Historique de l’hôtel de la préfecture
rédigé par la Ville en 1845 pour argumenter ses droits sur la propriété de l’ancien hôtel prétorial (cote 93 MW 70, archives municipales)
Historique. 1° Période. Depuis les temps anciens jusqu’à la Révolution.
L’emplacement occupé, de nos jours, par l’hôtel dit de la Préfecture et ses dépendances, appartient à la Ville de Strasbourg depuis un temps immémorial.
C’est là, dit-on, que se trouvait en 1359, le cimetière des Israëlites, et que les Strasbourgeois, exaspérés et fanatisés par les ravages horribles de la peste noire et par une révolution politique qui s’accomplissait dans le moment même, brûlèrent près de deux milliers de ces malheureux accusés, dans la Chrétienté entière, d’avoir empoisonné les fontaines.
Une question de droit importante embarrassait quelque peu : il s’agissait de savoir si le Magistrat pouvait, de son autorité et sans l’obtention préalable d’un Decretum alienendi, aliéner une portion quelconque des biens de la Ville. Les avocats généraux de la ville et les Commissaires, leurs collègues, n’en trouvèrent pas moins moyen d’arranger la chose au gré du Préteur royal. À l’aide de distinctions subtiles entre les bona universitalis et les bona patrimonalia de la Ville, la commission porta le Conseil à décider en principe que le droit d’aliénation appartenait légalement au Magistrat, au cas particulier. D’un autre côté, et pour montrer que la Ville pouvait, sans difficulté, se défaire de son chantier de maçonnerie, lequel, disait-on, était à considérer comme étant à peu près vacant et comme étant désormais inutile, on se prévalut du nouveau système d’économie récemment introduit dans l’administration. Ce fut, bien certainement aussi, dans la vue de simplifier l’affaire, que l’on se hâta, dès le 20 décembre, et avant que la décision finale ne fût intervenue, de transférer ce chantier dans l’enclos situé au bas du rempart, entre la porte de Juifs et celle des pécheurs, où le chantier de charpenterie se trouvait établi depuis L’Isle et où, disait-on, les deux chantiers séparés jusqu’alors, pouvaient fort bien exister réunis, l’un à côté de l’autre.
Comme il était à prévoir, M. De Klinglin obtint donc la concession demandée. Dans le fait, on alla même au-delà de des vœux, tels, du moins, qu’ils étaient exprimés dans son mémoire. Effectivement , la suite des faits fera voir que cette concession peut être considérée comme ayant été gratuite, ou à peu près, car le prétendu canon ou rente foncière annuelle de 25 livres pfennings anc. monnoie de Strasbourg (« einen jährlichen Canon oder bodenzinß von 25 Pfund Pfenning », c’était 50 florins ou 100 livres), que, par un reste de pudeur, on jugea d’abord convenable de stipuler au profit de la Ville, afin de lui conserver, pour le moins, le Dominium directe ; cette rente qui, en réalité paroit n’avoir jamais été servie, et que, d’ailleurs, on se hâta, peu d’années après, de réduire à une somme insignifiante, cette rente, dis-je, ne saurait être regardée comme équivalant à un prix de vente. Toutefois le Conseil des Treize fit encore quelques réserves. Il fut stipulé, d’une part, que ni le Préteur royal, ni aucun propriétaire subséquent de l’emplacement concédé, ne pourraient y élever de construction qu’à la distance de 16 pieds ancienne mesure de Strasbourg, de l’ancien grenier de la ville attenant à l’enclos ; et d’autre part que la ville aurait toujours en cas de revente du terrain et de l’hôtel à y construire, « le droit de préachat et de rentrée en propriété » (« das Vorkauf und Einstands: Recht ».)
C’est avec ces réserves, et sous condition de ladite rente à payer à la Caisse communale, que le Conseil des XIII se déclara pour la cession, dans la séance du 22. Décembre. (voy. Memoriale des XIII de 1730. p. 273. 286. et 313 et s.)
Dès le lendemain, 23 Décembre, cette décision fut soumise au Conseil des XXI. lequel, à son tour, s’empressa de la ratifier. (Memoriale des XXI de 1730. p. 385. et s.)
La Vente fut passée à la Chambre des Contrats de la ville le 3. Janvier 1731.
La sixième année à peine allait s’écouler, depuis ce jour, quand M. De Klinglin, auquel le Magistrat venait de donner (en 1735) la Seigneurie d’Illkirch et Grafenstaden en échange du village de Hoenheim, avec la troisième partie des dîmes de Hüttenheim, fit entendre à plusieurs Sénateurs : « que la rente mise en 1730 sur le terrain à lui cédé par la ville était trop élevée, et que ce serait pour lui une satisfaction toute particulière si cette rente était totalement supprimée ou du moins considérablement amoindrie. » Et le Conseil des XIII, en considération, est-il dit, des services rendus à Strasbourg par le Préteur royal, et pour conserver à la ville la faveur de ce fonctionnaire tout puissant, de s’empresser de prévenir les désirs de celui, pour lequel, quelques années plus tard, le Magistrat ne sut accumuler assez d’outrages et d’accusations. La chose fut arrêtée dès la séance du 7 décembre 1736. (XIII Memoriale p. 348. et s.) ; et dans celle du 10. intervint la décision de ce Conseil : « que le canon (la rente) ne sera pas entièrement supprimé mais réduit à cinq Schillings au lieu de 50 florins pour la conservation du Dominium directe ». Soigneux des intérets de M. De Klinglin, lequel à ce qu’il paroit s’était bien gardée d’acquitter la rente trop onéreuse à ses yeux, les Treize ajoutèrent : « que les rentes échues, qui pourraient encore être dûes, seront remises ». Toutefois quant aux autres réserves contenues au Contrat, elles furent toutes maintenues (Ibid. p. 350 et 5.)
Ce n’était pas assez que la Ville ne perçut même pas la rente stipulée en sa faveur dans la soidisant vente de 1730. Le Magistrat poussa la condescendance jusqu’à permettre, ouvertement ou tacitement, que M. De Klinglin construisît son hôtel somptueux aux frais de la Cité.
Ce dernier fait était notoire dans tout Strasbourg ; et il l’est même encore aujourd’hui. Ce ne fut pas un des moindres griefs que la bourgeoisie fit à l’ancien Magistrat quand éclata la révolution de 89. Le fait d’ailleurs est bien constaté. Dans un mémoire, rédigé peu de temps après la mort de M. De Klinglin, le Magistrat lui-même dit expressément : « que M. De Klinglin fit construire un hôtel sur un emplacement que la Ville lui donna, et qu’il eut le secret de faire entrer par son despotisme et des intrigues dans cette dépense pour une bonne partie la Caisse communale ». Plus loin encore, en parlant de l’hôtel de M. De Klinglin, le Magistrat dit « ce bâtiment auquel la caisse communale a tant contribué. » (Voy. le Mémoire déjà cité U.C.G. Corp. F. Lad : 11. fasc. 8. N° 4) Le procès en prévarication que le Magistrat, naguère si rampant envers M. De Klinglin, intenta dans la suite, à ce haut fonctionnaire, en contient la preuve. Les dépositions de tous les chefs de chantier et ouvriers de la Ville, dépositions consignées au Protocolle des Conférences des huit députés du 7 février 1752, démontrent que l’hôtel fut entièrement construit aux frais de la ville. (Conf. aussi, à ce sujet, le fameux factum de Beck, p. 71) Aussi, longtems après, M. Herrmann, Maire de Strasbourg, put il dire ouvertement, dans des rapports adressés au Préfet du Bas-Rhin, en 1811, que M. De Klinglin éleva son édifice, « notoirement moins de ses deniers que des fonds et matériaux de la ville », assertion que M. Brackenhoffer, Maire répêta, plus tard, à peu près dans les mêmes termes, en disant que « la Ville fournit à M. De Klinglin trop libéralement et les matériaux et la main d’œuvre » (voy. plus bas à l’an XIII et à l’année 1811.)
Les faveurs coupables témoignées, dans cette affaire, à M. De Klinglin, par le Magistrat, ne s’arrêtèrent pas là.
En dépit des ressources que cet habile diplomate savait, sans cesse, se ménager, au grand détriment du patrimoine de Strasbourg, le train somptueux qu’il menait finit par l’endetter considérablement, au point qu’en 1744 son nouvel hôtel, à lui seul, était hypothéqué pour 89 000 livres. Pour se tirer de difficulté, le Préteur royal prit encore recours à un moyen qui, jusqu’alors, ne lui avait jamais fait défaut : il songea à soutirer à la caisse communale les sommes qu’il lui fallait pour payer ses dettes et, cette fois encore, il y réussit.
Il eut le front d’offrir au Magistrat de revendre à la ville, l’emplacement qu’il en tenait, avec l’hôtel, que cependant, suivant l’expression trop vraie des maires Herrmann et Brackenhoffer, « la ville avait déjà plus que payé » (Rapports et lettres cités.) Et le Magistrat, toujours attentif aux moindres désirs du Préteur royal, de crainte d’encourir la disgrâce de ce despote en petit pied, en dépit de ses concessions sans fin, le Magistrat s’empressa de souscrire à cette nouvelle exigence de M. De Klinglin, comblant de cette manière, il faut le dire, la mesure de sa coupable condescendance.
Le Protocolle de la Chambre des Treize de 1777 contenait (pages 320, 329 et 337 et s.) les discussions qui eurent lieu à ce sujet, dans le Conseil. Ce Protocolle n’existe plus : il a, sans nul doute, disparu au sac de l’ancien hôtel de ville, le 21 Juin 1789, cette autre époque de douloureuse mémoire, à laquelle se rattache encore le nom funeste à Strasbourg d’un Klinglin, celui du Lieutenant du Roi, fils du Préteur royal, qui, présent sur les lieux, à la tête de la force armée, fut tranquille spectateur des désordres incroyables commis dans cette journée néfaste. Mais, à défaut de ces procès-verbaux, le témoignage unanime des contemporains ferait déjà preuve suffisante du Contrat honteux auquel le Magistrat eut la foiblesse de souscrire, si cette convention, passée à la Chambre des Contrats de la Ville, le 26 juin 1744, le jour même où les Treize consentirent à la vente, n’existait plus. Une expédition authentique et plusieurs copies et traductions, s’en conservent encore aux Archives de la ville. (U.C.G. Corp. F. Lad: 41. Fasc. 26. N° 16.)
Ce Contrat porte : « que le très noble Seigneur, Messire François Joseph de Klinglin, Seigneur de Hattstatt, Illkirch et autres lieux, Chevalier et Conseiller honoraire au Conseil souverain d’Alsace, et Préteur Royal de cette ville, et la très noble Dame Françoise née Deshons, son épouse, &c, vendent à Messieurs François Charles Bock de Blaesheim, Stettmeistre, Jean Jâques Richshoffer, ancien Ammeistre, et Jean Philippe Gangolff, tous trois Assesseurs à la Chambre des XIII, agissant en qualité de Commissaires à ce spécialement députés, par ladite chambre, en vertu du décret du 26 de ce mois de juin, comparaissant au nom de la Ville de Strasbourg, un hôtel nouvellement construit, avec tous ses bâtimens, jardins, cours, appartenances, et dépendances, situé en cette ville , rue Brûlée donnant d’un côté sur la ruelle de la Cour des maçons et la maison du Sr Erlacher, architecte de la cathédrale, de l’autre, en partie sur une maison canonicale appartenant au Grand Chapitre, et en partie sur le grenier de la Ville, par derrière sur le fossé intérieur de la ville vis à vis la porte des Juifs, lequel hôtel avec les appartenances et dépendances susdites, lesdits époux Klinglin ont déclaré leur appartenir en pour, franc et quitte, suivant les titres et documents remis entre les mains des commissaires députés, à l’exception néanmoins des capitaux ci-après, affecté sur ledit hôtel… La présente vente » continue le contrat, « a été faite, ledit hôtel réputé libre et sans charge, pour la somme de cinquante mille livres pfennings, valeur de Strasbourg, ou deux cents mille livres tournois, à compte desquels il a déjà été payé une somme de six mille deux cents cinquante livres pfennings ou vingt cinq mille livres tournois, comme lesdits vendeur et venderesse conviennent les avoir reçus, en donnant quittance et décharge. Les 43 750 livres pfennings, ou 175 000 livres tournois, restant du prix d’achat, seront payés dans l’espace de sept années consécutives à dater d’aujourd’hui et cela en sept termes et paiements égaux » (aux époques stipulées au Contrat). « Concernant les intérêts, il a été stipulé que de tout le prix d’achat restant, il ne serait payé, en général, que mille cinq cents livres pfenning ou six mille livres tournois, et cela en trois termes (marqués au Contrat). Suit alors l’indication des capitaux pour lesquels l’hôtel était hypothéqué, et qui montaient ensemble à la somme, déjà énoncée, de 89 000 livres. « Finalement », porte le Contrat, « Monsieur le Préteur Royal s’est expressément réservé (sans laquelle clause » est-il ajouté « le présent contrat d’achat et de vente n’aurait pas eu lieu) qu’aussi longtemps qu’il exercera la charge de Préteur royal en cette ville, la demeure dans ledit hôtel vendu, doit lui être assurée, ce qui de la part de la Ville lui a été promis sous l’hypothèque spéciale dudit hôtel. » &c &c
Ce contrat reçut son exécution. M. De Klinglin occupa l’hôtel jusqu’au moment où il fut emprisonné, et après sa mort, sa dame y logea pendant quelque tems encore.
Après la mort du Préteur royal, le Magistrat dut songer à tirer parti et à faire un usage profitable à la commune, de l’hôtel désigné alors sous le nom d’hôtel prétorial. M. De Regemorte, successeur de M. De Klinglin, ne trouvant pas à sa convenance cet hôtel trop vaste et exigeant un domestique nombreux, avait déclaré dès l’origine qu’il ne voulait pas y demeurer et qu’à ce sujet, on ne devait avoir nul égard à lui.
Quelques membres du Magistrat avaient alors conçu un projet qui consistait : « à faire une maison de ville de l’hôtel et de vendre l’emplacement où était alors l’hôtel de ville (aujourd’hui l’hôtel du Commerce) pour le prix en être employé à l’acquittement des dettes de la ville. » Il existe aux Archives un mémoire, rédigé au nom du Magistrat, et adressé au Roi, dans lequel on demande que le Gouvernement autorise cette translation. (C’est le mémoire déjà cité U.C.G. Corp. F. Lad: 11. fasc. 8, N° 4.) Le nouveau Préteur royal désapprouvait ce plan, par les motifs que l’hôtel prétorial, se trouvant à l’extrémité de la ville, n’aurait guère été propre à être converti en maison de ville, et ensuite parce que le trésor communal aurait perdu par ce changement les loyers considérables qu’il tirait des boutiques situées sous l’ancien hôtel de ville et les caves du même édifice, lesquelles, disait-on, étaient indispensables à l’administration.
