1752, Edit du roi


Archives départementales du Bas-Rhin, cote E 1057

Edit du roi relatif à l’administration des revenus de la ville de Strasbourg (25 juin 1752)


De par le Roy
Sa Majesté ayant été informé qu’il s’etoit introduit des abus considerables dans l’administration des affaires municipales de la Ville de Strasbourg, et que le derangement de ses finances devenoit de jour en jour plus sensible, le zele et l’attachement dont cette Ville luy a donné les preuves les plus distinguées, le bien de son service et les Interests de ses fidels sujets, luy ont paru des motifs Egalement puissans pour la determiner a prendre par Elle même de justes mesures afin de ramener les choses a la regle, c’est dans cette Vuë, qu’elle a Commis le sieur Courchetet d’Esnans son Conseiller en la Cour du Parlement de Besançon pour approfondir sur les Lieux la situation des affaires de Strasbourg, la maniere dont Elles avoient été regies, et tout ce qui pouvoit etre relatif aux deux objets principaux, Elle luy a tracé la suite des operations, qu’il avoit a remplir, en même tems Elle a prevenû le Magistrat de ses intentions et l’a chargé de donner au Sr. d’Esnans toutes les connoissances necessaires. Le Magistrat et le Sr. d’Esnans se sont respectivement portés a ce travail avec toute l’attention et tout l’empressement que sa Majesté s’etoit promis de leur zele et de leur obeissance, Et s’etant fait rendre compte de leurs operations, Elle ne croit pas devoir differer a rendre le reglement que la Ville de Strasbourg attend de sa bienveillance et qui ne sera pas moins une marque de la protection dont Elle l’honore, que de l’attention avec laquelle elle l’a toujours maintenuë dans la jouissance de ses privileges en consequence sa Majesté a ordonné et ordonne ce qui suit.

Article 1°
Les revenus de la Ville continueront d’etre regis et perçus dans la même forme qu’ils le sont a présent, et le Magistrat continuera de jouir de la Liberté d’en passer des adjudications generales ou particulieres, selon que les circonstances l’exigeront.

Article 2°
Il ne sera fait a l’avenir aucune alienation d’immeuble appartenant a la Ville au dessus de 6000 lb sans en avoir obtenu la permission de Sa Majesté et a la charge d’y observer la forme prescrite par les reglemens et par les anciens usages de la province d’Alsace et de la Ville de Strasbourg.

Art. 3
Il ne pourra de même etre fait au Nom de la Ville aucuns Emprunts de quelque Nature qu’ils soient au dessus de la même somme, sans en avoir particulierement obtenu la permission de sa Majesté.

Art. 4.
Il ne sera etabli sur le Bourgeois aucunes nouvelles Impositions de quelque Nature qu’elles puissent etre, ni levé aucuns nouveaux droits sur les meubles, marchandises ou denrées sans la permission expresse de sa Majesté.

Art. 5.
Le Magistrat ne pourra accorder a l’avenir aucun privilege exclusif pour vendre ou acheter des denrées ou Marchandises sans avoir rendu Compte au Secretaire d’Etat ayant le departement d’alsace, des motifs qui l’engageront a vouloir accorder cette grace et en avoir obtenu la permission expresse de sa Majesté.

Art. 6.
Pour parvenir a une meilleure administration et Economie des biens de la Ville de Strasbourg et pour prevenir les derangements, que pourroint y apporter les augmentations de depenses dont il arriveroit que le ditte Ville seroit chargée malapropos, et qui pourroient rejetter ses finances dans le desordre, d’ou sa Majesté songe a les retirer, Elle ordonne au Magistrat de former incessament un Etat contennat toutes les depenses annuelles qu’il estime que peut et doit suporter la ditte Ville, proportionnement a ses revenus et de sorte que les unes ne puissent exceder les autres a l’avenir : que l’Employ des deniers de la Ville soit fait le plus utilement pour son service et pour celuy de la ditte Ville, et que les objets essentiels et utiles ne souffrent point d’Excés des depenses frivoles et superflues qui doivent etre suprimées soit dés a present soit aussitôt qu’il sera possible, Entend sa majesté que cet Etat de depenses, qu’elle veut etre incessament dressé par le Magistrat, luy soit ensuite presenté pour etre par Elle authorisé et servir doresnavant de regle pour le montant des depenses de la Ville qui ne pourront etre augmentées, jusqu’a ce que l’Etat des finances de la ditte Ville permet a sa Majesté de luy en laisser la Liberté, Et pour qu’elle soit en Etat d’en juger, le Preteur Royal sera tenu d’envoyer a la fin de chaque année au Secretaire d’Etat ayant le departement de la guerre un Borderau de la situation des finances de la Ville et un relevé de la recette et des depenses de l’année

