répéte les Sommes, que la Ville a été obligée d’avancer par ordre de la Cour lors de la détemption des S. de Klinglin montantes à celle de 8000 lb.
(f° 85-v) Les concussions exercées par le S. de Klinglin consistent donc
1° dans la réception des presens, Epingles, pots de vin et gratifications, qu’il a reçûs en toutes sortes d’affaires d’administration, telles que les fermes, Baux, marchés, aliénations, qu’il a fait faire à la Ville.
2° dans les pertes qu’il a causées à la Ville par les arrangemens et intrigues, dont il a usé pour procurer aux fermiers, traitans et acquereurs, des avantages aux dépens de la Caisse publique.
3° dans les benefices, qu’il s’est procuré de Son authorité à l’insçû du Magistrat, en convertissant les deniers publics à Son usage, en s’apropriant des Terrains, denrées et matereaux de la Ville et en se Servant des ouvriers de la Ville, dont la main d’oeuvre et les ouvrages ont tourné à Son profit, et le payement neanmoins a été tiré de la caisse publique.
L’on ne parle pas des présens considerables et Sans nombre, que le S. de Klingling a reçûs à l’occasion des Elections, qui ne Sont pas moins prohibés par toutes les Loix.
Le magistrat fonde Sa demande en restitution Sur la disposition des Loix et notament la premiere au Code de Lege Julia repetundarum, dont les termes ordonnent par forme de peine, non Seulement la restitution de ce qui a été parçû indüement et illégitimement, mais le triple audelà. Le motif de cette augmentation est la présomption de droit, qu’il est moralement impossible, qu’un chef qui reçoit indistinctement des présens, ne cause des pertes et des dommages dans une pareille administration.
Ut minus poenæ, disent les Législateurs, metus possit esse multorum, dicam qui male (f° 86-v) egit, ad provinciam quam non nudaverit, cum custodia competenti ire praecipimus : ut non solum, quod ejus non dicam domesticus sed manipularius et minister acceperit, verum etiam quod ipse à provincialibus nostris rapuerit, aut sustulerit, in quadruplum exsolvat invitus.
C’est bien le cas dans lequel s’est trouvé le S. de Klinglin Pere, qui en qualité de Chef s’est fait des profits aux dépens de la Ville et des particuliers, à la restitution desquels sa Succession est tenüe. L’on se contente neanmoins de la part du Magistrat de la restitution simple de ce que le S. de Klinglin a reçû par forme de présens à l’occasion de l’administration publique. Ces Sommes doivent même entrer en compte dans les cas où il y a des dommages et interêts à répéter.
Touchant donc le premier article, qui Sont les présens qu’il a reçûs dans les fermes, marchés et aliénations, le Magistrat raporte pour preuve generale l’aveu contenu au memoire du S. de Klinglin fils, et en particulier Sur chaque fait les dépositions des témoins ouys en l’information, Leurs confrontations avec le S. de Klinglin Pere, et Son aveu distinct Sur chaque point.
Quant aux dommages et interêts résultans des fermes, marchés et aliénations, dont il est avoüé l’autheur dans le memoire, L’on raporte la preuve par les Etats de comparaison de la dépense faite par régie et les prix donnés aux Entrepreneurs, par les extraits des Régistres publics qui constatent la Surprise et les avantages faits aux fermiers, tant lors de l’Etablissement des fermes, que pendant leur durée, et même lors de leur résiliation.
Enfin sur le troisieme article les (f° 87-v) Extraits des Comptes et Registres publics, ainsy que les déclarations des ouvriers, constatent, ce que le S. de Klinglin s’est aproprié tant en deniers, matereaux, terrains, que denrées.
Les principaux motifs de ces demandes en restitution sont le Bien du Service et l’interêt public. L’on n’ignore pas à la Cour, ce que la Ville de Strasbourg fait annuellement pour le Service du Roy, quelles Sont les charges pour les entretiens publics de toute espece. Il importe donc à l’Etat et au public de retrouver par forme d’indemnisation, ce que le S. de Klinglin Pere s’est attribué Sur les revenus publics, en causant dans quelques parties une diminution de recette, et dans d’autres un Superflû de dépense par les présens qu’il a reçus dans les affaires d’administration.
Troisieme chef
Sur lequel le Magistrat a eû l’honneur de prévenir le Ministre, en luy demandant Sa protection, pour obtenir l’exclusion du S. de Klinglin fils de Ses assemblées.
Il n’est pas possible de dissimuler icy Son mécontentement et Sa Sensibilté Sur le procédé du S. de Klinglin fils, en attaquant Si vivement et Si indignement l’honneur et la réputation d’un Corps nombreux et distingué, composé de la plus ancienne noblesse d’Alsace, et des meilleures familles patriciennes de la Ville de Strasbourg. Le Magistrat n’a eû aucune part aux poursuites, qui ont été faites contre les S. de Klinglin. Si, par les Eclaircissemens, que l’on a été obligé de donner à M. le Commissaire du Roy, plusieurs faits ont été dévoilés au désavantage des S. de Klinglin, (f° 88-v) l’on ne pouvoit cacher les veritables causes du dérangement des finances.
Quelle Seroit donc la mortification du Magistrat en voyant rentrer dans Ses assemblées une personne, dont les Sentimens et la façon de penser ne s’accordent pas avec ceux du Magistrat pour le Bien commun et pour l’honneur du corps ? et n’a-t’on pas tout Sujet de craindre, que l’union et la bonne intelligence, qui reünit aujourd’huy tous les Membres de ce Corps, et Surtout la tranquillité qui commence à regner, n’en Soient immanquablement alterées.
Le Bien public, le bon ordre, la tranquilité et Surtout l’honneur du Corps, Sont les motifs, qui engagent le Magistrat à demander au Roy comme une grace particuliere, l’exclusion du S. de Klinglin de Ses Assemblées.