Le Ministre, comte d’Argenson, entra complètement dans les vues du Préteur De Regemorte, désapprouva le projet en question, par les motifs qui viennent d’être énoncés. Toutefois, dans une audience qu’il donna au Préteur royal, le ministre déclara expressément, afin que M. De Regemorte le témoignât au Magistrat : « qu’il était juste de laisser à Messieurs du Magistrat la disposition de l’hôtel prétorial et qu’il ne prétendait pas les gêner dans l’usage qu’ils voudraient faire. » Néanmoins, le Ministre ajouta que « comme il n’y a aucune apparence qu’il se présente un acquéreur pour l’hôtel prétorial, il estimait que le meilleur usage que la Ville pourrait faire dudit hôtel, ce serait de le donner à Mr l’Intendant, et de vendre les différentes maisons qui forment l’Intendance. »
Dans une lettre, écrite de Paris, le 1° Mars 1753, le Préteur Royal fit part au Magistrat des paroles et des vues du Ministre. Après cela, il ajouta : « Par ce détail, vous voyez, Messieurs, que quoyque l’intention du Ministre ne soit pas d’ôter au Magistrat la libre disposition de l’hôtel prétorial, qu’il sente qu’il est trop étendu pour être occupé par les Préteurs, il paroit néantmoins convaincu que le Magistrat ne peut pas en faire un meilleur usage qu’en l’affectant à l’Intendance. » M. De Regemorte termina sa lettre en priant le Magistrat de lui marquer la réponse qu’il aura à faire au ministre. (Voy. l’original de la lettre U.C.G. Corp. F. Lad. 11. fasc. 8. N° 52. Elle est transcrite au protocolle des Trois Chambres secrètes de 1753. p. 81 et s.).
A cette époque des vœux ministériels équivalaient presque à des ordres pour le Magistrat de Strasbourg. Ce corps, tout en s’efforçant, dans toutes les occasions, de résister aux envahissements incessans du Gouvernement et de conserver intacts les anciens privilèges de la République Strasbourgeoise, que l’on ne respectait pas toujours autant qu’il le désirait à Paris, bien que la capitulation de 1681 en eût garanti la conservation pleine et entière à la ville, le magistrat, dis-je, n’en céda pas moins le plus souvent, montrant la plus grande déférence dès qu’il s’agissait de vœux du roi ou de ses ministres. Il en fut ainsi, dans cette occasion, comme dans maintes autres.
Il fut donné lecture de la lettre du Préteur Royal dans la séance des trois chambres secrètes du 10 mars 1753, et la discussion s’engagea dès lors. Les Avocats Généraux de la Ville et l’Ammeistre régnant opinèrent pour la proposition du Ministre. On ne songea qu’à prendre les mesures nécessaires pour ne pas exposer la ville à faire des constructions nouvelles en cas de translation de l’Intendance à l’hôtel prétorial. En même temps, on crut trouver là une occasion favorable pour obtenir de la Cour que la Ville fût libérée des charges qui lui avaient été injustement imposées envers les Intendants, ou du moins pour obtenir un allégement et une fixation équitable et déterminée de ces charges, consistant en fournitures de bois, de meubles et d’ustensiles. Ces dépenses très onéreuses auraient d’autant moins dû retomber sur la Ville, qu’en vertu de sa capitulation, Strasbourg n’était pas subordonné à l’Intendance comme les autres villes d’Alsace. Légalement la ville n’aurait donc dû être tenue à aucune obligation envers les Intendants de la Province, vu qu’elle ne relevait d’eux en aucune manière, et que ces fonctionnaires royaux avaient simplement leur résidence à Strasbourg.
Par déférence pour le Ministre, Comte d’Argenson, les trois chambres secrètes décidèrent, dans la même séance du 10 mars, « que l’hôtel prétorial, devenu vacant par la mort de M. De Klinglin, sera affecté à l’Intendance, et que les bâtimens de l’Intendance actuelle seront vendus, pour le prix en provenant être consacré à l’acquittement des dettes de la Ville. » De plus, sur la proposition du XV Kornmann, il fut arrêté que, dans la lettre à écrire au Préteur Royal, le Magistrat priera ce fonctionnaire de faire les démarches à la Cour, afin que la Ville soit affranchie, non seulement des constructions qu’il s’agira, peut-être, de faire à l’hôtel, pour la translation de l’Intendance, mais aussi afin qu’au moyen de 4000 livres en argent, qu’en vertu d’un règlement de la Cour, elle payait annuellement à l’Intendant pour bois, meubles et ustensiles, elle soit exemptée désormais des fournitures, en nature, fournitures qu’elle faisait donc doublement, et qui, si elles continuaient à rester à la charge de la Ville, menaçaient de devenir plus onéreuses encore quand une fois l’intendance aurait été transférée dans le vaste et somptueux l’hôtel de la rue brûlée. Le Préteur Royal devait insister afin que ces obligations fûssent imposées à l’avenir à la Province, à laquelle elles seraient revenues de droit, ou pour qu’au moins, dans le cas où la Ville ne réussirait pas à s’en affranchir, cette charge fût modérée et fixée de façon que la dépense ne fût plus si forte à l’avenir. Il fut donc décidé que des lettres, rédigées dans de sens, seraient écrites au Préteur Royal et au Ministre, Comte d’Argenson, et de plus aussi que « par politesse », on écrirait également au nouvel Intendant, Mr de Lucé, pour lui offrir l’hôtel prétorial. » (3 Gst Prot. 1753. p. 81 er s.)
Les lettres, déjà préparées, furent donc refaites et changées dans ce sens. Il en fut donné lecture et la rédaction en fut approuvée, dans la séance des trois Chambres secrètes, du 12 Mars. (Ibid. p. 92 et s.) Dans la lettre adressée au Comte d’Argenson, le Magistrat remercie notamment ce ministre : « de lui avoir fait la grace de lui laisser la libre disposition de l’hôtel prétorial. » Les deux autres lettres font également mention de ce que le Gouvernement a laissé à la Ville la libre disposition de son hôtel. Toutes trois portent la date du 12 Mars 1753. (Voy. ces lettres U.C.G. Corp. F. Lad: 11. fasc. 8. N° 52.a.b et c., elles sont transcrites au protocolle des Trois Chambres secrètes, à l’endroit cité.)
Dans la lettre que le Magistrat écrivit, par politesse, à M. De Lucé, il dit : « que Monseigneur le Comte d’Argenson approuvant que nous en disposions librement (de l’hôtel), nous nous faisons, Monsieur, un vrai plaisir de vous l’offrir tel qu’il est et de saisir cette première occasion de vous marquer combien nous désirons de mériter votre bienveillance. ». L’Intendant, répondant au Magistrat, le 19 Mars, s’empressa de lui « rendre mille actions de grace, qu’il ait bien voulu lui destiner la maison, occupée précédemment par feu Mr De Klinglin », et lui donna l’assurance : « qu’il recherchera toujours avec empressement l’occasion de lui prouver sa reconnaissance. (voy. la Lettre de Mr De Lucé, l. c.)
Malgré l’empressement que le Magistrat venait de mettre à exécuter les désirs ministériels, on ne lui tint pas grand compte, à Paris, des réserves qu’il avait ajoutées à son consentement. Une lettre conçue en termes de cour, et donnant de simples espérances, fut la réponse. Le 26 Mars, le Préteur Royal fit savoir au Magistrat : « que le Ministre a fort approuvé la destination que vous avez faite de l’hôtel prétorial en l’affectant à Messieurs les Intendants, qu’il est aussi préoccupé du rétablissement des finances de Strasbourg que le Magistrat pouvait l’être lui-même, » mais que « les longues possessions, en pareil cas, valent libre, et que, par conséquent, les charges devaient subsister avec cette seule restriction qu’il y aurait une fixation pour le bois de chauffage. Le Préteur ajouta que M. De Lucé étant plein de justice cela lui « fait espérer que la fixation que la cour fera ne sera pas trop onéreuse à la Ville. » Il annonça enfin au Magistrat : « qu’il n’y a pas eu moyen de rejetter en partie cette charge sur la Province. » (Voy. cette lettre U.C.G. Corp. F. Lad: 11. fasc. 8. N° 16.)
Les constructions à faire à l’hôtel cidevant prétorial, par suite de son affectation à l’Intendance, finirent également par retomber à la charge du trésor communal, quelque peine qu’eût prise le Magistrat à en faire affranchir la ville. Pendant quelques années encore, les Archives de l’Intendance restèrent à l’ancienne Intendance, ce qui ne laissait pas que d’être très incommode. M. De Lucé se plaignit même de manquer de place au nouvel hôtel pour conserver les papiers de son administration.
Pour remédier à cet inconvénient, l’Intendant s’adressa, en 1758, au Magistrat, et lui exprima le désir : « qu’un corps de logis, pouvant servir de Bureau, soit élevé, aux frais de la Ville, à main droite, en entrant dans la cour intérieure de l’Intendance, sur l’emplacement où il a présentement une plantation d’arbres. »
Quelque fût le désir du Magistrat d’éviter à la Ville les frais d’une construction si considérable, dans un enclos qui, à la vérité, était une propriété communale, mais dont, en définitive, la ville ne retirait aucun profit et dont elle avait indéfiniment engagé la jouissance, il n’en finit pas moins par souscrire aux vœux de l’intendant, afin d’obliger personnellement ce fonctionnaire et d’entretenir les bons rapports qui, jusqu’alors, n’avaient cessé de régner entre lui et M. De Lucé. Après avoir demandé les renseignemens nécessaires aux Directeurs des Bâtimens et fait dresser un plan et des devis par l’architecte de la Ville, le Conseil des XXI consentit à faire faire la construction demandée par l’intendant aux frais de la ville, en se conformant au plan arrêté. La décision intervint le 13 novembre de ladite année 1758. (XXI Memoriale, p. 201 et s. et Protocolle des Trois de la Tour aux Pfennings et des Directeurs des Bâtimens f. 48.b et U.C.G. Corp. F. Lad: 11. fasc. 8.)
La construction de ce pavillon latéral, où furent établis dès lors les Bureaux de l’Intendance, valut au trésor communal une dépense de 30 à 40 000 livres. En y ajoutant ce que la ville dépensa en frais d’augmentation, de réparation et de changemens qu’il fallut faire au bâtiment principal, on trouve qu’elle y mit en tout 150 000 livres (U.C.G. botes dans la liasse précitée. Conseil Municipal, vol. An 1806 à 1812, p. 217) De plus il faut ajouter que, pendant près de trente années, encore à partir de 1758, la ville continua à payer les frais d’entretien et de réparation ainsi que les contributions publiques, que d’ailleurs, disons-le dès à présent, elle a payées sans interruption, jusque dans les temps récens. Aussi, dans une note conservée aux Archives, prétend on, que l’hôtel a coûté à la Ville au-delà d’un million (Ibid.), et, certes à en juger par l’historique qui précède et par les faits qui seront encore rapportés, cette assertion ne paroîtra nullement exagérée.
Les finances de la ville s’embrouillèrent de plus en plus. Le Gouvernement au lieu d’alléger les charges qu’il avait imposées à la Ville, contrairement à la Capitulation de 1681, trouvait d’année en année occasion d’y ajouter de nouvelles. Les demandes de dons gratuits – c’est le nom que le gouvernement donnait aux sommes qu’il extorquait à Strasbourg, sous le titre de libéralité de la part de la Ville, vû que la Capitulation avoit exempté cette dernière de toute contribution – et les impositions et taxes nouvelles, de toutes espèces, se succédaient sans interruption. Les bâtimens que la ville fit élever, « pour le service du Roi », depuis 1736 jusqu’en 1752, donc dans ce court espace de seize années, lui coûtèrent, à eux seuls, la somme énorme de 660,200 livres. (Voy. l’Estimation du payeur et du maître maçon de la ville, du 3 mars 1752, U.C.G. l. c. N° 3.a) aussi les dettes et le déficit s’accrûrent avec une rapidité tellement alarmante qu’en 1785, la dépense dépassait, année commune, les recettes de 88,000 livres (3 Ghst. Prot. 1785. p. 31. Lettre du Ministre Maréchal de Ségur, à M. Gérard, Préteur Royal.)
Le Magistrat dut donc, plus sérieusement que jamais, songer au rétablissement des finances de la Ville. déjà les membres avaient pris la résolution patriotique de faire le sacrifice volontaire d’une partie de leurs appointemens (Ibid.). Fatigué du grand nombre et du poids toujours croissant des charges que le gouvernement ne cessait de lui imposer, souvent sous les prétextes les plus spécieux, et qui, le plus souvent même, n’avaient aucun rapport avec l’administration, les obligations et les intérets de la ville, le Magistrat, voyant sans cesse s’agrandir le gouffre du déficit, sans que les recettes augmentassent de leur côté, se décida à faire des doléances au Roi et à supplier le Monarque d’accorder quelques soulagemens à la caisse patrimoniale de Strasbourg.
Le Préteur Royal et le Magistrat soumirent donc au Roi un mémoire « contenant des représentations touchant l’extrême disproportion qui se trouve entre les revenus et les charges de la Ville de Strasbourg. »
Un article de ce mémoire se rapporte à l’hôtel de l’Intendance. Se voyant chargée de l’entretien assez dispendieux de cet hôtel dont elle n’avait que la nue propriété depuis qu’il était affecté à l’Intendance, qui ne lui valait que des sacrifices et pour lequel elle ne pouvait avoir alors qu’une espérance incertaine et lointaine, d’en reprendre un jour la jouissance, la Ville offrit au gouvernement de lui abandonner cet hôtel qu’elle avoit cependant si chèrement acquis. Elle en fit de même quant à l’hôtel occupé par le Gouverneur de la province (modo le Palais de Justice), et à celui où logeait le sous-gouverneur ou Commandant en second.
Le 14 Mars 1785, le Ministre, Maréchal de Ségur, écrivit au Préteur Royal, qui avait été en personne à Paris et y avait fait des démarches afin que la Cour agréât les doléances du Magistrat dont il était le chef, une longue lettre pour lui faire part « des soulagemens que le Roi voulut accorder à la Caisse patrimoniale de Strasbourg. » suivant le Ministre, les suppressions de charges et les arrangemens admis par le Roi, devaient produire une diminution de 58 540 livres sur les dépenses. Le Préteur Royal donna communication au Magistrat de la lettre ministérielle. Il en fut donné lecture, le 19 mars, aux trois Chambres secrètes, qui s’empressèrent de faire parvenir à la Cour leurs très humbles remerciemens et d’arrêter que l’on prendra aussitôt les mesures nécessaires pour exécuter celles des suppressions et réductions accordées qui pouvaient être réalisées (3 Ghst Prot. 1885. p. 32 et 34.)