Art. 7.
Permet sa Majesté d’employer dans le dit Etat pour memoire seulement les augmentations d’appointemens et emolumens dont jouissent depuis quelques années, mais posterieurement a l’an mil sept cens vingt cinq la plus grande partie des Magistrats et Employés de la Ville de Strasbourg, et qui ont ete adjoutés aux anciens revenus attachés a leurs places pourvû toutes fois qu’il paroisse que le Magistrat en a eû connoissance, qu’il a authorisé les augmentations, ou qu’il les juge utiles : mais l’état des finances de la Ville ne luy permettant pas quant a present de faire les fonds de ces augmentations sans exceder son revenu, sa Majesté veut et ordonne, que lesd. Magistrats et officiers ne puissent jouir reellement quant a present des dites augmentations tant en deniers qu’en bois de Corde, mais qu’elles restent suspendues a commencer du premier juillet de la presente année, jusqu’a ce que, etant informé du bon etat des finances de la Ville, sa Majesté permete au Magistrat d’employer des articles utilement en tout ou partie dans les Comptes de la Ville.

Art. 8.
Dans l’Etat general des depenses de la Ville il sera compris une somme pour etre employée au payement des pensions que le Magistrat a coutûme d’accorder a ceux qui luy ont rendu service, mais sa Majesté en laissant audit Magistrat la liberté de disposer librement de ces pensions entend que la somme qui devra etre destinée a cet usage soit fixée pour l’avenir de sorte que le Magistrat ne puisse remplacer que les pensions qui viendront a vaquer ou augmenter ou diminuer les unes aux depens des autres, mais sans passer la somme determinée. Permettant seulement d’accorder des Expectatives pour avoir lieu a mesure des Vacances. Entend sa Majesté que la somme affectée aux pensions ne puisse jamais etre plus considerable que celle qui est actuellement destinée a cet usage, exhortant même le Magistrat de fixer dés a present au dessous de l’Etat actuel pour que la diminution ait lieu a mesure qu’il s’eteindra des pensions, en cas que le Magistrat ne juge pas a propos d’en retrancher des a present qui luy paroitront inutiles ou mal placées.

Art. 9.
Enfin sa Majesté toujours dans la vuë d’atteindre le but du retablissement des finances de la Ville de Strasbourg dans le meilleur Etat a supprimé et supprime la chambre forestale nouvellement erigée, et tous les Emolumens regles aux officiers qui la composent, exhorte ledit Magistrat a supprimer tous les officiers Employs, chambres et commissions, qu’il jugera luy meme etre inutiles au service de sa Majesté et a celuy de la Ville et dont les frais superflus grossissent l’Etat de ses depenses.

Art. 10.
La chambre d’Economie devant etre regardée comme une des principales du Magistrat par ses fonctions importantes et devant maintenir le bon ordre quand une fois il sera etably dans les finances de la Ville de Strasbourg, il a paru convenable a sa Majesté que cette chambre fût doresnavant composée de maniere qu’elle puisse operer tout le bien qu’on a lieu d’en attendre, dans cette vüe ordonne sa Majesté que les assesseurs de cette chambre qui n’exercoient cy devant leur employ que pendant deux ans y resteront a l’avenir pendant le terme de six années et seront remplacés comme a l’ordinaire apres ce tems par ceux qui seront nommés par les trois chambres appelées secretes pour y servir de meme six années, sans qu’a l’avenir il puisse y avoir dans cette chambre aucun officier perpetuel autre que le Preteur et le Syndic, les officiers a remplacer ne pourront etre choisis que parmis les membres de la Magistrature perpetuel, et cependant pour que tous les administrateurs ne changeant point a la fois entend sa Majesté que de six assesseurs actuels, il n’en soit remplacé cette année qu’un seul, qui sera celuy qui se trouvera avoir été le plus anciennement admis dans la ditte chambre successivement il sera procedé tous les ans a l’Election d’un des assesseurs, jusqu’a ce que les ayent * été changés, ce qui sera doresavant observé par rapport a ceux qui seront choisis pour ces places, Le Stettmeistre et l’ammeistre regens continueront d’etre adjoints a cette Chambre, ainsy que le president noble de la Chambre des quinzes, etant convenable que ces chefs de la Magistrature soient informés de ce qui s’y passe.