Le Gouvernement se garda bien d’accueillir l’offre que lui avoit faite le Magistrat de l’hôtel de l’Intendance. Nullement désireux de se charger d’une propriété si dispendieuse, il se borna à décider que, désormais, l’entretien en serait mis au compte de la Province. Il lui était bien plus commode de laisser à la Ville de Strasbourg des obligations que jamais il n’aurait dû lui imposer.
Voici le passage même de la lettre du Maréchal de Ségur qui se rapporte à l’hôtel de l’Intendance : « Son intention (celle du roi) est que les réparations et l’entretien, tant des hôtels des Commandants et de l’Intendant de la Province, que des casernes de la ville, objets qui annuellement montent ensemble à 15000 lt. ne soient plus désormais à la charge de la Caisse patrimoniale. Les trois hôtels seront entretenus aux frais de la province, et les casernes aux dépens du Roi. Je donne les ordres nécessaires. » (3 Ghst Prot. p. 32.)
Il n’y avait que justice de la part du Gouvernement à en agir ainsi. Il ne pouvait pas moins faire, en définitive, que de mettre à la charge de la Province une dépense que cette dernière aurait dû supporter dès l’origine. Certes, la ville avait été assez généreuse en consentant à affecter une de ses plus belles propriétés à un service provincial qui ne l’intéressait aucunement, et en permettant que la province jouît gratuitement jusqu’alors de l’hôtel avec son vaste enclos. C’était encore plus qu’assez que la contribution foncière continuât, comme par le passé, à la charge de la Caisse patrimoniale.
Un autre passage de la lettre du Maréchal de Ségur exprime, d’une manière générale, le principe tout équitable qui fit prendre cette décision. Il y est interdit au Magistrat de faire désormais figurer, dans ses comptes, les frais de répartition ou d’entretien, dans les maisons qui sont propriétés de la ville, mais occupées gratuitement pour le service du Roi ou autrement. Le roi veut, porte la lettre : que le Magistrat ne puisse pas non plus passer en compte les frais de réparation locatives, dans les maisons appartenantes à la Ville, qui sont occupée à titre gratuit ; réparations dont ceux qui les habitent seront désormais tenus. » (Ibid. p. 34.) L’hôtel affecté, depuis 1753, à la demeure de l’Intendant, se trouvait bien compris au nombre des propriétés communales auxquelles devait s’appliquer dès lors la règle générale posée par le Roi, le Gouvernement n’eût-il même pas encore décidé le cas spécial.
Disons encore que le décision des Trois Chambres secrètes, du 19 mars, porte aussi : « que l’on fera part, dans les termes les plus obligeans, à Mr L’Intendant du Roi, des soulagemens qui ont été accordés et auxquels il a contribué par un avis favorable. »
Il était indispensable d’entrer dans ces détails pour faire voir, d’une part, au prix de combien de sacrifices la ville a fait l’acquisition de l’hôtel de la Préfecture ; et d’autre part, que jamais, sous l’ancien régime, ni le gouvernement, ni la province, n’ont élevé la moindre prétention à la propriété de cet hôtel, propriété qui était restée à la ville et qui était universellement reconnue.
Ce qui se passe en 1785 est surtout d’une haute importance, car c’est uniquement du défaut de connaissance exacte de la décision royale de cette année, que nacquirent les difficultés suscitées à la Ville depuis la révolution, au sujet d’un droit de propriété qui jusqu’alors n’avait été jamais méconnu, et qui, d’ailleurs, même depuis, n’a jamais été dénié expressément par le Département.
2° Période. Depuis la Révolution jusqu’à nos jours
La Révolution de 89 trouva donc la ville de Strasbourg propriétaire paisible et reconnu de l’hôtel dit aujourd’hui de la Préfecture.
Les choses restèrent sur l’ancien pied jusque dans l’été de l’année 1790, c’est-à-dire jusqu’à la suppression des Intendances. Cette suppression eut lieu par lettres patentes du Roi du 4 juillet de ladite année rendues sur décret de l’assemblée nationale du 26 Juin précédent et portant, entre autres, « que les fonctions des commissaires départis, Intendans et subdélégués, cesseront au moment où les Directoires des Départements et districts seront mis en activité. » Immédiatement après la réception de ces lettres, le Conseil Général de la Commune de Strasbourg, dans sa séance du 1° Août 1790, en ordonna la publication et l’affiche. (Conseil Général, Tome II. p. 281.)
Le Conseil Général et le Corps municipal virent, dans cette suppression, un moyen naturel de rentrer dans la jouissance du cidevant hôtel de l’Intendance, ainsi que du haras, et des deux hôtels que la Ville avait fournis aux Commandans militaires de la Province, et pour lesquels tous elle se trouvait dans la même position qu’à l’égard du premier.
Quelque clairs et reconnus que fussent alors les droits de propriété de la Commune, les deux administrations municipales trouvèrent cependant convenable de s’adresser à l’Assemblée nationale afin de faire sanctionner par elle ses droits de propriété qu’alors personne ne songeait à contester. La Municipalité ne tarda pas à faire les démarches nécessaires à cet effet, et à plusieurs reprises, le Directoire du Département lui-même, reconnoissant la légitimité des droits de la Ville, se joignit à elle pour faire accueillir cette demande par le gouvernement. Mais, en dépit de ces instances réunies et réitérées, les événements de la révolution et les questions d’un intérêt majeur qui préoccupaient sans cesse les assemblées législatives et le gouvernement firent toujours ajourner la décision demandée par les Administrateurs de la Commune de Strasbourg ; et c’est de là uniquement que provinrent les doutes qu’on éleva, dans la suite, mais par momens seulement, sur les droits de la Ville ; droits que cependant, comme on le verra tout à l’heure, une loi rendue au commencement de l’année 1791, auroit formellement attribués à la Commune de Strasbourg si déjà elle n’en avait été antérieurement investie.
Mais n’anticipons pas sur les événement et tâchons de présenter la suite des faits dans leur ordre chronologique.
Disons avant tout que les élections pour la composition des assemblées du Département du Bas-Rhin et du District de Strasbourg, eurent lieu dans les premiers mois de l’année 1890, et que, peu de jours après la publication des lettres patentes du Roi portant suppression des Intendances eut lieu l’ouverture de ces deux assemblées, le 8 Juillet 1790 (Voy. Corps Mpl. C. I.. p. 216)
Les choses, alors déjà, allaient assez révolutionnairement. Le nouveau Département, pas plus que le district, ne possédait à Strasbourg de local où les administrations eussent pu tenir leurs séances. Et voici comment il se fit que du consentement de la Commune, elles s’établirent dans l’hôtel qu’avait occupé naguères l’Intendant leur prédécesseur. Quant au Directoire du District, il avait été question, un moment, de le placer dans l’ancien hôtel prétoral situé dans le rue Ste Elisabeth, et, puis, dans le cidevant hôtel de Neuenbourg dans la rue des veaux, appartenans tous deux à la ville. (Ibid. p. 301 et 397)
Toutefois, ainsi que je l’ai déjà indiqué, la Commune ne tarda pas d’adresser au Gouvernement ses justes réclamations au sujet de la reprise des divers bâtiments dont elle avait accordé la jouissance au Roi en 1784 et 1785, et au nombre desquels se trouvait aussi l’hôtel dit de l’intendance.
L’introduction d’un système d’administration tout nouveau, si différent de celui que la conservation de l’ancienne constitution avait laissé subsister à Strasbourg jusqu’en 1789, l’état allarmant des finances de la Ville, et surtout l’exécution du décret de l’assemblée nationale du 15 Mars 1790, sanctionné par le Roi le 28 du même mois, et concernant la suppression des droits féodaux, faisaient aux Administrateurs de la cité un devoir des plus urgents de s’occuper des domaines et propriétés de la Commune et de mettre de l’ordre dans cette branche de leur gestion.
Dans la séance du Conseil Général de la Commune du 6 septembre 1790, l’Officier municipal administrateur du Département des Domaines, sur la réquisition du substitut du Procureur de la commune annonça : qu’il étoit au moment de finir un travail, pour diviser tous les bâtimens et moteurs appartenant à la commune, soit dans la Ville et sa ban-lieue, soit dans les cidevant baillages, en trois classes, la première de ceux cédés au Roi en 1784 (c.a.d., comme on l’a vu, de ceux dont la jouissance gratuite avait alors été concédée au Gouvernement), « la seconde de ceux qui, dorénavant sans objet et sans destination, sont dans le cas d’être vendus, et la troisième de ceux nécessaires encore à l’administration ; et que ce travail pourra être présenté à l’une des premières séances. » (Conseil Général, Tom I°. p. 53.)
Il le fut dans la séance du 22 septembre et suivi d’un arrêté portant : « Vu la délibération du Conseil Général de la Commune du 6 de ce mois qui a ajourné &c et lecture ayant été faite, d’abord de la réquisition motivée du Procureur de la commune concernant la réclamation à faire des hôtels des deux Commandants et de celui de l’Intendant, puis du rapport dudit Sr Administrateur sur cet objet, il a été arrêté à cet égard :
1° Que la commune formera ses réclamations près de l’Assemblée du District et du Département pour la restitution entre ses mains desdits deux hôtels du Commandant en chef et de celui en second et de l’hôtel de l’Intendance.
2° Qu’on offrira cependant auxdites Assemblées de céder et d’abandonner au prix d’estimation par experts ceux desdits hôtels dont il pourra être la convenance de l’administration Générale de conserver la disposition et l’usage. » (Ibid. p. 65)
Le 10 Novembre suivant le Conseil Général résolut de réclamer de l’assemblée nationale la libre jouissance des bâtimens cédés au Roi en 1785. Il arrêta : qu’il seroit rendu compte à l’assemblé nationale tant des faits ci-dessus mentionnés (relatifs à l’hôtel dit du gouvernement, aujourd’hui palais de Justice), que des droits de propriété de la Commune non seulement audit hôtel (du Gouvernement), mais aussi aux autres bâtimens cédés au Roi en 1785, sans payement d’aucun prix de cession contre la seule décharge de leur entretien dont auparavant elle supportait seule les frais, quoique le service des fonctionnaires publics qui occupoient lesdits bâtimens intéressât la totalité de la cidevant province d’Alsace, et qu’on réclamoit de la Justice de ladite Assemblée la libre jouissance de ces bâtimens ». (Ibid. p. 89)
En exécution de cette délibération, le Conseil Général approuva, le 9 Décembre 1790, la rédaction du mémoire, lequel fut immédiatement adressé à l’assemblée nationale. (Ibid. p. 118)
En attendant que l’assemblée nationale eût prononcé sur la demande de la Ville, la position de cette dernière vis à vis du Département, lequel alors ne faisait nulle difficulté de reconnoitre les droits biens constatés de la Commune, resta, malgré cela, sinon indécise, mais du moins pas entièrement libre.
Les positions réciproques se dessinèrent nettement dans les trois délibérations dont je vais sommairement rapporter l’objet.
Dans la séance du Corps Municipal du 31 Janvier 1791, il fut soumis à cette Assemblée un rapport du Sr Striedbeck, Inspecteur des Ponts et Chaussées de la Commune en date du 10 du même mois et dans lequel il était exposé : « que les arbres du bosquet de la cidevant Intendance, occupée actuellement par l’administration du Département, fort préjudiciable à une partie des greniers de la Commune, qu’ils privent de l’air et du soleil nécessaires pour les garantir de l’humidité, et qu’en cas d’accident de feu dans les écuries et greniers à foin qui sont en partie attenant à ces greniers, ou dans la mansarde occupée par des garçons de bureau, il y auroit le plus grand danger pour les greniers de la Commune. » En conséquence de cet exposé et conformément à l’avis émis, le 29, par le Bureau municipal, le Corps Municipal : « Attendu », est-il dit, « que l’Assemblée nationale n’a pas encore statué sur la propriété et la libre disposition de l’hôtel de la cidevant Intendance, réclamés par la commune », arrêté « qu’on demanderoit à MM. les Administrateurs du Bas-Rhin leur agrément pour pouvoir faire couper les arbres et faire démolir la partie des écuries et des greniers à foin et la glacière qui se trouvent adossés ou attenans aux greniers de la Commune, ou qui n’en sont pas éloignés de 4 à 5 toises, de façon que la distance des bâtimens auxdits greniers soit au moins de 4 toises. » (Corps Municipal Vol. II p. 187.)
Dans la séance du 28 février suivant, il fut donné communication au Corps Municipal d’un Arrêté du Directoire du Département portant que : « L’Assemblée nationale n’ayant pas encore prononcé sur la propriété de l’hôtel, il n’y avait pas lieu de délibérer quant à présent. » Là-dessus, le Corps Municipal décida : « qu’il serait fait de nouvelles représentations au directoire sur ledit objet. » (Ibid. p. 524.)
Sur ces nouvelles instances du Corps Municipal, le Département arrêta, le 19 mars : « que la Municipalité de Strasbourg sera dûment autorisée à faire couper les arbres du bosquet de la cidevant Intendance et à faire démolir la partie des écuries et des greniers à foin ainsi que la glacière dudit hôtel, qui sont attenans audit grenier de la Commune de sorte que la distance des bâtimens audit magasin soit au moins de quatre toises, et que ladite Municipalité sera également autorisée à faire mettre en vente par enchère le bois et les matériaux provenant du bosquet et les écuries en question à charge de rendre compte du produit s’il y échet. » Le Corps Municipal ordonna en conséquence l’exécution des travaux qui eurent lieu aux frais de la Ville. (Ibid. p. 324 et Bureau Municipal vol. II. p. 363.
Une loi toute de justice était intervenue au commencement de l’année 1791, loi qui, s’appliquant à la réclamation de la Ville concernant les trois hôtels, était tout en faveur de la commune, et aurait dû dès lors trancher toute difficulté ; c’est celle du 30 Janvier 1791, qui adjugea aux villes les édifices qui avaient servi à loger les fonctionnaires publics et qui ont été construits sur des terrains à elles appartenant, à leurs frais et sans contribution des provinces.
Le département, je l’ai dit, était alors loin de contester les droits de propriété de la Ville, si bien que, peu après, il n’hésita même pas à les soutenir officiellement auprès du gouvernement.
Ce qui le prouve c’est que le directoire du Département qui avait alors le projet d’établir à l’hôtel de la cidevant Intendance, le District conjointement avec lui, invita la Municipalité à délibérer sur le loyer éventuel qu’elle mettrait à cet hôtel. La délibération prise à cet égard par le Département porte la date du 19 Mai 1791. On y lit, entre autres: « Que le Directoire du District sera invité de se réunir ledit jour 19 Mai de relevée (sic) à celui du Département, pour délibérer sur les moyens les plus propres pour opérer leur placement dans le cidevant hôtel de l’intendance, et que provisoirement et sans rien préjuger sur la question de propriété dudit bâtiment soumise à la décision de l’Assemblée nationale, le Corps Municipal sera invité de délibérer sur le prix éventuel du loyer qu’il désirerait mettre audit hôtel pour, sur le rapport de sa délibération, être pris tel parti qu’il appartiendra. »
Le Corps Municipal reçut communication de cette délibération dans sa séance du 6 Juin suivant et, sur la proposition du substitut du Procureur de la Commune, il en ordonna la communication à l’Officier municipal administrateur des bâtimens, en chargeant ce magistrat de donner, à la première séance, son avis sur le prix de location à demander dudit hôtel. ( Corps Mpl. vol. II. p. 531.)
L’avis que dut présenter l’administrateur des Bâtimens ne se trouve pas mentionné au registre. Le District s’établit dans l’hôtel le 20 Juin 1791 ; mais la question du loyer paroit n’avoir été réglée qu’en 1792. Dans tous les cas la demande en fixation de loyer faite par le Département prouve que ce dernier ne se considérait pas comme propriétaire, et qu’il avait, pour le moins, de fortes présomptions de tenir pour tel la Commune à laquelle il s’adressa à cet effet. Toujours cette demande du Département ne laisse-t-elle pas que d’être en faveur des droits de la Ville.
Peu de jours avant la séance du 20 Juin, le Bureau Municipal avait fait procéder à la vente par adjudication des meubles et effets superflus appartenans à la Commune et qui se trouvaient aux hôtels cidevant du premier et second Commandants, de l’intendance et au cidevant Marstall où à l’écurie de a Ville. (Bureau Municipal. vol. II. p. 499.)
Le Corps Municipal ne perdit pas de vue la question de propriété de l’hôtel de la cidevant Intendance. Désireux de faire régler définitivement cette question, il arrêta le 11 Juillet 1791 : « qu’il sera fait de nouvelles démarches près du Directoire des Dépendances et de l’Assemblée nationale pour faire statuer sur la propriété réclamée par la commune du haras et des bâtimens cédés au Roi en 1785. » (Corps Mpl. vol. II. p. 616.)
La ville ne cessait de se considérer comme propriétaire de ces bâtiments. Les besoins pressans du moment et la situation déplorable de ses finances lui faisaient essayer tous les moyens de se procurer des fonds, le Procureur de la Commune, au nom du Corps Municipal, avoit, le 1° Juin précédent adressé aux Corps administratifs, une pétition aux fins qu’il leur plût : « autoriser la Municipalité à aliéner tant les bâtimens du haras que les édifices cédés au Roi en 1785, sauf les droits de qui il appartiendra sur le prix d’adjudication, si, contre toute attente, le Corps législatif, sur les réclamations qui lui ont été adressées à cet égard, ne reconnoissait pas les droits de propriété de la Commune sur ces immeubles. »
Des amateurs s’étant présentés pour l’un des hôtels, celui du Commandant en second, le Procureur de la Commune soumit au Corps municipal, le 4 Septembre 1791, les conditions de l’adjudication à faire de ce bâtiment, et le Corps Municipal arrêta : « que ces conditions seront adressées au Directoire du Département lequel sera prié de vouloir bien sans retard statuer sur la susdite pétition et d’approuver pour la vente dudit cidevant hôtel du Commandant en second les conditions proposées. »(Ibid. p .745)
Cet hôtel, il faut le remarquer, se trouvait absolument dans une position analogue à celle du cidevant hôtel de l’intendance, sauf cette différence que, sous le nouveau régime, il n’avait pas reçu de destination publique. Or ce qui achève de déterminer les droits de la ville, c’est que, dans la suite, cet hôtel fut vendu par le Domaine, comme propriété de la commune, en exécution de la Loi du 24 Août 1793., et que la vente en donna au trésor public une valeur nominale de 1,700,000 lb. réduite à 42000 lb d’après l’échelle de dépréciation des assignats, quoique dans le temps l’acquisition en eût coûté à la Ville 74000 lb. et, qu’à raison des augmentations qu’elle y avoit faites depuis la mise à prix de l’hôtel pour la vente eût été fixés à 176,484 lb. (Conseil Municipal Vol. 1806 à 1812. p. 247) N’oublions pas non plus d’ajouter que la ville rentra également dans la propriété des bâtimens du haras, pour lesquels encore, elle se trouvait exactement dans la même position qu’à l’égard de l’hôtel de l’Intendance. Quant à ce dernier, comme quant à l’hôtel du gouvernement (Palais de Justice), on voit à l’évidence que l’occupation par le Département et le District, qui tous deux, pas plus que le Gouvernement, ne possédait à Strasbourg d’édifices qu’ils auroient pû consacrer aux services auxquels ces bâtimens étaient consacrés depuis la révolution, – on voit clairement, dis-je, que cette circonstance détermina en grande partie l’état de souffrance dans lequel on laissa la question de propriétaire de ces deux hôtels, en dépit de réclamations incessantes de la Commune de Strasbourg.
Toujours est-il, qu’en présence des droits de la Ville sur l’hôtel de l’Intendance, droits que le Département ne pouvait et ne voulait méconnoître, cette administration, établie dans l’hôtel conjointement avec celle du District, s’y trouvait dans une position précaire et incertaine. Ce fut pour ce motif, sans doute, que le Département proposa une combinaison par suite de laquelle les deux Administrations supérieures auroient quitté l’hôtel de l’Intendance, pour se réunir dans un même édifice à l’administration municipale.
La Ville venait d’acquérir au prix de 120.000 lb. l’ancien Palais épiscopal, vendu comme domaine national en exécution des lois de la révolution, et venoit d’en faire la maison commune. Le Président du Département fit alors la proposition : « d’examiner s’il ne serait pas possible et convenable de placer, avec la Municipalité, les Corps administratifs dans la nouvelle maison commune, conformément à l’article de la Loi du 16 8.bre 1790, afin de ne pas conserver pour les Corps administratifs et judiciaires (ces derniers, comme il a été dit, avaient été établis depuis leur création, dans l’ancien l’hôtel du premier commandant de la Province, l’hôtel appartenant à la Ville et qui est aujourd’hui le Palais de Justice) « trois hôtels qui, non seulement quant à leur acquisition présentent déjà une grande masse de dépense, mais exigent encore beaucoup de frais pour leur arrangement intérieur ? »
Le Corps municipal reçut communication de cette proposition dans la séance du 5 décembre 1791 ; et aussitôt il nomma deux commissaires pour assister, en son nom et, à la réunion qui devait avoir lieu le soir même avec les Députés du Département et du District. Mais, trouvant des inconvénients graves relativement au service, et voyant l’impossibilité en cas de réunion des trois corps administratifs à la nouvelle maison commune, de trouver les emplacements nécessaires au service de la Municipalité, le Corps Municipal arrêta qu’il conservera seul la disposition de la nouvelle maison commune, et chargea les Commissaires de faire part de cette décision à la réunion du soir. (Corps Municipal, vol. III. p. 34.). Ce projet, dès lors, n’eut pas de suite.
La question de propriété de l’hôtel de la cidevant Intendance et des autres bâtimens de la Commune dont l’ancien Magistrat avait cédé la jouissance au gouvernement en 1785, restait toujours sans solution. Désirant, comme la Municipalité, de voir enfin intervenir une décision définitive à ce sujet, le Département appuya auprès du Gouvernement, la demande du Corps Municipal. Le 24 Mai 1792, il écrivit à l’assemblée législative pour la presser de prononcer sur la propriété des trois hôtels occupés sous l’ancien régime par les gouverneur, commandant et Intendant de la Province.
Dans leur lettre, les Administrateurs du Département, après avoir rappelé les démarches faites depuis 1790, par la commune à l’effet de faire reconnaître ses droits de propriété sur les trois hôtels, dirent entre autres : « Que la loi du 30 janvier 1791 qui adjuge aux villes les édifices qui servaient à loger les fonctionnaires publics et qui ont été construits sur des terrains à elles appartenans, à leurs frais seuls et sans contribution des provinces, est parfaitement favorable à la demande de la Commune de Strasbourg et qu’ils n’auroient pas hésité de lui appliquer les dispositions si la loi postérieure du 28 juin de la même année, qui autorisoit le Directoire du Département du Bas-Rhin et celui du District de Strasbourg à s’établir dans la cidevant Intendance, à charge de verser le prix de son loyer dans la caisse du District, sans toutefois rien préjuger sur la réclamation de la Commune de Strasbourg relativement à la propriété de l’édifice, de laquelle les Comités des finances et des Domaines (de la Convention nationale) doivent rendre compte incessamment, ne le portait d’attendre cette décision. » (Voy. Administration Municipale vol. III. p. 625.)
N’omettons pas de le redire ici, qu’à bien prendre les choses, la ville auroit dû, dès la loi du 30. janvier 1791, être remise en possession de ses hôtels. La loi du 28 juin suivant, de son côté ne préjuge aucunement la question de propriété, au sujet de laquelle elle fait même toutes réserves en faveur de la Commune de Strasbourg. Cette loi ne pouvait donc avoir aucun effet rétroactif sur celle du 30 janvier, ni en suspendre l’exécution. Au moment où elle fut rendue la Commune aurait dû, depuis des mois, être rétablie dans sa propriété. Et si alors le Département avait entrevu quelque incertitude naître de la Loi de Juin, c’eût été à lui à s’adresser au Gouvernement à l’effet d’en provoquer le règlement. Toujours est-il, ne cessons de le répéter, que même abstraction faite des anciens droits de la Ville, la loi de Janvier aurait dû, définitivement et irrévocablement assurer à la commune la propriété des édifices qu’elle avait autrefois mis à la disposition du Roi, pour la jouissance seulement.
Mais revenons à la démarche faite par le Département.
Le 31 Mai les Administrateurs du District transmirent au Corps Municipal copie de la lettre de leurs collègues du Département ; et dans la séance du 5 Juin suivant ce corps, après avoir entendu lecture de cette lettre, en ordonna la consignation sur les registres. (Corps Municipal, vol. III. p. 481.)
On entrait alors au plus fort des orages de la révolution, et, malgré les rappels réitérés, la Municipalité ne put réussit à obtenir la décision du Gouvernement.
Toutefois le Département, guidé par des principes équitables et conservateurs de la propriété, fit faire, à l’époque où il venait d’écrire au Gouvernement dans l’intérêt de la Commune, par les citoyens Pinot, architecte, Conrad, Ingénieur des Ponts et chaussées, et Arnold fils, charpentier, l’expertise du local qu’il occupoit. Conformément à cette expertise le loyer annuel en fut fixé à la somme de 6000 francs.
Ce loyer fut effectivement payé pendant quelque temps. Le département seul le paya jusqu’au 20 Juin 1791, temps pendant lequel il avait seul occupé le bâtiment ; et à partir de cette époque, la somme fut partagée entre lui et le District de Strasbourg, qui en tenait une partie, à raison de 2000 fr par an ; pour le second, et de 4000 fr pour le premier. Le payement fut continué pendant un an ou deux et puis il cessa d’être fait.
Mais par une disposition particulière, sans nul doute en considération du défaut de décision de la part du Gouvernement, le Directoire du Département ordonna que le prix de loyer serait versé dans la caisse de la Régie nationale, et effectivement le premier paiement fut fait au citoyen Walter, alors vérificateur de la régie et receveur des domaines et bois de Strasbourg, avec une somme de 8944 lb 8. s. 10 2/8. d., formant le prix de loyer échu au Département seul, depuis le 1° Janvier 1791 jusqu’au 31 Décembre 1792, et avec celle de 3055 lb 11 s. 1/3 d. pour la part du District, du 20 Juin 1791 à la même époque du 31 Décembre 1792. (Voy. le rapport du Maire Herrmann, du 25 Pluviose an XII. conseil Municipal, vol. an XII à XIV, p. 123, rapport d’où j’ai tiré ces détails, les volumes de la Municipalité contemporaine aux faits relatés ne contenant aucune donnée relative à ces paiemens, et les pièces qui s’y rapportent n’ayant pas pu être trouvées aux Archives malgré tous mes soins.)
Dans l’état de souffrance où se trouvait alors la question de propriété concernant le cidevant hôtel de l’intendance, on se borna donc provisoirement à une consignation des fonds en attendant que la question fondamentale fût définitivement délibérée.
La Municipalité ne cessait de se considérer comme propriétaire de l’hôtel.
Vers la fin de 1792, elle fit un acte de propriétaire d’autant plus important, qu’il eut lieu sans contestation aucune de la part du Département, – lequel cependant se trouvait sur les lieux – mais que, dans la suite, quand les rapports précaires entre la Ville et le Département, au sujet de l’hôtel de L’Intendance, se furent de plus en plus prolongés, donna lieu à des discussions entre ces deux administrations et à de nouvelles réclamations de la part de la Ville. Elle concéda à bail, aux Srs Dillemann frères, fabricans de tabac, « pour un canon annuel de trois cents livres, la cave dans le bâtiment attenant à la cidevant Intendance », avec les tonneaux que la Commune y avait encore et qui étaient ensemble de la contenance de 2000 mesures. Dans la séance du 26 Novembre 1792, le Corps Municipal accepta la soumission des frères Dillemann qui depuis lors occupèrent pendant des années lesdites caves en en payant le loyer fixé à la Caisse Municipale. (Corps Municipal, Vol. III, p. 1110.)
Au commencement de 1793, la Commune continuait à poursuivre la Vente d’une partie de ses biens pour être mise en état de payer ses dettes.
Le 8 Mars 1793, le Corps Municipal chargea l’Administrateur des Domaines de présenter un état de tous les immeubles de la Commune, tant des immeubles vendus que des immeubles non vendus. (Vol. IV. p. 243.)
Cet état fut soumis à la Municipalité dans la même séance, et, à la suite du rapport fait par ledit Administrateur, le Corps Municipal chargea ce Magistrat de réclamer le loyer des bâtimens de la Commune occupés par les Tribunaux civils et criminels (l’ancien hôtel du gouverneur, Palais de Justice) par les deux Corps administratifs (l’ancienne Intendance), par l’entrepreneur des lits militaires (l’hôtel dit du vieux Gouvernement, près de St Louis) et le Bureau de paix du District de Strasbourg (lequel se trouvait alors dans le grand édifice de la place d’armes), tels que ces divers loyers venaient d’être fixés.