Art. 11.
Cette Chambre sera authorisée comme du passé a se faire representer les Comptes tant en general qu’en particulier, ainsy que ceux de toutes les chambres et departemens pour y deliberer et corriger les abus & contraventions qui pourroient s’etre introduits.

Art. 12.
Il sera de même rendu Compte annuellement a la chambre d’economie de l’Employ qui aura été fait par les administrateurs et receveurs des hopitaux et fondations des deniers affectés a ces Etablissemens et a cet effet la forme de celle reddition sera incessament reglée par le Magistrat ainsy que le nombre des preposés et administrateurs, et les sommes qu’ils pourront pretendre pour leurs peines et soins en faisant mention de celles qu’ils touchent actuellement et de celle qu’ils avoient en Mil Sept Cent vingt Cinq,
Le reglement que le Magistrat croira devoir proposer a ce sujet sera presenté a sa Majesté pour etre par elle approuvé. Elle exhorte le Magistrat de Strasbourg à doner des preuves de sa charité envers ses citoyens, en faisant les reglemens les plus avantageux et les plus desinteressés pour l’administration des Etablissemens pieux fondés dans la Ville, et a s’occuper de la perfection, que l’on pourroit aporter a l’employ des fonds consacrés a cet Effet par la pieté de leurs ancestres.

Art. 13.
Nulle depense de quelque consequence ordonnée par qui que ce soit, n’aura lieu, sans avoir passé sous les yeux de cette chambre.

Art. 14.
Cependant tous les decrets et reglemens importans qui en Emaneront, n’auront lieu qu’aprés avoir été ratifiés par l’assemblée des trois chambres de la Magistrature perpetuelle appellées les trois chambres secretes.

Art. 15.
Les fonctions du Preteur Royal continueront d’etre telles qu’elles ont été etablies par l’edit de Creation de Cette charge et les provisions accordées a Ceux qui en ont été pourvûs.

Art. 16.
Le preteur Continuera selon l’usage à donner son avis le premier, soit dans la cas de deliberation ou d’Election d’officiers et les Lettres addressées au Magistrat Continueront d’etre remises au Preteur qui en fera part incessamment et s’il se peut dans les vingt quatre heures au Magistrat.

Art. 17.
Le Magistrat Continuera de demander l’assemblée des chambres au Preteur lorsqu’il le croira necessaire, et il sera obligé de luy exposer en detail la matiere qui devra y etre traitée et le Preteur y donnera son consentement et viendra y presider ou il refusera l’assemblée, et dans ce dernier Cas il rendra Compte a la Cour des raisons de son refus, et le Magistrat pourra aussy y exposer les motifs de sa demande.

Art. 18.
En Cas de Maladie ou Empechement du Preteur si l’assemblée des chambres est jugée necessaire le Magistrat luy fera remettre par ecrit les propositions sur lesquelles il sera question de deliberer, et le Preteur y consentira ou la refusera, s’il le peut dés le même jour par Ecrit, sans qu’il puisse etre pris aucune deliberation sur d’autres objets, que sur ceux qui auront eté par luy agreés sous quelque pretexte que ce soit et en aucun Cas.

Art. 19.
Lorsque le Preteur sera absent de la Ville de Strasbourg et qu’il ne sera point hors de la province d’Alsace, si le Magistrat juge que l’assemblée des chambres soit necessaire il luy en fera part par Lettres Contenant les motifs et la necessité de cette assemblée, et le Preteur sera tenu a faire incessament reponse par ecrit portant la permission ou le refus de cette assemblée au cas qu’il ne puisse pas se transporter luy même au Magistrat.