La délibération porte : « Sur le rapport fait par l’administrateur des Domaines, que la Commune de Strasbourg, propriétaire des cidevant hôtel du Gouvernement et de l’Intendance, ainsi que des bâtimens de la Place d’Armes, n’a tiré depuis la révolution aucuns intérêts sur un fonds aussi considérable ; que l’hôtel du cidevant Gouvernement est occupé par le Tribunal du District depuis son installation ; celui de la cidevant Intendance en partie par l’administration du Département du Bas-Rhin et en partie par le District de Strasbourg ; et les bâtimens du Vieux Gouvernement près St Louis par le citoyen Meniolle entrepreneur des lits militaires, ainsi qu’une partie des bâtimens sur la place d’Armes par le Bureau de Paix du district depuis quelques années; que les intérêts de la commune exigeaient avec justice des réclamations de loyers ; que, pour les déterminer, il a crû pouvoir les calculer à quatre pour cent sur le prix d’estimation des deux premiers hôtels, dont celui du Gouvernement, occupé par le Tribunal est porté à 145 000 lb,
qui feraient à 4 pour cent 5800 lb
Celui de la ci devant Intendance, occupé par le Département et le District, à 135 000 lb
ferait y compris le loyer de 300 L. de la cave qui est louée par bail aux frères Dillemann 5400 lb.
(Disons, en passant que le loyer du Vieux Gouvernement estimé à 20000 lb. fut porté à 800 lb, et celui de la partie du Bâtiment de la Place d’armes, occupé par le Bureau de paix, à 300 L.)
Le Corps Municipal « approuve lesdites réclamations et chargea l’administrateur des Domaines de s’abboucher avec les Corps administratifs et le Tribunal, pour la fixation d’un loyer desdits hôtels et bâtiments et en faire son rapport au Corps Municipal. » (Corps Municipal, vol. IV p. 249.)
Quelque temps après, le Corps Municipal ordonna de surseoir provisoirement à l’exécution de cette délibération afin de soumette la fixation des loyers à un examen plus approfondi. Le 17 Juin 1793, « Le Procureur de la Commune ayant observé, » – c’est ainsi que le porte le Procès verbal – « que les loyers que l’administrateur des Domaines a proposé de demander suivant délibération de la Municipalité du 8 Mars dernier … ne lui paroissaient pas proportionnés à la valeur des immeubles – Le Corps municipal, sur cette observation, et sur la réquisition du Procureur de la Commune, a arrêté que l’Administrateur actuel des domaines fera un nouvel examen de la fixation proposée des loyers susdits, qu’il proposera le résultat au Corps Municipal, et qu’en attendant il ne sera pas donné suite à la délibération cidevant mentionnée. » (Ibid. p. 639.) Un remaniement était intervenu dans l’Administration Municipale, dans l’intervalle entre les deux sessions.
Deux mois plus tard fut rendue une loi des plus funestes dans l’histoire des Communes de France ; le décret du 24 août 1793, sur la dette publique ; ce décret spoliateur qui, sous le prétexte fallacieux, de libérer les Communes de leurs dettes, les dépouilla de leurs biens. Il déclara dettes nationales toutes les dettes des Communes contractées légalement avant le 10 Août 1793 ; en ordonna la liquidation, le remboursement ou l’inscription sur le grand livre de la dette publique ; l’extinction et la suppression au profit de la nation, de toutes les créances dues aux Communes par la République ; à quelque titre que ce fût ; et porta que tout l’actif des Communes, pour le compte desquelles la République se charge d’acquitter les dettes, excepté les biens communaux et les objets destinés aux établissements publics, appartient à la nation jusqu’à la concurrence de ces dettes. &c. &c.
Cette loi désastreuse reçut pleine exécution à Strasbourg. Elle fit dépouiller cette cité, dont les finances avaient déjà tant souffert par les désordres du 18° siècle et par les lois révolutionnaires, de la plus grande partie de ses biens patrimoniaux. Graces au zèle que la Municipalité terroriste mit à l’exécution de cette loi inique, il fut vendu, à vil prix au bénéfice de la République, pour 7,514,400 lb, de propriétés communales !! (Cond. Conseil Municipal vol. 1806 à 1812. p. 231) Ce fut le commencement de la décadence de Strasbourg, décadence que la Loi non moins inique du 20 Mars 1813, qui fit de nouveau confisquer et aliéner es£des?£ biens des Communes, au profit de l’Etat, hâta de plus en plus !
La question de propriété de l’ancien hôtel Klinglin, se rattache également à la première de ces deux lois à jamais déplorables. Après la Terreur les municipalités de Strasbourg s’efforcèrent vainement d’arrêter dans les limites légales l’application de cette loi, et de faire décider implicitement cette question de propriété toujours en suspens, en demandant la liquidation, au profit de la Commune, du prix de divers immeubles au nombre desquels figure aussi l’ancien hôtel de l’intendance.
Dans la séance du Corps Municipal du 18 Prairial an III il fut produit un état des domaines de la Ville destinés à être vendus, lequel, avec un état antérieur, s’élevait à plus de cinq millions. Le procès verbal de la Délibération qui eut lieu à cet égard, porte entre autres : « Sur le rapport de l’Officier Municipal, Administrateur des finances et des domaines, que pour mettre en exécution les dispositions de la Loi du 24 Août 1793 (v. st.), Art. 91 §. XXIX), il avait fait dresser des états de maisons et bâtimens appartenant à la commune, qui pourront servir en partie à l’acquittement des dettes de la Commune ; que l’un de ces états contenait les casernes, corps de garde et autres bâtimens mis à la disposition du Gouvernement en 1785 et 1793 (v. st.), dont la Commune a droit de prétendre qu’il lui soit tenu compte sur le pied de la modique estimation indiquée sur ledit état et qui n’approche pas de beaucoup près des dépenses énormes que la construction desdits bâtimens a occasionnées, attendu qu’une grande partie des dettes de la commune n’a été contractée que pour subvenir à ces dépenses, que les autres états comprenaient le premier des bâtimens non susceptibles de vente, mais qui doivent être cédés à la nation d’après une estimation faite à dire d’experts. » &c &c. Le Corps Municipal conformément à ce rapport arrêta l’envoi des états à l’administration du District « avec les observations y contenues avec invitation de les transmettre incessamment au Directoire du Département avec un avis favorable, et d’obtenir par son intermédiaire qu’il soit tenu compte à la Commune des frais de construction des casernes et autres bâtimens militaires dont la jouissance a été cédée au Gouvernement sur le pied de la modique estimation qui en a été faite … » (Corps Municipal, vol. VII. p. 864.)
Une nouvelle décision fur prise ; à ce sujet, dans la séance du 25 fructidor an III, époque à laquelle le passif de la Commune montait à la somme de 4.564.782 lb 5 s 5 d. Voici le texte de cette délibération : « Le Corps Municipal, Considérant qu’aux termes de l’article 91 du §. XXIX de la Loi du 24 Août 1793 sur la dette publique, la nation ne se saisit de l’actif des Communes que jusqu’à concurrence du montant de leurs dettes qu’elle s’est chargée d’acquitter. Considérant qu’il résulte des Etats ci-dessus allégués, que le produit de la vente des bâtimens de la Commune est presqu’égal au montant de ses dettes, et qu’il n’y a qu’une différence de 83.782 lb, qui sera couverte par l’adjudication de quelques immeubles qui va encore avoir lieu ; que d’ailleurs il y aurait déjà même un excédent très considérable en faisant entrer en ligne de compte le prix de différens immeubles qui ne sont pas portés sur l’état cidessus mentionné et qui doivent être liquidés au profit de la Commune ; tels que les casernes, les Corps de garde, les maisons des cidevant Commandans et Intendant, la maison des pauvres, celle des enfants de la patrie, celle de correction, et différens autres objets que la commune a droit de faire valoir et pour lesquels elle a dressé déjà ses réclamations aux corps administratifs. » En conséquence le Corps Municipal demanda la suspension des ventes. (Corps Municipal, T. VIII. p. 1269.)
Malgré ces justes réclamations de la Municipalité, ce fut à peine qu’elle pût réussir, de temps à autre quelques sursis aux ventes. Les longues années se passèrent sans que la ville pût arriver à la liquidation de ses dettes et des ventes des biens communaux. Jusque dans l’administration de M. le Maire Herrmann, elle eut encore fréquemment à se défendre contre les difficultés incessantes que le Domaine lui suscitait à cet égard.
La question de propriété de l’hôtel de la cidevant Intendance ne fut pas plus décidée implicitement ou indirectement qu’elle le fut directement, sur les réclamations faites par la ville, depuis 1790, au sujet de cet hôtel et des autres édifices qui rentraient dans la même catégorie. Bien que la nouvelle Administration Municipale poursuivit, quant à cet objet, les erremens des Corps Municipaux, ses prédécesseurs, la rapidité des événemens et le tourbillon des grandes affaires de l’Etat empêchèrent toujours le gouvernement de donner une solution définitive à une question dont la décision était assez importante pour la ville de Strasbourg.
On arriva ainsi jusqu’en l’an V. de la République.
Ce fut alors que s’élevèrent, pour la première fois, des controverses à raison de ce droit de propriété entre la Commune et le Département, qui jamais encore ne s’était attribué. Une administration nouvelle, sans tradition, et qui paroit avoir ignoré complètement les faits antérieurs concernant l’hôtel de la cidevant Intendance, et les relations qui avaient existé à cet égard entre la Municipalité et le Directoire du Département, avoit pris la gestion des affaires départementales.
Ce fut à l’occasion du bail passé aux St Dillemann frères, fabricans de tabac, de la cave sous le bâtiment latéral de la cidevant Intendance, avec les tonneaux appartenant à la ville qui s’y trouvaient encore. Le 12 prairial an V l’administrateur de Domaines du Département expose au nouveau Directoire : « que toutes les caves sous lesdits bâtimens, se trouvent être à la disposition desdits citoyens Dillemann, Schott et Walt, tonnelier, et d’autres citoyens inconnus, sans qu’il soit justifié qu’ils aient obtenu une autorisation à cet effet, soit du cidevant Directoire du Département, soit de celui du District, comme ayant été les seules autorités qui pouvaient accorder la jouissance d’une partie des dépendances de ces bâtimens. » Sur ce rapport le Directoire fit sommer lesdits citoyens : « de produire, dans les trois jours, pour tout délai, l’autorisation qu’ils doivent avoir en mains en vertu de laquelle ils jouissent des caves dont s’agit, pour, sur le vû d’icelle, être ensuite pris tel parti qu’il appartiendra. »
Les Srs Dillemann communiquèrent à l’administrateur des finances et domaines de la Commune, la distribution du Département dont signification venait de leur être faire. Ils demandèrent, en même temps, que l’administration municipale leur fît délivrer une nouvelle expédition du bail qu’elle leur avait consenti le 26 novembre 1792. et dont ils avaient paisiblement joui depuis cette époque.
L’administrateur des finances et domaines fit rapport de cet incident, dans la séance de l’administration municipale du 15 prairial an V, et cette Assemblée, en adoptant les propositions, arrêta : « qu’il sera délivré aux citoyens frères Dillemann, une nouvelle expédition de leur bail de la cave sous les bâtimens de la cidevant Intendance appartenant à la Commune » et « en outre que l’administration du Département sera invitée de renvoyer à celle de la Commune les autres citoyens qui jouissent de caves sous lesdits bâtimens, pour être traité avec eux, s’il y a lieu, sur la location d’icelles ; et qu’au cas que l’Administration du Département eût des doutes sur les droits de propriété de la commune sur les bâtiments dont s’agit d’en instruire l’Administration Municipale, en suspendant toute décision qui pourrait porter atteinte à ses droits de propriété, jusqu’à ce que cette dernière lui en ait fait parvenir les preuves, Et sera copie de la présente délibération transmise incessamment à l’Administration du Département. (Adm. Municipale, Tome III. p. 228.)
A la suite de cette délibération, le Département en prit une autre, qui porte en dispositif : « qu’à la diligence du receveur des domaines, et en présence de l’administration Municipale, il sera procédé à l’enchère publique de la location des caves sous les Archives » (qui alors se trouvaient encore dans le bâtiment latéral à droite en entrant dans la cour), « et sous le grand bâtiment du Département occupées par les Srs Dillemann frères et Walt pour le loyer résultant de cette enchère être versé annuellement dans la caisse du receveur des domaines ; que les loyers perçus jusqu’ici par la Commune de Strasbourg seront versés dans la même caisse, sauf à la Commune à faire valoir et décider les droits qu’elle prétend avoir sur l’édifice dont s’agit, et à décompter avec le receveur des domaines, des contributions foncières qu’elle a payées. »
Cette délibération du Département fut soumise à l’Administration municipale dans sa séance du 2 fructidor an VI, dans laquelle cette Assemblée prit l’arrêté suivant que je vais transcrire dans son entier :
« Vû la délibération du Département du 24 Messidor dernier, prise à la suite d’une délibération de la même administration du 12 prairial précédent, et d’une autre de l’Administration Municipale du 15 prairial ensuivant, ladite délibération portant en dispositif : qu’à la diligence du receveur des domaines &c &c (comme dessus)
Vû aussi la lettre du citoyen Daudet, receveur des domaines et bois, adressée à l’Administration municipale ; en date du 7 du mois précédent, portant invitation, à celle-ci de prendre en considération la délibération précitée, de fixer en conséquence le jour de la susdite enchère, et d’ordonner que le décompte des loyers reçus et des contributions foncières acquittées lui sera communiqué.
Après avoir entendu l’administrateur des finances et domaine, qui a dit, que dès l’année 1791 l’administration de la Commune s’est adressée au Corps législatif pour obtenir que cette dernière soit reconnue propriétaire des deux bâtimens occupés autrefois par le gouverneur et commandant de la province et de celui dont jouissait l’intendant, et qui est occupé aujourd’hui par l’administration du Département, que cette demande a été appuyée par cette administration qui a adressé à cette fin une lettre à l’assemblée Nationale, en date du 24 Mai 1792, portant entre autres que la loi du 30 janvier 1791, qui adjuge aux Villes les édifices qui servaient à loger les fonctionnaires publics et qui ont été construits sur des terrains à elles appartenans, à leurs frais seuls et sans contribution des provinces, est parfaitement favorable à la demande de la commune de Strasbourg, et qu’elle n’aurait pas hésité de lui appliquer ces dispositions si la loi postérieure du 28 juin de la même année qui autorisait le Directoire du Département du Bas-Rhin et celui du District de Strasbourg à s’établir dans la cidevant Intendance, à charge de verser le prix de son loyer dans la Caisse du District, sans toutefois rien préjuger sur la réclamation de la Commune de Strasbourg relativement à la propriété de l’édifice, de laquelle le Comité des finances et des domaines devaient rendre compte incessamment, ne la portait d’attendre cette décision; que cependant celle-ci ne s’étant pas ensuivie jusqu’à présent, il était nécessaire de faire de nouvelles instances au Corps législatif pour l’obtenir ; qu’en attendant il n’y avait pas lieu de s’opposer que l’Administration départementale ne loue par la voie de l’adjudication les caves dont s’agit sous la réserve cependant que cet acte ne préjudicie aux droits de propriété de la Commune ; que quant au décompte à faire du loyer que la Commune a perçu d’une des caves en question et de la contribution foncière qu’elle a acquittée et qui, aux termes de la délibération de l’administration du Département doit entrer en compensation, il est à observer, que ce décompte ne pourra convenablement avoir lieu que lorsque la propriété de l’immeuble dont s’agit aura été décidée ; d’autant plus que la Commune n’aurait pas à tenir compte de la totalité du loyer perçu des frères Dillemann pour la cave qu’ils tiennent à bail, attendu que les tonneaux qui s’y trouvent contenant ensemble 2195 mesures, appartiennent à la Commune, dont le loyer lui revient quand même elle serait frustrée de celui de la cave ; qu’il était nécessaire aussi par cette raison, quand ladite cave sera louée de distinguer le loyer de la cave de celui des tonneaux que la Commune pourra y laisser sous la condition cependant de toucher directement sa partie du loyer qui concerne ces tonneaux dont il sera convenable de faire dresser un nouvel inventaire ; qu’il était enfin à observer que par le bail accordé par la Municipalité aux frères Dillemann, il a été stipulé une dénonciation de trois mois ; que pour ne pas donner lieu à une action en dommages-intérêts de la part des locataires ; il était nécessaire de réserver dans le cahier des charges de l’adjudication de la cave dont s’agit cette dénonciation telle qu’elle fut stipulée ;
Ouï le Commissaire du Directoire Exécutif
L’Administration municipale arrête ce qui suit :
1° L’administrateur des finances et domaines est nommé commissaire pour assister à l’enchère du bail des caves sous les bâtimens occupés par l’Administration du Département. Ledit commissaire conviendra du jour de l’enchère avec le receveur des Domaines et bois, à la diligence duquel elle doit avoir lieu au désir de la délibération de l’administration départementale précitée ; sans cependant que cette location puisse préjudicier au droit de propriété de la Commune sur le bâtiment dont question. Charge ledit Administrateur de présenter un mémoire pour faire valoir ces droits auprès du Corps législatif, tant sur ledit bâtiment que sur les deux autres susmentionnés.
2° Copie de la présente délibération sera adressée à l’administration du Département avec invitation d’arrêter le sursis au décompte du loyer et contribution foncière susdits, jusqu’à ce qu’il ait été prononcé dans le cahier des charges de l’adjudication des caves une condition qui maintienne la dénonciation de trois mois que les frères Dillemann peuvent invoquer conformément au bail qui leur a été accordé par la Municipalité pour une des caves à louer et de distinguer le loyer des tonneaux appartenans à la Commune qui se trouvent dans cette cave et dont il sera dressé un nouvel inventaire d’avec le loyer de la cave même, pour le premier loyer être versé par le locataire dans la Caisse de la Commune. » (Adm. M.ple vol. III. p. 625 et s.)
L’Administration Municipale, vû la position tant soit peu fausse dans laquelle elle se trouvait vis à vis du Département au sujet de l’hôtel occupé par ce dernier, ne pouvait guère agir autrement, dans cette occasion. On a vu toutefois qu’elle ne souscrivait aux propositions de l’administration départementale que sous réserve expresse des droits de la Commune, à raison desquels elle arrêta de nouvelle démarches auprès du Gouvernement.
Ces démarches furent faites ; mais pas plus que les réclamation antérieures, elles n’amenèrent la solution tant désirée par la Municipalité. Les préoccupations politiques, la rapidité des événements, les embarras et les désordres du moment, ne permirent pas au gouvernement de s’occuper d’une affaire qui, pour lui, n’avait qu’un intérêt fort médiocre, en présence de grandes affaires de l’Etat. Des années se passèrent encore sans que cette question assez importante cependant pour la Ville, avançât le moins du monde. La Préfecture succéda à l’Administration départementale, les Préfets s’installèrent, à leur tour, dans l’hôtel des cidevant Intendants, sans que l’on trouve de traces d’une opposition tentée par la Commune de Strasbourg ; et les choses continuèrent à rester dans leur ancien état de souffrance.
On parvint alors jusqu’à l’an IX.
Dans l’été de cette année la question fut de nouveau agitée. Cette fois en exécution d’une lettre ministérielle du 7 floréal, transmise le 7 thermidor par le Préfet au Maire de Strasbourg. Dans cette lettre, ce magistrat fut « invité de vérifier l’état à lui fourni par le Directeur des Domaines, maisons et bâtimens nationaux existant dans la Commune de Strasbourg et son arrondissement, cet état annexé à ladite lettre ; d’envoyer dans le plus bref délai les observations sur l’état dans lequel se trouvent actuellement ces bâtimens et maisons, sur leur contenance, leur emploi réel, leur produit actuel, leur volume présumé et sur l’utilité ou l’inutilité de leur conservation en indiquant, en même temps, leur origine et à quel service ils pourront être destinés. »
Or, sur cet état, se trouvaient portés, comme domaines nationaux :
« 8° Le bâtiment affecté avant la révolution par le Magistrat de Strasbourg au logement du Commandant en chef de la province d’Alsace, avec les dépendances, occupé aujourd’hui par les divers tribunaux » et
« 9° Le bâtiment et dépendances occupé avant la révolution par l’Intendant de la province d’Alsace et aujourd’hui par le Préfet et ses bureaux. »
Au reçu de a lettre préfectorale et de l’Etat dont elle était accompagnée, le citoyen Herrmann, Maire depuis le 16 frimaire de l’an IX, prit, le 8 Thermidor, un arrêté, portant en dispositif : « Que pour être en état de remplir le vœu du Préfet, le Citoyen Hohlenfeld, Adjoint, se rendra dans les lieux désignés cidessus, accompagné de l’Inspecteur général des bâtimens et travaux publics, aux fins d’examiner la contenance et l’état desdits bâtimens et emplacemens, leur emploi réel, leur produit annuel et leur valeur présumée, de tout quoi sera dressé procès verbal pour, sur le vû d’icelui être fourni au Préfet les renseignemens demandés. » (Mairie an IX, p. 719)
Bien que dans les Protocolles de la Mairie il ne soit pas fait mention du résultat de cet examen, il n’est pas permis de croire néanmoins, après tous les efforts tentés par les anciennes municipalités pour faire reconnaître et confirmer par le gouvernement les droits de propriété de la ville sur un édifice si chèrement acquis, il n’est pas permis, dis-je, de croire que le Maire ait renvoyé au Préfet, l’état des bâtimens domaniaux sans l’avoir accompagné de ses observations et sans avoir spécialement à l’occasion des N° 8 et 9, renouvelé les anciennes et justes réclamations de la Commune. Sans nul doute aussi ces réclamations étaient elles réitérées dans la lettre que le Maire écrivit au Préfet, le 18 frimaire an X, en lui transmettant un état classifié des propriétés de la Ville (Mairie, an X, p. 189.)
Les choses traînèrent jusqu’en l’an XII, où, sur les propositions du Maire Herrmann, le Conseil Municipal chargea ce Magistrat de s’adresser au Préfet et de réclamer du Département un loyer convenable pour l’hôtel dit, depuis l’établissement des Préfectures, hôtel de la Préfecture.
Dans la séance du 25 pluviose an XII, le Maire fit au Conseil Municipal un rapport détaillé sur cet hôtel en y exposant tout l’historique, montrant au prix de quels sacrifices la ville en a fait l’acquisition ; comment, sous l’ancien régime, cet hôtel, vainement offert au Roi par le cidevant Magistrat, était resté propriété communale ; comment, depuis la révolution, l’administration départementale conduite par des principes équitables et conservateurs du respect dû aux propriétés, avait, en 1792, fait estimer par des Commissaires nommés par elle-même, ledit hôtel et en avait fixé le prix de loyer à 6000 lb ; ce qui, bien certainement , était reconnaître bien nettement que le Département n’avait aucune espèce de prétention à former à la propriété de cet hôtel ; comment, en dépit des réclamations incessantes de la ville, les circonstances, les embarras, les désordres et la rapidité des événement ne permirent pas au gouvernement de s’occuper de cette question et comment, pour ces raisons, les choses en étaient restées là. Le Maire, en insistant enfin sur ce que la Ville prouvait les droits de propriété, titre à la main, et sur ce que c’était elle qui avait constamment payé et qui payait encore les contributions foncières de l’hôtel, précisa clairement la portée des démarches auxquelles il demandait à être autorisé. « On ne demande pas, -dit-il -, la disposition libre du bâtiment, mais seulement d’en retirer un loyer légitime et de ne pas laisser échapper plus longtemps cette branche du revenu patrimonial », rappelant que malgré la fixation du loyer qui eut lieu en 1792, à la poursuite du Département, la ville n’avait cependant jamais rien perçu.
En conséquence, le Maire demanda au Conseil Municipal : « d’être autorisé à entamer, à cet égard, toutes les démarches nécessaires auprès du Conseiller d’Etat, Préfet du Département. »
Le Conseil, après ce rapport, renvoya l’affaire à une commission. (Conseil Municipal vol. An XII à XIV p. 122 et s.)
Dans la séance du 15 germinal suivant, la Commission nommée dans celle du 25 pluviose, fit un rapport entièrement conforme à celui du Maire. Le Conseil, à l’unanimité, approuva ce rapport, reconnut les droits de propriété de la Ville, et en partant du principe consacré par la nouvelle législation : « qu’une Commune ne peut plus, sans l’autorisation du législateur, abandonner même la plus foible portion de ses propriétés », il invita le Maire à transmettre au Conseiller d’Etat, Préfet, le vœu du Conseil sur la liquidation des loyers dûs par le Département depuis 1791, et la fixation du loyer à payer dorénavant par lui de l’hôtel de la cidevant Intendance, en insistant pour que ces démarches fussent faites pendant la session du Conseil général du Département alors réuni. La délibération porte : « qu’il serait fait les démarches nécessaires pour faire reconnaître les droits de propriété de la Ville de Strasbourg sur le bâtiment de l’ancienne Intendance, aujourd’hui hôtel de la Préfecture pour liquider les loïers échus depuis le 1° Janvier 1791, à la charge du Département, et pour faire fixer et déterminer ceux qui devront être payés dans la suite par la Préfecture. » (Ibid. p. 179 et s.)
Dès le lendemain, 16 Germinal, le Maire s’empressa de transmettre au Préfet la demande des représentans de la cité (voy. sa lettre. Ch. 4. 11. 10. n° 1.)
Conformément au vœu du Conseil Municipal, le préfet soumit immédiatement au Conseil Général du Département, la demande du Maire « tendante », est-il dit dans le rapport qu’il présenta à ce sujet ; « à réclamer en faveur de la ville le loyer de l’hôtel de la Préfecture comme d’une propriété communale. »
La Commission du Conseil Général, à laquelle l’examen de cette affaire fut renvoyée, fit le rapport suivant : « On doit observer, à ce sujet, que jusqu’à présent cet hôtel a toujours été considéré comme propriété nationale et entretenu aux frais de l’administration des Domaines; que récemment encore on a, des fonds de cette administration, construit le bâtiment où est logé le Portier, ce qui a eu lieu en vertu d’une décision du Ministre des finances portant qu’il en serait ainsi de toute autre augmentation ou réparation, jusqu’à ce qu’il eût été statué sur les droits de la Commune de Strasbourg ; que cette décision n’ayant pas encore été retirée, et la Ville de Strasbourg n’ayant pas encore prouvé les droits, la demande est au moins prématurée et son objet hors des attributions du Conseil Général.
Enfin, dans le cas même où la propriété de la ville de Strasbourg serait reconnue, le Conseil ne pourrait s’occuper du règlement du loyer de l’hôtel qu’après une liquidation des impenses, améliorations et augmentations considérables qui ont eu lieu aux frais de la province sous l’administration des Intendants et, en dernier lieu, aux frais du trésor public.
La Commission pense donc qu’il n’y a pas lieu à délibérer pour le moment, sans rien préjuger sur les droits de la Commune de Strasbourg, sauf à elle à le pourvoir devant le gouvernement pour que les droits soyent examinés et réglés.
Le Conseil », porte la décision, « adopte l’avis de la Commission. » (voy. l’expédition de cette délibération Ch. 4. 17. 31
Les objectifs du Conseil Général n’étaient pas d’une grande portée. En effet, si, d’une part, sous l’ancien régime les réparations faites à l’hôtel ont eu lieu aux frais de la Province, ce n’a été que depuis 1785 et cela en vertu de la décision ministérielle et sans aucun préjudice aux droits de propriété de la Ville. On se rappelle que sur la demande du Magistrat, le gouvernement reconnaissait que la ville, propriétaire de l’hôtel, avait généreusement consenti à le consacrer au logement des Intendants de la province, bien que rien ne lui en eût imposé l’obligation, et qu’elle ne tirait aucun profit quelconque de cet hôtel dont alors il ne lui restait que la simple nue propriété, avait décidé qu’à l’avenir les frais d’entretien de l’hôtel seraient à la charge de la province. Et si, d’autre part, la loge du portier venait d’y être construite aux frais du Trésor public, c’était encore en vertu des anciens arrangements intervenus entre le gouvernement et la ville, et par application du principe d’équité posé et suivi depuis 1785. Il faut remarquer d’ailleurs que la décision ministérielle relative à la construction de cette loge, portait expressément : « qu’il en serait ainsi de toute augmentation ou réparation, jusqu’à ce qu’il eût été statué sur les droits de la Commune de Strasbourg. » Cette décision, ainsi que celle du Conseil Général, réservaient donc également ces droits. Et enfin quant aux dépenses faites par le Domaine, si ces dépenses ne doivent pas, comme l’équité le commanderait, être considérées comme charge de la jouissance gratuite, elles pourraient tout au plus devenir l’objet d’une liquidation éventuelle entre l’Etat et la ville de Strasbourg.
Aussi le Maire n’eût-il pas de peine à combattre les argumens opposés provisoirement par le Conseil Général à la demande de la Commune. Il le fit dans un nouveau rapport qu’il présenta au Conseil Municipal, le 4 Messidor an XII.