Art. 20e.
En l’absence du Preteur si l’assemblée des chambres se trouvoit pressante au point de ne pouvoir pas luy en donner avis, En ce Cas cette assemblée pourroit se faire, mais les deliberations qui y seroient prises, s’executeroient par provision sauf a y etre pourvû en definitif en presence du preteur suivant l’exigence du Cas.

Art. 21.
Les Emolumens du Preteur Royal demeureront fixés a dix sept Mille Livres sans y comprendre les fournitures en grains, bois, denrées et Logemens, dont la quantité sera cependant fixée dans l’Etat general des depenses de la Ville.

Art. 22.
Sa Majesté jugeant a propos de retablir l’office de Syndic, dont les fonctions avoient été suspendües, son Intention est que celuy qui sera nommé jouisse des mêmes prerogatives et authorité dont on jouit ses predecesseurs, et les appointemens demeureront fixés a la somme de Sept Mille livres.

Art. 23.
Il sera fait annuellement ou chaque fois qu’il en sera besoin des adjudications au rabais pour chaque Nature d’Entretien fournitures constructions et reparations dont la Ville est chargée pour le service du Roy ou pour l’utilité publique hors ce qui concerne les ponts du Rhin et de la Ville, qui continueront eû Egard aux circonstances de faire par Economie.

Art. 24.
Les adjudications seront precédées de trois publications et affiches et se feront a l’hôtel de Ville par des debutés de la chambre d’economie en presence et a la participation des directeurs des bâtimens, quand il s’agira de cette matiere il en sera dressé procés verbal, et il sera toujours reservé au moins un tiers des payemens a faire aux adjudicataires des Entreprises et Marchés, lequel tiers ne sera payé qu’apres la reception finale des ouvrages et fournitures.

Art. 25.
Chaque ordonnance sera donnée par la chambre competante suivant la matiere et produite a la chambre d’Economie pour en ordonner le payement, Elle sera motivée pour connoitre et distinguer l’objet et la nature de la depense, Elle sera Ensuite Cottée, Numerotée et quittancée pour etre raportée au Compte general du receveur Comptable.

Art. 26.
Il ne sera fait aucun payement de l’argent de la Ville aux Magistrats, officiers commis et Employés de la Ville que par les receveurs generaux appellés les Trois de la Tour aux pfennings dans les caisses desquels tous les autres seront exactement versées et deposées a la reserve des charges fixes, qui y sont attachées, qui seront comme du passé acquittées par les caisses particulieres desquelles recettes et depenses lesdits receveurs generaux rendront un Compte Exact de pieces justificatives

Art. 27.
Il sera rendu chaque année ou toutes les fois que la chambre d’Economie le jugera a propos des comptes exacts et en regle des differentes recettes et depenses dans lesquels seront produits les registres quittances et autres pieces justificatives.

Art. 28.
Il sera conservé des Magazins dependans de la Ville pour y placer des provisions en bled bois de construction pour les ponts et bois de chauffage dont il sera fait des aprovisionemens dans les saisons convenables pour subvenir dans le besoin au service du Roy et de la Ville, lesquels magazins ne seront ouverts que dans les Cas pressans et imprevûs seulement.

Art. 29
Ces Magazins seront a la garde chacun d’un Commis, qui sera chargé de tenir un registre journal, Cotté et paraphé des provisions qui luy seront remises et dont il ne pourra faire aucune Livraison sans ordre par Ecrit du Magistrat pour luy tenir lieu de decharge. Il rendra ses comptes soit en argent ou en Nature d’aprovisionement comme il a été dit cy devant.

Art. 30.
Il ne sera fait aucune Emplette pour la Ville ou pour les Magazins qu’en vertu de Marchés par Ecrit, qui n’auront lieu qu’apres avoir été aprouvés du Magistrat.

Art. 31.
A l’Egard des Logemens des gens de guerre sa Majesté se reserve de declarer ses Intentions lorsque le Magistrat luy aura proposé un reglement a ce sujet ce qu’il sera tenu de faire incessament

Fait a Versailles le vingt huit Juin Mil Sept Cens Cinquante deux ; signé Louis et plus bas signé M. P. de Voyer d’Argenson et scellé du cachet des armes de sa Majesté ./.


Les Maisons de Strasbourg sont présentées à l’aide de Word Press.