Le Maire commença par préciser la position de la question, disant que « dans l’intention du Conseil Municipal on laissait la jouissance à la Préfecture et que la Ville ne demandait qu’un loyer pour l’avenir, et la liquidation de ceux dûs depuis le 1° Janvier 1791, que des experts nommés par le Département lui-même, avaient fixés à la somme annuelle de 6000 fr. dont les deux premières années furent mal à propos payées dans la Caisse du receveur des Domaines et dont les autres sont encore dûs. »
Passant ensuite aux faits, le Maire rappela sommairement et établit de nouveau, que sous l’ancien régime et encore peu d’année avant la révolution c’était la ville qui faisait les frais d’entretien et de réparation ; que tout en conservant la propriété de son hôtel elle a été libérée de cette dépense par l’équité du gouvernement qui mit ces frais à la charge de la Province laquelle depuis longtemps en avait la jouissance gratuite ; que l’hôtel, resté propriété communale jusqu’à la révolution, n’a pas cessé de l’être depuis, et que la ville continuait toujours à en payer la contribution foncière ; qu’il était bien vrai que l’administration départementale y a remplacé l’Intendance ; mais que cette administration a fait fixer par des experts nommés par elle, et qu’en reconnoissant qu’il fallait en payer un loyer, elle a reconnu par là que l’hôtel n’était pas une propriété nationale, que si ce loyer, payé pendant quelque tems, l’a été à la caisse de la Régie nationale, ce n’a été qu’à titre de dépôt, comme on le voit dans la délibération du Département, et en attendant que la question de propriété eût été examinée; que si les circonstances et les événemens£ rapides de la révolution n’ont point permis d’entamer cet examen, les droits de la Ville, ne peuvent pas avoir été subitement perdus et acquis à la nation ; enfin que si, dans l’an VI, l’administration centrale, pour la première fois, jugea à propos d’y faire une construction, le Ministre des finances a du nécessairement en connaître, mais que bien certainement aussi la Ville auroit également dû être entendue.
Quant à la dernière observation de la Commission du Conseil Général, au sujet du règlement des impenses, améliorations et augmentations qui ont pu être fais aux frais de la province, sous l’Intendance, et en dernier lieu à ceux du trésor public, le Maire convint de ce principe général ; mais il ajouta, avec raison, que l’application de ce principe demandera des débats. « Du tems de l’intendance, » dit M Herrmann, « c’est la ville qui a payé toutes les dépenses de réparations et de constructions : il n’y a donc là rien à liquider, pas même si la province les avait faites, puisqu’alors la Ville ne retirait pas de loyer. Pour ce qui a été fait depuis, la ville consentira à recevoir en compensation toutes celles qui tombent à la charge du propriétaire, quoiqu’elle n’ait pas été appelée pour donner son avis sur leur degré d’utilité ou d’urgence, mais bien certainement elle ne pourrait jamais être tenue à payer les dépenses qui ne sont que somptuaires et voluptuaires et qui n’auraient été nécessitées pour la conservation du bâtiment. »
D’après ce que l’on vient d’exposer », dit le Maire en finissant, « les droits de la Ville sont constants ; sa demande est fondée et nullement prématurée et le Conseil peut en remettre, avec pleine confiance, l’examen et le règlement à la sagesse du Gouvernement. »
Le Conseil Municipal, adoptant les conclusions du rapport du Maire, invita ce Magistrat, qui allait se rendre dans la capitale : « à présenter au gouvernement les justes réclamations de la ville pendant son séjour à Paris. » (Ibid. p. 213 et s.)
En dépit de ces nouvelles démarches la question n’avança pas davantage vers son dénouement. Toutefois on vient de le voir, les droits de la ville continuaient à être réservés.
Quand en 1807, l’Administration Municipale s’occupa de la liquidation définitive des anciennes dettes de la Ville, en exécution du Décret Impérial du 13 Mai de ladite année, elle essaya de faire porter en ligne de compte la valeur des deux hôtels des commandans, – dont l’un, chose importante, avait été vendu, ainsi que je l’ai déjà dit, comme propriété communale, au profit de la nation, en exécution de la Loi du 24 août 1793, – et de celui de l’hôtel de la Préfecture. La Commission des finances, chargée de l’examen de cette affaire, qui valut tant de soucis aux différentes Municipalités, en rappelant les droits de propriété de la Ville sur les trois hôtels, fit remarquer avec raison qu’en ajoutant la valeur de ces hôtels au total des propriétés communales vendues, la ville auroit même payé bien audelà de ses anciennes dettes. Dans le second mémoire soumis à cet égard au Conseil Municipal par ladite Commission de finances, dans la séance du 17 Août 1807, et adressé ensuite au Gouvernement, on voit, en effet, figurer dans ce sens, tous les trois hôtels. La valeur de celui de la Préfecture y est « porté en compte pour 350 000 fr., que l’hôtel a coûté à la ville sans même y comprendre les loyers qui en seraient dûs depuis le 1° Janvier 1791 et qui, seuls, présentent au 1° Janvier dernier, une somme de 90 000 fr. » (conseil Municipal vol. 1806 à 1812, p. 248) Cette démarche n’eut pas plus de succès que n’en avait eu une tentative semblable tentée par l’ancienne Municipalité.
Deux années plus tard, la Ville fit exécuter des travaux à la Préfecture, aux frais de la caisse municipale. On construisait alors le quai Joseph pour rétablir la communication du Broglie avec la rue des Juifs. Par les premier travaux de ce quai, la terrasse de l’hôtel de la Préfecture resta ouverte ; et il fallut la garantir par une clôture. Les devis, plans et avant-métrages de ce travail furent approuvés par arrêté du Préfet du 8 novembre 1808. Et dans le budget de la Ville pour l’année 1809, au chapitre des travaux publics, Article 108, on vota, dans la séance du 9 Janvier 1809, une somme de 20 000 fr « pour grille et clôture de la terrasse de la préfecture sur le boulevard Joseph. » (Conseil Mpl, même volume, p. 395 et 414.)
Au même budget figure aussi, au Chapitre des dépenses extraordinaires, un article de dépense pour banquets données « par la ville » aux Officiers du corps d’armée du Maréchal duc de Trévise, à leur passage à Strasbourg, « alternativement dans les salles de la Préfecture et de la Mairie. » (Ibid. p. 409)
L’affaire concernant la question de propriété de l’hôtel traîna de nouveau, jusqu’en 1811, où un Décret Impérial vint inopinément compliquer la question assez simple jusqu’alors. C’est le Décret du 9 Avril 1811 portant concession gratuite aux Départemens, Arrondissemens et Communes des édifices et bâtimens nationaux occupés alors pour le service de l’Administration des Cours et Tribunaux et de l’Instruction publique.
Le 21 Juin suivant, le Conseiller de Préfecture Démichel, faisant fonction de Préfet, prit, à ce sujet, l’arrêté suivant :
« Le Préfet,
Vû le Décret impérial du 9 Avril dernier portant concession gratuite aux Départemens, Arrondissemens et Communes, de la pleine propriété des édifices et bâtimens nationaux actuellement occupés pour le service de l’Administration des Cours et Tribunaux et de l’Instruction publique ;
S’étant fait représenter l’Etat des bâtimens qui, dans le Département du Bas-Rhin, sont dans le cas d’être concédés, savoir
1° L’hôtel de la Préfecture à Strasbourg ;
2° la Palais de Justice, Idem,
3° l’hôtel du Tribunal de Saverne.
Vû la lettre du Directeur des Domaines en date du 24 Mai, Ensemble l’instruction donnée, le 13 du même mois, sur l’exécution du Décret ;
Considérant que la remise des bâtimens dont il s’agit doit être faite par l’administration de l’Enregistrement aux Préfets, sous-Préfets, ou Maires chacun pour les Etablissemens qui le concernent ;
Que cette concession à faire sous les conditions portées à l’article 3 du Décret doit être constatée par procès verbal en double minute dont l’une sera déposée à la Direction ;
Nomme le Maire de Strasbourg comme Commissaire chargé de recevoir, au nom du Préfet du Département, les deux bâtimens situés à Strasbourg et autorise le Sous-Préfet de Saverne à concourrir de son côté à la remise de ceux où siège le Tribunal de l’Arrondissement.
Copie de la présente décision sera adressée aux fonctionnaires cidessus désignés, ainsi qu’au Directeur des Domaines appelé à coopérer à son exécution. » (Ch. 4. 17. 31.)
Cet arrêté fut transmis, le jour même, au Maire de Strasbourg, et ce Magistrat invité, dans la lettre d’accompagnement, « à vouloir bien se concerter pour son exécution, avec Mr le Directeur des Domaines. » (Ibid.)
Le 13 juillet le Maire écrivit au Préfet, pour lui annoncer, d’une part, qu’il allait s’acquitter de la mission à lui imposée, mais, d’autre part aussi, pour protester, au nom de la Ville de Strasbourg, contre la prétendue concession gratuite, faite par le Gouvernement au Département, de deux hôtels qui formaient des propriétés communales, et pour s’élever, avec énergie, contre cet acte de disposition arbitraire, en renouvelant les réclamations faites par la ville depuis 1790. Il est important de transcrire ici toute la partie de la lettre de Mr.Brackenhoffer, maire, relative à l’hôtel de la Préfecture. La voici :
« M. le Préfet,
Vous m’avez délégué, par votre arrêté du 21 de juin dernier, pour prendre possession, en votre nom, et en exécution du Décret Impérial du 9 Avril, des bâtimens du Palais de Justice et de l’hôtel de la Préfecture situés en cette ville, et dont la remise doit être faite au Département par d’Administration de l’enregistrement et des domaines.
Je m’acquitterai de cette mission, Monsieur le Préfet ; mais je dois, à leur égard, renouveler les observations et demandes qui ont déjà été présentées par mes prédécesseurs et par le Conseil Municipal, car ces deux hôtels sont la propriété de la ville et n’ont jamais appartenu aux domaines.
Vous me permettrez, Monsieur le Préfet, de répéter les preuves qui ont déjà été données de cette propriété.
Je commencerai par l’hôtel de la Préfecture.
Dès les tems les plus reculés l’emplacement et les terrains sur lesquels il a été construit étaient au nombre des domaines de la ville. On y avait établi un chantier de charpenterie. Ce terrain étant alors, pour ainsi dire, sans emploi, le Sr de Klinglin, Préteur roïal, en demanda la concession gratuite ; on la lui accorda, et il y éleva les constructions actuelles dont le Magistrat lui fournit encore libéralement et les matériaux et même la main d’œuvre.
La ville avait déjà, de cette manière, plus que païé l’hôtel, quand le même Klinglin lui proposa de le racheter pour une somme principale de 200 000 livres tournois, païable, avec les intérêts, dans sept termes d’année en année, et sous la condition spéciale de lui en laisser la libre disposition aussi longtemps qu’i resterait en fonctions. Cet accord fut encore accepté, et le Contrat fut passé sous la date du 26 juin 1744. J’en joins une nouvelle copie.
Le gouvernement alors ne cessait de faire des demandes à la Ville, de lui imposer de nouvelles charges, et elle fut, bientôt après, forcée non seulement d’abandonner cet hôtel à l’Intendance, mais d’y construire, de plus, un pavillon pour ses bureaux et ses archives, et de faire même les frais de l’entretien et des réparations.
Fatiguée enfin du nombre toujours croissant de ses charges, tandis que ses revenus et moyens ne s’élevaient point dans la même proportion, elle avait pris la résolution de renoncer plutôt à une propriété devenue aussi onéreuse, elle en fit l’offre en 1785, le gouvernement ne l’accepta point, et tout ce qu’on voulut bien lui accorder, ce fut de mettre l’entretien et les réparations au compte de la province.
Ce fut cette dernière circonstance qui avait autorisé l’administration de l’enregistrement à considérer l’hôtel comme une propriété provinciale devenue conséquemment nationale, sans s’enquérir davantage, et qui le laissa ainsi dans ses mains jusqu’à ce jour.
Par ce même motif aussi, la nouvelle administration départementale qui succédait à l’Intendance, et qui s‘y était de suite installée, fit verser dans la caisse du domaine le prix du loïer que des experts nommés par elle avaient fixé à 6000 fr. par an, et qu’elle cessa elle même de païer avec l’année 1792.
Mais dès 1791, la ville en a acquitté et en paie encore la contribution foncière.
Inutilement des réclamations furent faites depuis, on ne lui en tint aucun compte, et la délibération du Conseil Municipal du 15 Germinal an XII, resta également sans décision.
Ainsi la ville n’a joui ni de la propriété ni même d’un loïer de cet hôtel, qu’elle avait pourtant acheté et païé assez chèrement, et dont on ne peut prouver la transmission par aucun acte.
Il lui est indifférent aujourd’hui que les domaines s’en soient emparés jadis, et qu’ils fassent conséquemment eux même la remise : ce qui ne l’est pas, c’est que le Département en prenne, en ce moment la pleine propriété, comme d’une concession gratuite du gouvernement.
Cet hôtel est complètement la propriété de la ville, je l’ai prouvé par le titre d’achat. Elle consent volontiers à s’en dessaisir définitivement en faveur du Département mais elle demande alors, ou qu’il acquitte désormais un loïer annuel fixe, ou plutôt, qu’il lui en païe, à tels termes et à telles conditions que ce soit, un prix d’achat déterminé par une expertise contradictoire.
Je ne fais ici que renouveler une réclamation et une proposition déjà faites par le Conseil Municipal : elles sont l’une et l’autre trop fondées et trop légitimes pour ne pas croire qu’elles seront accueillies, et que le Conseil Général du Département y aura égard.
Si même la ville était dans la situation financière la plus favorable et la plus propice, elle ne pourrait se permettre une aussi chère libéralité : mais elle est écrasée de charges publiques particulières, elle a de tous côtés des ruines à faire disparaître, des établissemens à créer ou à perfectionner, une grande administration à entretenir, de longs désordres à réparer : elle est forcée de faire emploi de tous les moyens, de ressaisir tout ce qui a pu lui échapper, de rassembler toutes ses ressources.
La question avait déjà été soumise au Conseil Général du Département, mais sous le seul rapport d’un paiement de loyer et d’une liquidation des loïers arréragés£ arriérés ?£, et il avait adopté l’avis de sa commission « sans rien préjuger sur les droits de la commune de Strasbourg, sauf à elle à se pourvoir devant le gouvernement, pour que ses droits soient examinés et réglés ». En réponse à cette décision et surtout aux motifs qui l’ont précédée, le Conseil municipal adopta le 4 Messidor de l’an XII, un nouveau rapport explicatif qui levait tous les doutes, toutes les objections, et qui n’eut pas plus de succès que tous les autres. je ne le répéterai pas, mais j’ai l’honneur d’en joindre une nouvelle copie. » (Idid.)
Après cela le Maire accomplit la mission dont l’Arrêté préfectoral du 21 Juin l’avait chargé, mais encore en y insérant les mêmes réserves et protestations au nom de la Ville. Le modèle de ces réserves et protestations écrit de la main du Sr Camille Barbier, alors Secrétaire Général de la Mairie, se trouve encore joint aux pièces. (Ibid.) D’ailleurs une double expédition du procès verbal de prise de possession doit exister aux Archives des Domaines et dans celles de la Préfecture, et en faire foi. Ce procès verbal porte la date du mois de juillet 1811.
Le Préfet, de son côté, soumit au conseil Général du Département, qui tenait alors la session annuelle (du 15 ou 30 août), les réclamations de la Ville au sujet de la propriété des deux hôtels de la Préfecture et des Tribunaux (Palais de justice).
Le Conseil prit la décision suivante :
« Le Conseil Général, d’après la communication qui lui a été donnée de la lettre de M. le Maire de Strasbourg, relativement à la prise de possession des hôtels de la Préfecture et des Tribunaux.
Considérant, que si toutes les pièces produites à l’appui de la demande formée par la Ville de Strasbourg, prouvent que ces bâtimens lui ont en effet appartenu, cependant la demande du loyer que fait Mr le Maire, ne peut être l’objet d’aucune délibération du Conseil Général, aussi longtemps que le Gouvernement n’aura pas statué sur les droits de propriété de la Ville même, Estime qu’il n’y a pas lieu à délibérer quant à présent. » (Ibid.)
Dans l’état où se trouvaient alors les choses, cette assemblée n’aurait guère pu prendre d’autre décision.
L’administration municipale ne se lassa pas pour cela : elle résolut de reproduire ses preuves et de renouveler ses instances auprès du gouvernement.
Ce fut dans ce but que le Maire adressa, dès le 13 septembre 1811, au Préfet, la lettre suivante, qu’il est encore important de transcrite dans son entier :
« Monsieur le Préfet,
Parmi les bâtimens considérés comme domaines nationaux dont le Décret Impérial du 9 avril dernier a donné la concession gratuite et la pleine propriété au Département, se trouvent à Strasbourg les hôtels occupés l’un par la Préfecture, l’autre par la Cour d’assises et par le Tribunal Civil de l’arrondissement.
Lorsque, par votre arrêté du 21 juin, vous m’avés délégué, Monsieur le Préfet, pour en prendre possession, en votre nom, j’ai rempli, sans opposition, la mission que vous avés bien voulu me confier; et j’ai eu l’honneur de vous en adresser le procès verbal sous la date du mois de juillet suivant.
Mais ces deux hôtels sont la propriété non contestée de la ville de Strasbourg, et j’ai dû reproduire ses droits, dans la nouvelle conjoncture : non que je voulusse, ni qu’il eût jamais été dans les intentions du Conseil Municipal d’intervertir leur destination actuelle, mais parce qu’il est important pour la ville de ressaisir ses propriétés, et de n’en consentir qu’elle-même la disposition quelconque, sous des conditions convenables à ses intérêts.
C’est ce que j’essaïerai d’obtenir, Monsieur le Préfet, en vous adressant sous la date du 13 du même mois de juillet, un nouveau mémoire renfermant et les preuves et les propositions de la Ville.
Dès l’année XII, le Conseil Municipal avait déjà fait parvenir ses réclamations, sans qu’il y eût rien de prononcé ni pour l’un ni pour l’autre des deux bâtimens.
Vous avés bien voulu, Monsieur le Préfet, communiquer ma dernière lettre au Conseil général du Département, dans sa session de la présente année : sa délibération du 30 Août reconnoit également la propriété de la Ville mais elle comprend, en même tems, la déclaration de ne pouvoir en connaître aussi longtemps que le gouvernement n’aura pas statué sur ses droits.
Il est donc essentiel aujourd’hui que cette affaire soit enfin mise sous les yeux du gouvernement pour une décision qui reconnoisse la propriété de la Ville ; et c’est la prière, Monsieur le Préfet, que j’ai l’honneur de renouveler.
Je ne répéterai pas ce qui a été développé dans les différens mémoires qui vous ont été adressés par la Ville, ils sont entre vos mains ainsi que les pièces et la copie des titres.
Comme la ville ne touchait aucun loïer pour l’occupation de ces hôtels, quoiqu’il y en eût un de fixé, par une expertise contradictoire, en 1791, pour celui de la Préfecture, elle ne pouvoit être chargée de la dépense de leur entretien et des réparations, ainsi qu’elle l’avoit été dans l’ancien régime : il suffisoit déjà qu’elle en païat les contributions publiques. Cette dépense fut donc faite sur les fonds du département soit administratifs, soit judiciaires ; et c’est ainsi que, retiré de la surveillance et de l’action de la ville, ils restèrent jusqu’à présent, sous celles du Département et des Domaines.
On ne peut pas conclure contre les droits de la ville de cette circonstance extraordinaire et forcée et encore moins du sacrifice qu’elle en a fait, dans le tems pour le bien du service public.
En renonçant aux loïers qui lui seraient bien légitimement dûs depuis leur occupation, la ville persévère dans l’exercice de ses libéralités patriotiques: mais celles-ci mêmes doivent avoir un terme audelà duquel elles ne seraient plus qu’une coupable prodigalité.
Dans le maintien de la destination présente de l’hôtel de la Préfecture et du Palais de Justice, la Ville doit être indemnisée ou par un loïer convenable, ou par un prix de vente.
Il serait sans soute préférable que l’on adoptât cette dernière proposition : la Ville y gagnerait un capital nécessaire par la suite et le complettement de ses grands travaux ; et le Département auroit l’avantage d’être propriétaire de ses établissemens essentiels. Dans ce dernier cas, la Ville ne demanderait pas un païement intégral et simultané, elle consentirait à tels termes que l’on fixerait et qui ne seraient passibles que d’un intérêt décroissant chaque année.
Mais il est du plus grand intérêt pour elle que la chose soit décidée, et il est de mon devoir, Monsieur le Préfet, de vous la recommander avec les plus vives instances.
Je suis avec respect &c. » (Ibid).
Il paroit que, cette fois encore, les réclamations de la ville, quelqu’instantes qu’elles fussent ne reçurent pas de décision. D’ailleurs, en songeant aux événemens immenses qui se préparaient alors, et au soulèvement de l’Europe entière qui suivit la désastreuse campagne de 1812, on conçoit que le Gouvernement n’eut guère le loisir de vouer son attention à la question de propriété de l’hôtel de la Préfecture de Strasbourg. L’Administration municipale, de son côté, n’était pas moins préoccupée des événemens qu’absorbée par les intérêts majeurs du moment. Elle s’efforçait avant tout de mitiger autant qu’il était en elle l’effet déplorable de l’application de la Loi du 20 Mars 1813 ordonnant la cession à la Caisse d’amortissement et la vente des biens communaux de toute nature, tant urbains que ruraux, de cette loi trop fatale qui ajouta tant de nouvelles pertes à celles que la révolution avait fait essuyer aux patrimoine de Strasbourg. Elle ne songeait donc non plus, pendant quelque tems, à poursuivre la solution de la question de la propriété de l’hôtel de la Préfecture. Et voilà comment les choses, d’abord arrêtées, tombèrent ensuite dans un certain oubli. Du moins je n’ai pas pu découvrir la trace d’une décision du gouvernement intervenue sur les instances de la Municipalité de 1811.
Néanmoins la ville, on vient de le voir, payait encore à cette époque les contributions foncières de l’hôtel. Elle n’a cessé de les acquitter qu’au moment où la loi en a excepté les bâtimens non productifs des Communes. C’est là une circonstance importante que le Domaine, aussi bien que le Département, connoissaient parfaitement et qui parle hautement en faveur des droits de la ville. Il en est de même de la particularité qu’aujourd’hui encore l’hôtel de la Préfecture figure annuellement au Bugdet de Strasbourg au nombre des bâtimens communaux non productifs, sans que, jamais encore, cela ait soulevé la moindre contradiction ou opposition, ni de la part du Département, ni de la part du Gouvernement.
Le premier d’ailleurs ne saurait invoquer, en sa faveur, le bénéfice de la prescription qu’il aurait acquise depuis 1811. Si jamais au mépris des droit si légitimes de la ville, le Département voulait se retrancher derrière le rempart si commode, mais pas toujours juste au point de vue purement moral, de la prescription, et prétendre que les conditions exigées par la Loi, pour que cette prescription puisse commencer à courir et s’acquérir, se rencontrent au cas particulier, les circonstances que je viens de rapporter seraient sans nul doute, à considérer comme des preuves du contraire, ou pour le moins, comme des actes suffisants d’interruption ou de suspension de cette prescription, si tant était qu’elle eût pu commencer et prendre son cours.
D’ailleurs, et dans ce cas là même, la ville pourrait encore invoquer en sa faveur un acte de propriétaire, fait depuis 1811, au sçu et du consentement de la Préfecture, et qui, bien certainement, serait de nature à interrompre le cours de cette prétendue prescription.
Cet acte de propriétaire, j’ai déjà eu occasion de la rapporter ailleurs : dans la notice sur la partie des anciens greniers de la ville où se trouvent aujourd’hui les Archives du Département, et qui est également propriété de la Ville. Il se rapporte au terrain communal situé audevant de cette partie du grenier, et au jardin de la Préfecture.
Au commencement de 1820. le Préfet, trompé sans doute, par un plan inexact, avait conçu et exécutait avec la plus grande activité, le projet d’ajouter au jardin de la Préfecture, tout le terrain situé à l’extérieur du bâtiment occupé par les archives départementales, en y comprenant l’ouverture faite comme commencement de percée de la nouvelle rue traversière, qui d’après un projet de 1804 avait dû passer par lavant cour de l’enclos de la Préfecture en fermant le tout avec une clôture commune et en ne laissant libre que ce qui suffisait pour une rue parallèle au fossé, mais en concédant toutefois à la voie publique une portion du jardin de la Préfecture afin de donner à cette rue une largeur uniforme. (voy. la lettre du Maire au Préfet, U.C.G. Corp. F. Lad: 11, fasc. 8.)
Aucun préliminaire n’avait été abordé ; aucune communication officielle n’avait été faite à l’administration municipale. Les travaux se poursuivaient vivement, ils étaient presqu’à leur terme, quand le Maire, devant mettre sa responsabilité à couvert, en écrivit enfin au Préfet, le 16 Mars 1820, et demanda l’autorisation de réunir le Conseil Municipal pour lui soumettre cet objet et lui dénoncer l’atteinte portée aux droits de la ville. (Même lettre).
Le Préfet Decaze autorisa la réunion extraordinaire du Conseil pour le 27 Mars.
Le Conseil, « voyant la chose consommée, ne crut pas convenant de l’examiner au fond » (lettre citée) et n’ayant sous les yeux ni plans, ni détails, admit, est-il [dit] l’échange proposé, c’est-à-dire ne refusa point son approbation aux changemens exécutés par le Préfet, et par suite desquels il fut pris au jardin de la Préfecture une quantité de terrain égale à celle qui fut réunie à l’enclos de la Préfecture au devant de l’ancien grenier de la Ville. Toutefois le Conseil n’accorda son consentement que sous de certaines conditions. Voici d’ailleurs le procès verbal de la délibération du 27 Mars :
« Le premier objet sur lequel le Conseil Municipal était appelé à délibérer en exécution d’une Ordonnance du renvoi de M. le Préfet du 18 de ce mois, était d’émettre son avis sur un projet conçu par M le Préfet, qui tend à ouvrir une rue aux voitures, à côté du Théatre neuf, le long de la rive droite du fossé des tanneurs, à travers une coupure pratiquée sur l’extrémité du jardin de la Préfecture et aboutissant par une ligne droite et parallèle, sur le quai devant le fossé dit des faux-remparts, moïennant la rétrocession et la réunion au même jardin de tout le terrain vacant entre cette nouvelle rue et le bâtiment où sont les Archives préfectorales ; le tout cependant aux frais de la Préfecture ; et exécuté sans nuire aux mouvemens et aux communications du magasin des machines de construction et des appareils et effets relatifs aux incendies, que la Ville a déposés au rez-de-chaussée du même bâtiment.
Il lui est en conséquence donné lecture de la lettre que M. le Maire avait écrite ,à cet égard, à M. le Préfet, dès le 16 aussi de ce mois ;
Le Conseil Municipal, considérant que le projet dont il n’a sous les yeux, ni les plans, ni les détails, paroit conçu dans les vues d’utilité publique ;
Considérant que l’hôtel de la Préfecture et ses dépendances étant la propriété de la Ville, de même que le terrain dont la concession est demandée, il ne peut être question ni d’un de ce échanges ou transmission de propriété qui exigent non seulement des formalités préliminaires, mais encore l’intervention du Gouvernement.
Estime qu’il y a lieu d’admettre l’échange proposé et l’exécution du projet dans son entier développement, mais sans aucuns frais pour la Ville, ni de terrassement, ni d’aucunes clôtures, et à la condition qu’il ne pourra être pratiqué ni exhaussement de terrains, ni fermeture d’aucuns des arceaux du magasin, qui puissent gêner les abords, les jours, les communications ou les mouvemens du même magasin, même de nuit dans le cas d’accidens de feu ; la Ville ne pouvant pas renoncer à son usage, par l’impossibilité où elle est de le transférer ailleurs et les services publics devant y rester libres de tous embarras.
La présente délibération sera adressée à M. le Préfet aux fins de droit. » (Conseil Municipal, vol. 1813 à 1820. p. 922 et s.)
[in margine :] NB. Ajouter la délibération du Cl. Mpl. du 28. Déc. 1827 où il est dit e. a. « nos droits sur les bâtiments des Archives, sur la Préfecture même, sont aussi absolus que sur le terrain dont s’agit… ».
En résumé : la ville prouve donc ses droits de propriété sur l’hôtel de la Préfecture, titres à la main ; tandis que le Département ne saurait invoquer en sa faveur aucun titre légitime translatif de propriété, ni le bénéfice de la prescription : le décret impérial du 9 Avril 1811 n’ayant pas pu avoir pour effet de lui transmettre, comme domaine national, un édifice communal, la Ville n’ayant cessé, même depuis ce décret de réclamer la reconnoissance et la confirmation de ses droits anciens et manifestes et de faire, en même temps, des actes de propriétaire qui auraient pu interrompre le cours de la prescription si jamais le Département prétendait se réfugier derrière ce bénéfice de la Loi.
Dans tous les cas, la question est assez importante pour mériter un examen approfondi ; et cela d’autant plus que le temps presse, et qu’aujourd’hui ou jamais la Ville peut encore espérer de faire enfin reconnoitre définitivement ses droits aussi anciens que légitimes.
Strasbourg en Décembre 1845.